Le choix du galet

 

L’attribution des havres de pêche à Terre-Neuve a longtemps été problématique ; le choix d’une bonne place de pêche était essentiel pour la réussite d’une campagne, avec la qualité des eaux de pêche, la qualité des installations - pour certaines, tout était à refaire chaque année - et aussi la qualité des graves, là où la morue allait être mise à sécher, d’où l’appellation « Choix du galet »..

I – Ancien régime – 1640-1789 -

Les malouins furent les premiers confrontés à des difficultés d’attribution, que le Parlement de Bretagne allait aussi tenter de régler ; une assemblée dite « de notables de Saint-Malo » eut lieu le 26 mars 1640, elle approuve le tout premier règlement ; celui-ci sera homologué par le Parlement de Bretagne le 31 mars suivant, devenant ainsi obligatoire pour tous les pêcheurs bretons ; par la suite un arrêt du Conseil du Roi du 28 avril 1671 le rendit commun à tous les pêcheurs du royaume …

Ce règlement octroie un privilège d’attribution des havres de pêche au premier arrivé. Il sera à la base des quatre premiers articles du titre VI du livre V de la grande ordonnance d’août 1681 : « Quand les sujets du roi iront faire la pêche des morues aux côtes de l’île de Terre Neuve, le premier qui arrivera ou enverra sa chaloupe au havre du petit maure, aura le choix de prendre l’étendue du galet, et apposera au havre du Croc une affiche contenant le jour de son arrivée et le nom du havre qu’il aura choisi. »

Tous les maîtres qui arriveront ensuite seront tenus d’écrire sur la même affiche le jour de leur arrivée, le nombre de leurs matelots et les havres ou galets qu’ils auront choisis à proportion de la grandeur de leur vaisseau et de leur équipage.

Le temps de faire ces déclarations et affichages n’étant pas fixé, il s’éleva des contestations, parfois suivies de la démolition et du pillage des échaffauds ; un arrêt du Conseil d’Etat du 3 mars 1684 ordonne que les capitaines, maîtres et officiers des vaisseaux français seraient tenus de faire la déclaration une heure après leur arrivée.

La date du départ en métropole était également réglementée ; une ordonnance du 8 mars 1702 défend à tout capitaine d’appareiller et de faire route avant le 1er mars ; de plus, il est interdit d’aborder la côte est de Terre-Neuve avant le 10 mai ; cette règle sera maintenue dans les dispositions du nouveau régime ; une distinction sera maintenue entre les deux côtes de Terre-Neuve : pour la pêche à la côte ouest, le 1er mars comme pour le banc, pour la côte est, départ le 20 avril ; il fallut aligner les dates entre les armements par les bancs et ceux pour les sécheries à la côte ; les armements doubles qui souhaitaient pêcher à la côte est ne s’interdisaient pas d’effectuer au préalable une première pêche au Grand-Banc …

Il y eut des abus concernant l’envoi de chaloupes avant même d’arriver, dont certaines se perdirent avec leur équipage ; une ordonnance royale du 8 mars 1702 fit défense à tout capitaine d’envoyer sa chaloupe à terre avant d’avoir mouillé une ancre ; la même ordonnance régit que ce serait à l’avenir le capitaine du premier navire qui mouillerait l’ancre qui serait le maître du choix du galet.

D’autres abus eurent lieu concernant la navigation de nuit …

II – Nouveau régime – 1815-1904 -

Avec la Révolution et l’Empire, les activités de la pêche à Terre-Neuve cessèrent pour un temps, mais à la reprise, après 1815, c’est le tirage au sort des places de pêches qui sera mis en place pendant tout le cours du 19ème siècle.

Dès l’an II, les armateurs avaient demandé dans un mémoire adressé au ministre de la Marine Décrès que les places de pêche soient concédées pour plusieurs années.

Un arrêté du 15 pluviôse an XI fait cessé le régime antérieur et crée donc un nouveau régime ; une ordonnance du 13 février 1815 confirme le nouveau règlement suite à une première assemblée des armateurs du 18 décembre 1814 ; une ordonnance du 21 novembre 1821 officialise une nouvelle reconnaissance des havres dont on dresse un tableau complet ; par la suite, il y eut une ordonnance du 24 avril 1842, les décrets du 2 mars 1852 et 22 mars 1862, enfin le décret du 17 février 1894.

Les assemblées de tirage au sort sont tenues à Saint-Servan dans les locaux de la Marine – voir illustration ci-après -  ; la première eut donc lieu le 18 décembre 1814, puis le 5 décembre tous les cinq ans ; par la suite le 7 février 1832 et enfin sous le régime du décret du 2 mars 1852, le 5 janvier toujours tous les cinq ans.

Les armateurs ayant l’intention d’armer pour la pêche à la côte de Terre-Neuve en font la déclaration en indiquant le nombre et le tonnage de leurs navires. Un tableau est dressé, divisant en trois classes les navires inscrits : ceux de 142 tonneaux et plus avec 25 hommes et plus d’équipage, ceux de 90 à 142 tonneaux avec 20 hommes et plus, enfin ceux inférieurs à 90 tonneaux avec 15 hommes et plus. Sur un autre tableau, figurent toutes les places de pêches à attribuer. Les noms des navires sont mis dans une urne. Au fur et à mesure qu’un bulletin sort, l’armateur du navire désigné choisit une place dans la série correspondante.

Ce nouveau système se pratiqua pendant tout le 19ème siècle ; une entente cordiale avec l’Angleterre y mit fin en 1904 …

                                                                                                                 Y.D.F.

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