Des recherches agronomiques à Terre-Neuve

           

L'agronomie s’est depuis toujours penchée sur les sciences utiles à la pratique et la compréhension de l'agriculture ; elle s’intéressa depuis bien longtemps aux produits de la mer qui sont utilisés comme engrais en agriculture, avec les sables de coquillages [1] ou bien le goémon, riches en azote et en chaux – phosphate de calcium -  ; et puis, un moment donné, au milieu du 19ème siècle, des recherches eurent lieu à Terre-Neuve pour faire l’usage dans la composition des engrais des déchets de poissons ou « effars » ; au cours d’une campagne de pêche, le poids des déchets rejetés à la mer était sensiblement égal à celui du poisson ramené en France [2] .

Le premier engrais phosphaté employé par l'agriculture française fut en réalité le noir animal ou noir d’os, substance riche en carbone et en diverses substances minérales ; par la suite, on s’orienta dans les années 1820-1830 vers l’usage du guano, importé d’Amérique du Sud, puis et enfin vers l’exploitation du phosphate minéral destiné à l’industrie et accessoirement à l’agriculture. Mais, les déchets de poissons eurent une place particulière dans l’ensemble de ces produits d’amendement : on les appelait alors des « guanos artificiels » ou « guanos de poissons » [3] .

Henri Louis Duhamel du Monceau (1700-1782) avait été le premier à évoquer l’usage des os d’animaux dans l’agriculture, puis il y eut les travaux de Théodore de Saussure (1767-1845) sur la formation de l’acide carbonique dans les végétaux. Boussingault (1801-1887) le fondateur de la chimie agricole découvre l’utilité du guano pour l’agriculture. Justus von Liebig (1803-1873) fit des contributions majeures à la chimie organique et à l'agronomie ; on le disait fondateur de l’agriculture industrielle. Dès 1832, à Donville les Bains, la maison Dior, d'abord spécialisée dans la fabrication et le commerce du noir animal et dans l'industrie des os, s'adonna ensuite à l'importation des guanos du Pérou et à la fabrication du guano dissout avant de s'occuper de l'exploitation des phosphates et de leur transformation en superphosphates. De leur côté, Edouard Derrien (1822-18xx) exploite à Nantes des engrais artificiels [4] , Charles de Molon à Concarneau des engrais minéraux …

 

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Les expériences commerciales et industrielles seront nombreuses, avec des réussites diverses ; les écoles d’agronomie développent une spécialisation halieutique ; de leur côté, les sociétés savantes vont aussi s’emparer de la question de l’usage des déchets de poissons en faveur de l’agriculture.          

 

I – Lors d’une séance de 1853, la Société Royale et Centrale d’Agriculture reçoit et donne lecture d’une note du comte de Gasperin, membre de l’Académie des Sciences, sur l’importance de l’engrais tiré des poissons et sur la quantité que l’on pourrait en faire venir de Terre-Neuve où il existe une masse immense de débris de ces animaux.

Une lettre d’un capitaine Gautier fait connaitre que sur 700 000 quintaux de poissons pêchés à Terre-Neuve, 350 000 seulement sont salés et importés ; 350 000 sont rejetés ; avec ces derniers, on pourrait obtenir 100 000 quintaux de poudre de poisson qui formeraient un engrais égal en qualité au guano. Un armateur de Saint-Malo a déjà établi une fabrication de ce produit à Terre-Neuve, et sollicite du gouvernement des mesures qui encourageraient cette importation en l’assimilant à celle du poisson salé. Il s’agit en cette circonstance, d’accroitre le fret de notre marine, et par conséquent le nombre de marins qui se formeraient à cette école. Si l’on importe des substances sous forme de chair de poisson, on en importerait en fait sous forme de blé, en employant ce nouvel engrais à l’amélioration de nos cultures.

Les membres de la Société Royale font alors plusieurs observations :

-        Que en effet, cette espèce d’engrais doit offrir d’assez grands avantages, notamment par la quantité de matières osseuses qu’il renferme ; il a été montré que les écailles se rapprochent beaucoup de la compositions des os ; cet engrais paraît même rentrer plus que le guano dans les conditions des engrais ordinaires, en ce sens qu’il est d’une décomposition plus lente et qu’il doit contenir un plus grand nombre de principes différents s’il a été convenablement préparé pour être un bon engrais.

