La guerre de Crimée et le siège de Sébastopol (1853-1856)

 

 

            Le Tsar de Russie Nicolas 1er est le protecteur des slaves ; il souhaite à cette époque établir sa domination sur la péninsule balkanique et s’assurer le contrôle des détroits pour obtenir un débouché sur la Méditerranée.

            La Grande-Bretagne entend de son côté maintenir le contrôle de la route des Indes et pour cela maintenir l’intégrité de l’Empire Ottoman.

            Le Tsar adresse au sultan ottoman un ultimatum lui demandant d’accepter le protectorat russe ; le 1er juillet 1853, il fait occuper les principautés roumaines de Moldavie et de Valachie ; le 4 octobre, le sultan déclare la guerre à la Russie ; le 30 novembre, la flotte russe détruit une escadre ottomane dans le port de Sinope ; en mars 1854, la Grande Bretagne et la France s’unissent à la Turquie ; le 14 mars, elles somment la Russie d’évacuer les principautés roumaines ; l’ultimatum reste sans réponse ; le 27 mars, elles déclarent aussi la guerre.

            En septembre 1854, les alliés débarquent en Crimée et attaquent le port russe de Sébastopol ; le Général Saint-Arnaud, chef des armées, décédé le 29 septembre 1854 est remplacé par Canrobert puis le 16 mai 1855 par Pélissier.

            Le 8 septembre 1855, la tour Malakoff tombe aux mains de général Mac Mahon, rendu célèbre par un fameux « j’y suis, j’y reste » ; le soir même, les russes évacuent Sébastopol après avoir détruit leur défense et incendier leurs navires.

            Pendant 332 jours de siège, les alliés perdirent 120 000 hommes, autant chez les russes, les français perdirent 95 000 soldats dont 75 000 de maladies (choléra, typhus, dysenterie …).

            L’armistice est signée le 10 février 1856 ; le traité de Paris du 30 mars 1856, précédé du décès du Tsar Nicolas le 2 mars, mirent fin aux prétentions russes dans cette région ; la Mer Noire devient neutre, la Turquie indépendante, la Russie ne conserve le droit de posséder une flotte de guerre qu’en mer Baltique.

 

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Le lieutenant-colonel Etienne Duboys Fresney (1808-1893) participera après la campagne d’Algérie à celle d’Orient, à la guerre de Crimée, avec successivement Gallipoli, Varna, le débarquement d'Oldfort, la bataille d'Almatamak (ou Alma), enfin le siège de Sébastopol. Il y dirige la partie gauche des attaques devant le bastion du Mât, au sud de la ville. C'est là, dans les tranchées, que le 14 avril 1855 un éclat de pierre provoqué par un obus lui fracture le fémur droit. Cet accident, survenu dans sa 46ème année, est grave, surtout pour un militaire.

Remplacé comme chef d'attaque par le lieutenant­-colonel Guérin, ce dernier est tué le 13 juin 1855 d'une balle dans la tête alors qu'il se trouvait dans les tranchées devant le bastion central. Le colonel Coffinieres prend la suite dans ce poste. D.F. quant à lui, est laissé à l'ambulance pendant 3 mois et il ne sera rapatrié qu'après, avec un congé de 4 mois. Les inspections de l’armée, pendant plusieurs années, noteront son impossibilité de monter à cheval et une légère raideur dans sa jambe. Certaines inspections préciseront cependant que cela ne l’empêche pas de marcher longuement et qu'il reste encore apte à remplir parfaitement ses fonctions. Il sem­ble néanmoins que cet accident aie handicapé Etienne DUBOYS FRESNEY, tant dans sa vie journa­lière que militaire.

Pendant ses temps d’inactivité, Etienne D.F. aurait écrit ou aidé à écrire une partie des mémoires du colonel Grégoire Gaspard Félix Coffinières de Nordeck : « de Montpellier à Sébastopol - carnet de route du colonel de Nordeck – guerre de Crimée (1855-1856) » … la seconde partie de ce témoignage rédigé quotidiennement et intitulé « Carnet du Génie » était en fait le carnet de M. Duboys Fresney, lieutenant-colonel, sous-chef d’état-major, allant du 8 septembre au 9 octobre 1854…

 

Assez rapidement cependant les activités re­prennent. D'abord en casernement à Paris, il est ensuite affecté au commandement en second de l'é­cole Polytechnique, où il laisse, semble-t-il, le plus sympathique souvenir. C'est là, en 1859, qu'il sera nommé colonel. Muté à Metz puis de nouveau à Paris sur sa demande, il fait alors partie d'une Commission Mixte chargée de procéder à la réception d'une nouvelle caserne construite dans la Cité pour le service de la Garde de Paris (date de la récep­tion des travaux: 8 avril 1867). Le 31 juillet 1867, D. F. est nommé général de Brigade et passe à cette occasion à l'Etat Major Général de l'Armée. Membre du Comité des fortifications, il s'occupe aussi de l'Inspection générale du Génie pour les années 1868 et 1869.

