<h2>Les maisons balnéaires à Yport vers 1900

La station balnéaire de Yport vers 1900

avec ses artistes et ses villas


Buste d'Edouard Pailleron

Sur la côte normande, les villégiatures balnéaires débutent à Dieppe dès 1822 sous l’impulsion de la duchesse de Berry. Trouville tient rapidement la concurrence; plus près de nous, Etretat prend le relais, sous l’impulsion d’Alphonse Karr vers 1836, lui-même installé à Sainte-Adresse (en 1850).

            Des mondains, des artistes, des familles plutôt aisées, à la belle saison, prennent le chemin de fer et parfois font la côte, puis s’installent dans les hôtels, pensions de famille ou locations en meublés; souvent, après quelques années d’agrément, ils achètent un terrain à construire.

            Des banquiers, des financiers, pris aussi par l’agrément des séjours et par l’espoir de placer avec intérêts, investissent dans des parcelles paraissant appropriées; ce sera le cas de Dufayel [1] à Sainte-Adresse, de Nesmond [2] à Fécamp, Janssens à Yport.

            Les architectes parisiens ou locaux sont là pour faire réaliser par les artisans locaux des constructions pour toutes les bourses, du petit pavillon à la grosse villa, et pour tous les goûts, en général de style anglo-normand ou encore rustique-régional, quelquefois la tendance est disons méditerranéenne.

Les matériaux employés sont de temps à autre importés mais le plus souvent locaux avec briques, silex taillés et faux-colombages, parfois grès ou pierres; l’ardoise est fréquente sur les toitures de telle sorte qu’elle s’impose aujourd’hui.

            La notoriété ne vient pas toute seule; il faut l’accompagner; pour cela, il y a «La Plage Normande Illustrée»; les Imprimeries Réunies Durand et fils de Fécamp en sont l’éditeur; le rédacteur en chef est Louis Léopold Durand; la parution est irrégulière, bi-hebdomadaire du 1er juillet au 30 septembre, relancée en 1884 par Charles Durand fils dit Carolus; le journal se dit organe des plages de Trouville au Tréport en passant par Le Havre Etretat Yport Fécamp Saint-Pierre-en-Port Veulettes Veules Dieppe; nous y trouvions La Chronique des Casinos, Nouvelles à la main, La Muse en Vacances, Fouilles et Excursions Pittoresques, Echos de Partout, Feuilletons, Jeux d’Esprit et Concours, Petite Correspondance.

A Yport, il y avait une publication encore plus locale: en 1896 Le Journal d’Yport, en 1896-1897 La Gazette d’Yport Vaucottes Froberville Bénouville, en 1899-1903 La Petite Gazette d’Yport, en 1904-1906 La Gazette d’Yport, en 1925-1929 réapparition de La Gazette d’Yport, en 1930-1931 Yport-Plage; Schwartz-Pernet, le gérant du casino, en fut un moment le gérant-directeur et Janssens le chroniqueur.

            Les débuts de la commune

            Yport prend son indépendance sur Criquebeuf le 1er janvier 1843 suite à une ordonnance royale de Louis-Philippe du 18 avril 1842; une grande inondation cette même année (23 et 24 septembre 1842) détruit entièrement 30 ou 40 maisons; elle oblige la commune à se transformer; les maisons basses en gal de mer couvertes en paille sont remplacées au fur et à mesure par des maisons à étage et grenier en briques et silex taillés couvertes en ardoises; une église avait déjà été construite en 1837-1838, une école viendra en 1853; le temps des villégiatures débute véritablement à partir de 1855; Dieterle et Metzinger passent à l’hôtel Tougard en 1856; ils reviendront les années suivantes avec quelques amis comme Laurens, Gorgeu et Nunès; un bureau des postes est construit en 1864, un casino en 1865, il sera dirigé par le violoniste Nathan [3]; en plus de la grand’rue il y aura le percement en 1866d’une autre voirie qui sera plus tard la rue Alfred Nunès; pour faciliter l’échouage, un chenal est creusé en 1873; une école publique est construite en 1882 [4]; en 1889, la commune ne faisant que 40 hectares réussit à annexer dans le val des terrains dépendant de Saint-Léonard; Yport au fur et à mesure pave, éclaire et alimente en eau potable ses rues; l’eau courante arrive en 1898 provoquant la suppression en 1901 du grand puits communal sur la place; en 1895, le chemin de fer arrive à Froberville: la station est appelée Froberville-Yport; Yport avait sa rue de la gare; en 1906, c’est l’arrivée de l’électricité.