-        Que l’importation et l’adoption d’un tel engrais seraient très précieuses pour notre agriculture. Il faut rappeler les encouragements donnés par la Société – Royale – à l’emploi des débris d’animaux morts ; il avait déjà été signalé l’application des résidus de harengs ; enfin que des jeunes chimistes – dont un M. Moussette - se sont rendus à Terre-Neuve pour examiner ces résidus de poissons et en ont signalé les propriétés utiles.

-        Qu’il y a deux ans, un capitaine d’artillerie s’était intéressé sur la manière de préparer les matières dont il s’agit ou des matières analogues ; des analyses ont été faites en laboratoire et elles ont démontré la richesse de cet engrais.

-        Que les procédés sont suivis à Terre-Neuve pour la fabrication de ce produit ; on fait cuire les poissons ou les débris de poissons à la vapeur, on dessèche les matières, on les met sous la presse, on les broie et les pulvérise ;

-        Que l’emploi des engrais de poisson a été visé dans le traité de chimie de sir Humphry Davy (1778-1829)

-        Qu’il s’agit de savoir au point de vue économique quels seront les prix de revient et les quantités livrables à l’agriculture.

 

II – Dans le même temps, le Journal Général d’Horticulture publie une note sur l’engrais de poisson signée à nouveau par M. de Gasperin .

Dans les pays maritimes du Nord, la Scandinavie, Terre Neuve, on se sert depuis longtemps des débris de poissons pour fertiliser la terre. L’idée d’étendre cet usage à l’Europe et d’en faire un grand commerce est venue, il y a quelques années à M Gautier, commandant le navire à vapeur Le Véloce sur la station de Terre-Neuve.

Le gouvernement de Terre Neuve lui demanda une note où il exprima ses idées, transmise le 8 août 1853, publiée dans le Journal de la Société d’Agriculture d’Angleterre, volume 14 page 394, et il n’est pas douteux que les Anglais ne se mettent bientôt en devoir d’exploiter cette nouvelle source de richesse, notamment sous l’impulsion du baron Liebig .

Cependant, les Français n’ont pas été oisifs non plus ; un armateur de Saint-Malo avait déjà fait dès 1851 des essais de fabrication du nouvel engrais et l’a soumis à l’analyse chimique, qui accuse en richesse de 12 à 15% d’azote, et aussi à l’attention du gouvernement auquel il demande « les mesures législatives qui pourraient favoriser cette nouvelle branche d’industrie en favorisant son introduction ; le gouvernement fera ainsi une chose utile à notre agriculture et à notre marine et nous devons faire des vœux pour que nous soyons bientôt doté de cette ressource importante ».

L’argumentaire développé parle aussi d’appliquer à l’importation du nouvel engrais les faveurs que le gouvernement accorde à l’importation du poisson salé, c’est-à-dire les primes ; enfin, personne n’ignore les difficultés que les anglais émettraient à cette nouvelle activité du fait des contraintes imposées aux français par le traité d’Utrecht, limités à la pêche du poisson, à l’exclusion à tous autres animaux et autres commerce, ce point devant se vérifier un peu plus avec la pêche des homards …

 

III – La Revue des Deux Mondes [5] relate de temps à autre des articles sur ces engrais maritimes qui pouvaient représenter une source de progrès pour l’agriculture :

 

« Les engrais commerciaux sont comme un autre genre de machines ayant pour effet d'augmenter la puissance du sol. Le plus actif est le guano du Pérou; l'expérience a prouvé qu'une tonne de cet engrais merveilleux peut produire l00 hectolitres de blé. La France n'en achète cependant qu'une quantité insignifiante, presque toute employée dans le seul département de Seine-et-Marne. Un document présenté au corps législatif a constaté que, dans le premier semestre de 1854, sur 223,000 tonnes de guano extraits des îles Chincha, 113,000 ont été importés en Angleterre, 98,000 aux États-Unis et 5,688 seulement en France; l'Espagne en a reçu tout autant. Malgré cette indifférence pour le vrai guano, la France a imaginé la première de faire avec des débris de poisson du guano artificiel. Ce nouvel engrais figure-à l'exposition (exposition de Paris de 1855 ?), où il mérite toute l'attention des cultivateurs c'est une des idées les plus fécondes; l'engrais de poisson revient un peu moins cher que le guano péruvien, et on peut en produire en quelque sorte à l'infini. »

 

