La compagnie française des Indes orientales

La compagnie française des Indes orientales

 

                       

Au 16ème puis au 17ème siècle, dès les grandes découvertes, l’Europe se partage le monde.

            Si le Portugal et l’Espagne s’entendent rapidement, dès 1494, pour se diviser le monde, surtout en Afrique et en Amérique du sud, par le traité de Torresinas, entériné par une bulle papale dite clause du testament d’Adam, par contre la France et l’Angleterre ne cessent de se quereller aux Indes et en Amérique du Nord [1] .

            Des compagnies maritimes sont créées pour exploiter d’un côté la route de la soie et de l’autre le commerce des fourrures ; pour aussi assurer la présence de chaque nation et rivaliser entre elles.

            En France, Colbert, grand initiateur, créé en 1664 la compagnie des cents associés qui deviendra la compagnie des Indes occidentales, ainsi que la même année la compagnie des Indes orientales ; en 1670, il créé la compagnie du Levant qui deviendra en 1685 la compagnie de la Méditerranée ; en 1673 la compagnie du Sénégal.

L’objet pour la Compagnie Orientale était de naviguer et négocier depuis le cap de Bonne Espérance presque dans toutes les Indes et mers orientales avec monopole du commerce lointain pour cinquante ans.

La côte d’Afrique, Madagascar et les îles voisines, l’intérieur de la mer Rouge, les côtes arabes, les côtes de Malabar, de Coromandel, le Bengale en Inde, la Chine et le Japon sont désignées en 1665 comme des terres « à exploiter » ; avec le temps, certaines terres furent abandonnées, comme Madagascar au profit des Mascareignes (île Bourbon, île de France et île Rodrigue).

En Orient, Surate devient en 1667 le principal centre de commerce français ; Pondichéry est fondé en 1674 ; en France en 1669, un port celui de L’Orient est créé pour recevoir les différentes destinations.

            La compagnie fonctionnait par déclaration royale du 27 août 1664 avec un monopole du commerce pour cinquante ans, un droit de propriété des terres occupées, un droit de justice souveraine, le droit d’armer des navires de commerce et de guerre, le droit d’établir des garnisons, le droit de battre monnaie et même « le droit d’esclavage et autres droits utiles qui pourraient nous appartenir à cause de la Souveraineté desdits Pays. »

            Le statut était celui d’une manufacture royale avec tous les privilèges associés, en particulier l’exemption de taxes, la garantie du Trésor Royal, le pouvoir de nommer des ambassadeurs, de déclarer la guerre et de conclure des traités.

            Le capital de la compagnie, initialement de 8,8 millions de livres, était divisé en actions destinées à recevoir des dividendes ; les fonds réunis servaient à couvrir les frais des longs voyages maritimes, la protection nécessaire, l’entretien des comptoirs, les appointements…

            Après la mort de Colbert en 1683, la compagnie est réorganisée (1685) ; le monopole lui est retiré en 1698, la compagnie est ruinée en 1708, d’où la vente en 1716 à une nouvelle compagnie des Indes orientales de Saint-Malo avec obligation de décharger au port de  Lorient et versement d’une rente de 10% sur toutes les expéditions ; mais revente en 1719 au grand financier Jean Law qui possédait déjà depuis 1717 la compagnie d’occident et qui aussitôt les regroupa en une Compagnie perpétuelle des Indes; nouvelle réorganisation en 1721, indépendance en 1723 puis nouvelle réorganisation en 1764 après la guerre de sept ans, la France ne conservant que cinq comptoirs en Inde lors du traité de Paris en 1763 (Pondichéry, Karikal, Yanaon, Mahé et Chandernagor) ; en 1769, il y eut suspension du privilège de la compagnie et ouverture au commerce privé puis survint la suppression en 1793 après la création en 1785 et en seconde tentative d’une nouvelle compagnie Française des Indes.

            Aujourd’hui, une compagnie des Indes existe encore ; le siège est à Paris à l’angle de la rue des Petits Champs et de la rue Vivienne ; le site internet est www.compagniedesindes.fr.

            Pour prolonger, vous pourriez utilement visiter le musée de la Compagnie des Indes dans la citadelle de Port-Louis (voir sur internet : www.musee.lorient.fr)

 

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La famille Geslin de Chateaufur, originaire de Rennes, est très impliquée dans la Compagnie des Indes orientales ; elle est d’ailleurs citée dans l’armorial des familles françaises en Indes ; nous savons que :

 

-          Joseph Geslin de Chateaufur époux de Thérèse Françoise Guérard était lieutenant breveté puis capitaine de la Compagnie, également conseiller-secrétaire du Roi en la Chancellerie de Bretagne

Par contrat du 27 février 1766, il acquiert la seigneurerie et les terres de Montigné à Vezin le Coquet près de Rennes ; pour ce fief, il fit hommage au Roi le 21 juin 1777 qu’il renouvela avec ses enfants en 1784, son épouse étant décédé entre temps (archives départementales de Loire Inférieure B 1057 et 1063)