            Les maires

- 1843 à 1866: il y eut d’abord Jean Feuilloley (1788-1866) qui fut à l’origine de la construction de l’église et de l’indépendance de la commune; il avait aussi été antérieurement maire de Criquebeuf, décédé en 1866

- 1866 à 1870 – 1876 à 1882 - 1884: Julien Gorgeu (xx-xx): un banquier parisien

- 1870 à 1876 – 1884 à 1886: Arsène Loisel (1828-1887), un menuisier

- 1882 à 1884: Casimir Vatinel (xx-xx), un marin

- 1886 à 1893: Alfred Nunès, nous le verrons ci-après,

- 1893 à 1904: Emmanuel Foy (1849-1906), un demi-frèrede Nunès, agent de change à Paris, armateur avec Lethuillier de plusieurs caïques; son fils le docteur Robert Foy né en 1878 est déporté à Auschwitz en 1942.

- 1904 à 1906: Henry Simon (1849-1932), d’origine parisienne, secrétaire d’ambassade, propriétaire et constructeur en 1904 du château des Hogues, l’architecte est Camille Albert; il habitait à Yport avant d’aller aux Hogues; Madame Simon était née Amélie Choppin d’Arnouville et avait eut trois enfants; ils donnèrent à la commune de Saint-Léonard une croix provenant du bois des Hogues, réutilisée pour le calvaire de Grainval; à cause de la séparation des Eglises et de l’Etat, H. Simon est révoqué de ses fonctions de maire par décret présidentiel du 22 mars 1906; il arma pour Terre Neuve de 1904 à 1910 un grand trois mâts Marguerite Marie du nom de la fille de l’armateur; l’équipage était uniquement yportais, du mousse au capitaine, nommé Michel puis Deshayes; il eût aussi un canot Pâquerette de 1906 à 1915 pour la petite pêche.

- 1906 à 1908: Pierre Leroy (xx-xx): un des deux frères menuisier et maçon, constructeur du château des Hogues.

- 1908 à 1912 – 1912 à 1914: Adrien Cramoisan ,(xx-xx), négociant en vins et spiritueux, petit-fils de Jean Cramoisan, il démissionne en 1914 pour favoriser l’élection de son successeur

- 1914 à 1919: Paul Armand Marcel Gavault (Alger 1867-Paris 1951), avocat de formation, auteur dramatique, vaudevilliste, auteur de films «Melle Josette, ma femme» en 1933, directeur de Trois Théâtres, l’Odéon, la Porte Saint Martin et l’Ambigu; chevalier de la Légion d’Honneur, demeurant à Paris 8 rue de Florence; mobilisé pendant la guerre, il fût plus ou moins remplacé par Ernest Lethuillier..

Le nom des rues

Le nom des rues dans Yport nous incite à mieux connaître ces édiles à qui l’on doit encore aujourd’hui la reconnaissance; les délibérations des conseils municipaux qui en ont décidé les dédicaces sont utiles à relire; voici donc celles qui nous concernent:

- Rue Jean Cramoisan (1811-1879):grand-père du maire Adrien Cramoisan; anciennement rue du fond du bois ??

- Rue Emmanuel Foy: ex Grand Rue??

- Boulevard Alexandre Dumont (1839-1897):??

- Rue Julien Gorgeu:anciennement rue aux cailloux et rue de la Fossette ??

- Rue Metzinger: autrefois sente du Perreypuis rue aux juifs??

- Rue Alfred Nunès: ouverte en 1866 (1879?) entre l’église et l’entrée du village (aujourd’hui rue Charles de Gaulle) puis en 1906 entre la place Jean Paul Laurens et la rue Julien Gorgeu??