« Un engrais déjà vainement signalé à nos armateurs occupe aussi de nouveau l’attention des agronomes : nous voulons parler des résidus, jusqu’à ce jour malheureusement négligés, des pêcheries maritimes. Les débris de poissons et de tous les animaux marins contiennent une énorme quantité de substances azotées, de phosphates calcaires et magnésiens, élémens puissans d’une vie végétale abondante. Il faudrait dessécher sur place ces débris, afin d’en rendre le transport plus facile et moins couteux ; il faudrait les diviser assez pour les disséminer également sur la surface des champs en culture. Cette dernière précaution est cependant inutile pour les plantes à demeure, comme les oliviers, les arbres et arbustes à fruits, les mûriers et les vignes. Il suffît, dans ce cas, de recouvrir de terre les débris déposés autour de chaque pied pour que, s’accomplissant spontanément, la décomposition donne à la nourriture de la plante les élémens minéraux désagrégés et la matière organique réduite en gaz, vapeurs ou solutions aqueuses. On peut donc s’applaudir de la création de plusieurs sociétés qui se sont constituées dans ces derniers temps pour transformer ainsi en engrais les débris de la pêche des morues sur les bancs de Terre-Neuve et des sardines sur nos côtes de Bretagne. Les premiers essais ont donné d’heureux résultats … »

« Enfin on a essayé à diverses reprises d'utiliser à la fabrication des engrais tous les résidus des pêcheries. Sur notre côte bretonne, avec les parties non comestibles des sardines; aux îles Loffoden en Norvège; à Terre-Neuve où s'accumulent les résidus de la pêche de la morue, on a fabriqué des engrais de poisson. En soumettant à l'action de la vapeur d'eau surchauffée tous ces débris, on en extrait de l'huile, puis toute la masse devient dure, cassante, passe facilement au moulin et forme une poudre commode à répandre. »

IV - L’Académie des Sciences s’intéressera également à la question ; lors d’une séance de 1852, elle recevait M. A. de Romanet pour traiter « Du noir animal résidu de raffinerie, de sa nature, de son mode d’action sur les végétaux, de son emploi en agriculture et des avantages économiques qui doivent résulter de cet emploi. »

Plus tard, le 18 décembre 1856, elle publiera une note de Charles de Molon sur l’usage des phosphates minéraux et sur l’industrie des farines de poisson comme engrais.

 

V – A l’Académie d’Agriculture de France, Charles de Molon fait une communication de ses connaissances et de ses travaux en la matière ; deux représentants de l’Académie, Pommier et Payen, viendront visiter sa fabrique d’engrais de Concarneau ; un rapport de visite sera soumis lors d’une séance du 9 août 1854, suivi d’un rapport spécial sur la finalité des travaux : l’Académie discute surtout de l’authenticité des recherches : M. de Molon a le mérite d’avoir introduit le premier cet engrais dans l’industrie ; mais la première idée reviendrait, il y a plusieurs années, à M. Quatrefages qui avait déjà signalé les avantages que l’agriculture pourrait retirer de l’emploi de débris de poissons et de la fabrication d’une sorte de « guano ichthyologique ». Depuis longtemps, l’on connaissait l’usage en bord de mer du poisson frais comme engrais, mais l’idée pratique de réduire le poisson, le disséquer afin de le transporter chez les cultivateurs de l’intérieur revient à M de Molon [6] .

Il aurait été ainsi le premier à livrer aux agriculteurs le phosphate de chaux naturel, soit en nodules, soit pulvérisé, et à en faire une exploitation industrialisée ; premier en France, de ce qui était semble-t-il déjà développé en Angleterre . Davy dans sa « Chimie agricole » avait indiqué l’emploi que l’on faisait depuis très longtemps des poissons comme engrais … lorsqu’ils étaient très abondants [7] .

 

 

VI – Charles de Molon (1809-1886) va jouer un rôle important dans ces différentes recherches agronomiques.

La famille de Molon, originaire de Menez-Ru, commune de Leuhan, dans le Finistère, s’est installée à Saint-Malo [8] ; René de Molon père (1778-1853) y a été nommé agent général du cadastre et décède à Paramé ; il eut huit enfants dont Charles est l’aîné : né à Rennes le 27 mai 1809, ancien élève de Saint-Cyr, promotion 1826, après une courte carrière militaire, il se consacre dès 1836 à l’étude de l’agriculture ; l’analyse des phosphates minéraux ou fossiles l’amène également aux substances marines, aux phosphates animal ; marié en 1836 puis père de trois enfants ; son frère, Félix de Molon (1811-1883) ancien polytechnicien, général d’artillerie, se retire à Saint-Malo en s’occupant de bonnes œuvres à l’hôpital général ; il fonde une société de secours, est commandeur de la Légion d’honneur et maire de Paramé en 1883 quelques semaines avant son décès .