Le château de Montigné existe toujours ; il a été reconstruit en 1675 et présente deux pavillons non saillants à toits très élevés ; au centre, se dresse une lanterne surmontée d’un toit en carène et d’un campanile ; un perron simple et coudé protégeait autrefois un petit « Chapitreau » ; il existe aussi une orangerie, une fuie ; par contre la chapelle contruite en 1749 a disparue ; Montigné possédait un droit de haute justice qui s’exerçait « soulz l’ourme estant au cimetière » ; les exécutions capitales se faisaient aux branches d’un chêne sur le bord de la route de l’Hermitage à Rennes, sur le pâtis de la Motte-Gaudin ; c’était ce qu’on appelait « la justice verte ».[2]

 

-          Jean Louis Joseph Geslin de Chateaufur né vers 1724 époux de Marie Julie Labiche était capitaine de la Compagnie ; il fût enseigne de vaisseau par décision du 15 janvier 1784, lieutenant de vaisseau de 2ème classe en 1786 et en retraite en 1790, il habitait alors à Rennes rue Mablay.

capitaine du Galathée en 1753, commandant de La Cibèle en 1754, enseigne sur Le Sévère en 1782.

 

-          Enfin Joseph Théodore Geslin de Chateaufur né à Saint Germain de Rennes en 1756, décédé à Pondichéry le 4 décembre 1809 à l’âge de 53 ans ; il était enseigne de vaisseau de la Compagnie et Chevalier de Saint-Louis ; il épousa à Pondichéry le 18 septembre 1786 Marie Agnès Brigitte Baleine de Laurens, la fille d’un conseiller au Conseil Supérieur de Pondichéry et commandant pour le Roi à Madras.

La famille Baleine du Laurens, également citée dans l’armorial des familles françaises en Inde, est aussi très impliquée dans la Compagnie des Indes ; elle donna plusieurs représentants au Conseil Supérieur de Pondichéry, un greffier notaire à Tranquebar et aujourd’hui encore des diplomates…

 

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Par leur alliance avec les Geslin, les Duboys des Sauzais  adhèrent également à la Compagnie :

 

- François Marie Duboys des Sauzais est le fils aîné de René Ange Félix Duboys des Sauzais, procureur au Parlement de Bretagne, et Jeanne Perrine Geslin, né à Rennes paroisse Saint Sauveur le 21 mars 1745 ; il s’engagea dans la Marine ; on le retrouve en 1769 à bord du navire « le comte d’Argenson », année de suspension du monopole de la Compagnie des Indes.

Le « Comte d’Argenson » était un vaisseau de 1000 tonneaux dimensions 141x36x16 armé par la Compagnie des Indes muni de 26 canons (percé pour 50) avec 182 hommes d’équipage ; lancé le 3 juillet 1757, parti pour l’Océan Indien le 7 mars 1758 ; en 1759 il est armé à l’île de France et désarmé aux Indes, son capitaine est Camille l’Avocat de la Crochais ; en 1761-1764 il est commandé par le malouin Marion-Dufresne (1724-1772) ; désarmé à Lorient le 4 mai 1769 au retour de son 4ème voyage aux Indes

Douze ans plus tard en décembre 1781, il était enseigne de vaisseau du roi comme second capitaine de la corvette « le Papillon » de Lorient.

- Joseph Clément Pierre Duboys des Sauzais est le second fils de René Ange Félix Duboys des Sauzais, procureur au Parlement de Bretagne et de Jeanne Perrine Geslin, né à Rennes paroisse Saint Sauveur le 29 juin 1749.

Comme son frère aîné François, il s’engagea dans la Marine ; il est officier de la Compagnie des Indes de 1767 à 1776 ; le 27 janvier 1769 il est enseigne surnuméraire.

Mai 1773, il est enseigne et écrivain sur le vaisseau Le Boyner avec comme capitaine Henry Le Brun pour une campagne de 20 mois à l’île de France et aux Indes

Mars 1776, il est toujours enseigne et écrivain sur le vaisseau Le Terray avec le même capitaine Henry Le Brun pour une campagne de 23 mois allant à Pondichéry et au Bengale

Il a navigué aussi sous les ordres de Geslin de Chateaufur, un parent donc du côté de sa mère.

                                                                                                              

                                                                                        Yves Duboys Fresney

 

 

PS : La famille Moras de Boulogne s’est également alliée à des familles qui eurent un rôle à jouer dans la Compagnie des Indes.

 



[1]  En 1534, François 1er en envoyant Jacques Cartier au Canada pour trouver le passage du nord ouest vers les Indes déclarait : « je voudrais bien voir la clause du testament d’Adam qui m’exclut du partage du monde ! » ; l’année d’avant, en 1533, le pape Clément VII précisait que la bulle pontificale partageant les continents nouveaux entre les couronnes d’Espagne et du Portugal ne concernait que les continents connus et non les terres ultérieurement découvertes par les autres couronnes.

[2]  Les Geslin de Chateaufur possédèrent également en 1763 l’ancien manoir de Riaval situé chemin de Quineleu à Rennes.