Le 16 août 1870, atteint par la limite d'âge de 62 ans, il est "admis" dans la section de réserve, au moment même où éclate la guerre contre l'Allemagne. Toujours affecté par sa blessure, notent encore cer­taines inspections de l'époque, il est cependant maintenu temporairement au Comité des Forteresses de Paris pour prendre une part active dans la défen­se de la capitale. Directeur des travaux de fortifi­cations incombant au service du Génie, il est spé­cialement chargé du secteur compris entre le Mont Valérien et Saint-Denis. Il ne quitte pas cette der­nière place pendant le bombardement qu'elle subit en janvier 1871.

Par décret en date du 25 janvier 1871 -publié au Journal Officiel du 27 janvier- le général Etien­ne DUBOYS FRESNEY est promu Grand Officier dans l'Ordre national de la Légion d'Honneur, après 47 années de service, 6 campagnes et une blessure. Il avait été fait successivement Chevalier le 17 avril 1845, Officier le 28 décembre 1854 puis Commandeur le 26 décembre 1864. Décoré de l'Ordre turque de Medjidié de 4ème classe (autorisation du 15 décem­bre 1854), il avait aussi reçu la médaille de Cri­mée, la médaille Britannique ainsi que la médaille de la valeur militaire de Sardaigne (autorisation du 23 février 1857).

                                                                      

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            Lors de cette même guerre de Crimée, deux cousins Traversay se retrouvèrent dans les deux camps opposés : Ivan Alexandrovitch de Traversay, lieutenant de la marine impériale russe, petit-fils de Jean-Baptiste de Traversay qui avait participé à la guerre d’indépendance américaine, était parti en Russie en 1791 et avait été nommé ministre de la Marine du Tsar Alexandre 1er pendant 17 ans ; et Paul de Traversay, 22 ans, sous-lieutenant dans l’infanterie française au 7ème régiment d’infanterie légère ; le 8 mai 1854, il embarquait à Oran à bord du Magellan, direction Varna ; le 11 septembre, il laisse Varna à bord du Suffren pour Sébastopol ; il participe le 20 septembre 1854 à la bataille sur les bords de l’Alma.

            Ivan Alexandrovitch était lui lieutenant de 2ème classe incorporé dans la flotte de la Mer Noire à bord de la frégate Warna ; il sera au 34ème équipage de la flotte à bord de la frégate Midia en rade de Sébastopol ; le 20 septembre 185., à la défaite de l’Alma, plusieurs navires russes sont sabordés ; le Midia fera lui naufrage le 17 février 1855 lors d’un second sabordage des navires, de façon à empêcher les renforts et le ravitaillement ennemis par la rade ; Ivan rejoignit les forces terrestres, il commandera une batterie n°3 et combattit ensuite au bastion Malakoff-Kourgan où il fût blessé ; il reçut ensuite le commandement du navire Velikikniaz Constantin puis le Khabry (le Vaillant), deux navires qui feront partie d’un 3ème sabordage.

            Le 8 octobre 1855, commença le siège de Sébastopol ; Paul de Traversay participa le 5 novembre à la victoire de Inkerman ; le 7ème léger devint le 82ème de ligne ; l’hiver fût alors très rude ; le 8 septembre suivant, Mac Mahon s’empare du bastion de Malakoff.

La reine d’Angleterre Victoria créée la médaille de Crimée, Paul la reçoit avec quatre barrettes, Ivan reçoit la médaille de Saint Vladimir ; Paul rejoint Marseille à bord de l’Indus, il sera affecté en Afrique jusqu’en 1866, participera à la guerre de 1870, sera fait prisonnier à Sedan avec 7 mois de captivité et décèdera en 1914 laissant deux fils ; Ivan qui fut blessé deux fois, se rétablit et fût rattaché aux compagnies de réserve de la flotte de la Baltique ; il serait mort sans postérité.

(voir l’article de Madeleine du Chatenet dans le bulletin de l’ANF de janvier 2008)