Félix de M. fait en 1851 une demande de brevet d’invention pour du « guano de poisson » ... Son frère, Charles de M., agriculteur et industriel de Concarneau, déposa en 1848 un brevet pour le « zoofime » ; son engrais était constitué de « soit [de] polypiers, maerl et madrépores, corps presque entièrement composés de carbonate de chaux […,] soit [de] phosphates de chaux si utiles aux plantes et [de] matières animalisées de toute sorte (chair musculaire, sang ou matières fécales préalablement désinfectées […]) » [9] . Des polypiers sont alors dragués en mer au large de Brest ; un banc de madrépores est découvert à quelques lieues de la côte du Finistère ; ces éléments jouent un rôle d’excipient et aussi de substance utile par les matières calcaires qu’ils apportent aux terrains siliceux de la Bretagne. Il poursuivra ses recherches sur tout le territoire français, département par département, pour retrouver les couches de calcaire utiles pour en faire du phosphate minéral. D’autres brevets furent enregistrés les 22 mai 1856 et 14 mai 1857.

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Le quai aux engrais à Concarneau

 

Vers 1850, Charles de M. affréta des navires, commissionna des agents et fit faire à ses frais de lointaines explorations ; il affréta spécialement un navire « Le Neptune » de Saint Malo pour prolonger à Terre-Neuve ses différentes expériences agronomiques  et un de ses frères Ernest se chargea de faire l’exploration ; le résultat fut de constater que la quantité de débris de poisson abandonnée chaque année et accumulée sur les graves de Terre-Neuve est considérable – il en rapporta 200 tonneaux - et qu’elle peut être facilement et avantageusement utilisée. Il créa à Terre-Neuve, à Kirpon, extrémité nord près du détroit de Belle-Ile, un établissement important pour l’exploitation des déchets de poisson, avec logements pour 150 ouvriers qu’il emmenait avec lui ; il sollicite du gouvernement des mesures qui encourageraient cette importation en l’assimilant à celle du poisson salé ;  en 1851 (ou 53 ?) , il fonda dans le port de Concarneau une vaste usine pour utiliser les déchets considérables des fabriques de conserves de sardines et les transformer en engrais phosphatés ou poudre de poisson ; il eut comme adjoint-collaborateur un banquier M. Thurneyssen pour fonder ses établissements de fabrication de poudre de poisson à Terre-Neuve.

Curieusement, les communications faites en 1853 par le comte de Gasperin, citée plus haut, ne mentionne jamais son nom ; et pourtant c’est bien lui qui affrète des navires, mène des expéditions à Terre-Neuve, appointe des chimistes, créée des installations,  le tout à ses frais ; il y a peu de doute que l’armateur de Saint-Malo dont on a parlé ne serait en fait Charles de Molon lui-même …

En 1853, Ernest de Molon achète 100 hectares de terres en friches à Coray et Leuhan – Finistère - pour y appliquer ses méthodes agronomiques et procédés d’amendement . En décembre 1856, il reçut un prix et une médaille d'or pour la mise en valeur « sur la partie déclive sud-est des Montagnes Noires et dans la section la plus aride de la commune » dont « la partie basse est formée de marais tourbeux » ; « cette terre inculte, véritable désert, (...) changea promptement d'aspect. (...) Le marais, traversé par la petite rivière l'Aven , fut labourée avec une forte charrue, attelée de huit bœufs, jusqu'à 40 cm de profondeur. (...) Aujourd'hui, la propriété de Menez-Ru est devenue une oasis (...) 

Les expositions universelles de Londres de 1851 puis de Paris en 1855 font état de ces avancées agronomiques sur les engrais et sur les phosphates.

Mais par la suite, la situation se détériore pour Charles de M. ; celui-ci sera au cœur de ce que l’on a appelé « la polémique des phosphates » ; il doit lutter contre la presse agricole, il défend le simple procédé de broyage et de pulvérisation des os et même des minéraux, alors qu’il a été prouvé que seul le procédé chimique d’arrosage par de l’acide sulfurique permet l’assimilation par les plantes, avec ce que l’on a appelé les superphosphates. En réalité, ce qui lui fut favorable dans les sols granitiques et acides du Finistère, ne le sera pas forcément dans les autres régions.

Les brevets furent annulés par le Tribunal de la Seine du 9 juin 1860, décision confirmée par la Cour d’appel le 17 mai 1861, au motif que la pulvérisation des phosphates ne constitue pas une nouveauté…

Une commission des engrais est instaurée au Ministère de l’Agriculture pour clarifier la composition des engrais mais aussi en déceler et supprimer les fraudes ; le 26 novembre 1864, Ch. de Molon y fait une déposition pour s’expliquer sur la question des phosphates et confirmer les fraudes qu’il avait lui-même dénoncées précédemment auprès des pouvoirs publics ; une seconde déposition est faite par lui le 8 décembre au cours de laquelle il dépose une lettre de l’Empereur Napoléon III en sa faveur datée du 11 janvier 1858 [10] , puis une troisième déposition le 15 décembre ; le 27 décembre, Ernest de Molon, cultivateur à Menes-Ru, confirme devant la commission les déclarations de son frère.

En parallèle, Charles de M. continue à publier : « Fertilisation du sol par le phosphate de chaux fossile ». 1860 - Panckouke, Paris, 48 p. ; puis « l’Agriculture et le Phosphate de Chaux, notice sur les travaux et les recherches de M. Ch. de Molon » Coulommiers 1877 ; mais les explications données ne sont plus d’actualité …

 

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k54327299/f10.highres

 

Charles de Molon rencontre également des difficultés d’extraction et d’exploitation du phosphate de chaux-fossile, dans le transport des matériaux, ajouter à cela les réticences des cultivateurs pour en faire l’usage, ce qui lui vaut parfois de devoir fournir gratuitement et même de se porter garant du résultat des récoltes ! « Il dut faire face à cinq années de luttes continuelles contre la routine et le mauvais vouloir … »

« Tout ce qui constitue le mouvement agricole, industriel et commercial du pays, profite du fruit de mes travaux, moi seul reste victime des sacrifices que j’ai dû faire pour parvenir à ce résultat. »

« J’ai subi avec résignation toutes les entraves, toutes les déceptions, toutes les privations, tous les chagrins, et néanmoins je n’ai reculé devant aucun obstacle pour atteindre un résultat qui a pour effet de contribuer puissamment à la richesse de mon pays, en lui apportant l’élément indispensable à la regénération de son agriculture … »

La revente des établissements de Concarneau et de Terre-Neuve devait lui rapporter 282 000 francs mais il n’en fut jamais réglé, par suite d’une malversation d’un homme d’affaires . Le cessionnaire de Concarneau M. A. Cochery continue l’exploitation quelques temps, mais sans poursuivre l’espoir d’un nouveau et grand commerce Terre-neuvien, complémentaire à celui de la morue…

Malgré un relatif échec scientifique mais aussi financier, Ch. de Molon recevra à l’exposition générale d’agriculture de 1860, une grande médaille d’honneur ; et aussi à l’exposition universelle de Paris de 1867 pour ses « découverte et exploitation du phosphate de chaux fossile et l’application de ces phosphates à l’agriculture à l’état de poudre naturelle » .

            Une phrase résume assez bien les objectifs permanents poursuivis par Charles de Molon, celle-ci émanant de lui-même : « Pour maintenir dans le sol une fertilité constante, il est indispensable de lui restituer tous les éléments que les moissons lui enlèvent… »

                                                                                              Yves Duboys Fresney

 

-          A paraître dans le numéro 24 des Annales du Patrimoine de Fécamp-Terre-Neuve    -



[1]   Les sables engrais sont le maerl, le trez, la tangue …

[2]   Source : Bronskhorst.

[3]  La maison Claveau et Guespin de Tours commercialisait en 1924 de l’« engrais au guano de poisson Terre-Neuve »

[4]  Voir La production de guano artificiel, une étape dans la professionnalisation des fabricants d’engrais : l’exemple d’Édouard Derrien à Nantes (1840-1860) par Philippe Martin.

[5]   La Revue des deux mondes : 1er paragraphe : année 1855 – tome XII – page 108 – 2ème paragraphe : année 1863 - tome 43 - page 111 – 3ème paragraphe : année 1894–07 – tome 124 - page 437 -

[6]   Annales de l’Agriculture française 1854 page 460.

[7]   Par la suite, les chalutiers anglais seront très tôt équipés pour récupérer les déchets de morue, alors que les chalutiers français les rejetaient à la mer (Bronskhorst)

[8]   La concession de la famille de Molon dans le cimetière de Paramé a été supprimée en 2002.

[9]  Voir le site web INPI : cote 1BB7210. De l’engrais « zoofime » créé par Démolon en 1848, fabriqué par La Jarthe de Saint-Amand et Cie à Chantenay en 1851.

[10]   Il recevra une aide financière de l’Empereur qui lui fit prêter sur sa liste civile une somme importante.