- Rue Jean Feuilloley(1788-1866): anciennement rue du puits; 1er maire d’Yport, il avait aussi été maire de Criquebeuf  ?

- Rue Arsène Loisel:anciennement rue de l’Eglise ??

- Rue Casimir Vatinel: autrefois rue aux planches

- Rue Tranquille Legros:??

- Rue Ernest Lethuillier (1842-1920): anciennement route de Vaucottes; adjoint au maire de 1882 à 1884 et de 1890 à 1919; armateur de plusieurs caïques; il avait créé en 1870 la corderie normande route de Vaucottes

- Rue Henri Simon:??

- Rue Jean Hélie:??

- Sente Colin:??

- Chemin Paz:??

- Place Jean Paul Laurens:??

- Rue du Docteur Gouverné:??

La dédicace des rues est toujours intéressante; ici, elle met en valeur un certain nombre de maire de la ville (Feuilloley, Gorgeu, Loisel, Vatinel, Nunès, Foy, Simon), d’autres personnalités locales (Jean Cramoisan -1811-1879- conseiller municipal , Alexandre Dumont – 1839-1897- propriétaire, Metzinger -1813-1870- magistrat, Tranquille Legros marin et sauveteur en mer, Ernest Lethuillier -1842-1920- cordier, Jean Hélie né en 1828, adjoint propriétaire du bois des Hogues, Paz [5] ) des bienfaiteurs (Catherine de Monchy, en réalité xx de Mouchy fille du seigneur de Criquebeuf, bienfaitrice des pauvres en 1640-1705, le docteur Gouverné qui  a été bénévole à Yport pendant la guerre 1914-1918) et puis les artistes (Laurens, Colin).

Les guides  [6] de l’époque nous donnent les quelques renseignements suivants:

Yport 1800 habitants; Nunès maire, Lethuillier adjoint, 14 autres conseillers municipaux; Sery puis Boulard secrétaire de mairie et instituteur pour les garçons, les sœurs de Saint Aubin pour les filles[7] ; l’abbé Gabriel curé et l’abbé Delahaye vicaire; Védieu garde-champêtre; Mme Henry receveur des postes; Gervais facteur, Rique sous-lieutenant des pompiers, Vatinel directeur des Bains fondés en 1852, Milon propriétaire du casino qui le vendra à la commune le 11 décembre 1899; les commerçants étaient alors nombreux: un boucher, deux boulangers, deux débitants de tabac, cinq cafetiers, un entrepositaire, huit épiciers, trois cordiers, quatre cordonniers, quatre merciers, deux modistes-nouveautés; les artisans également: trois menuisiers, un maçon, un peintre, deux couvreurs.

Par la suite, nous verrons apparaître un médecin, un pharmacien, des marchands de charbon, des agences de location, des coiffeurs…

Les hôtels étaient les suivants: l’hôtel Duboc sur la place du grand puits, devenu depuis l’hôtel normand, l’hôtel Tougard face à la mer devenu Les Roches Vertes, l’hôtel des Bains dans la grand-rue tenu par Chicot, la pension Morisse face à la mer à l’emplacement du casino actuel, l’hôtel Loisel-Tougard, l’hôtel du Casino, les Embruns…

Les villas étaient également énumérées au nom de: Nunès, Gorgeu, Dumont, David d’Angers, Martin, Daussy, Metzinger, Legrand, Dieterle père, Zanot(t)e, Paz, Maro(t), Ruffel, Dartigues, Hardy, Pressard, Aubry et Levasseur; puis, viendront ensuite: Hamoir, Fourié, Laurens, Colin, Ruffel, Simon, Charpentier, Paillotte, Legras de la Boissière, Arévalo, Donny, Little, Janssens, Chatel, Riche, Bertrand, Bastien, Sandras-Prévost, David…

Arrêtons-nous sur le premier nom de cette liste:


Les villas ici reconnaisables sont :Les Acarics, Eugénie, Marguerite-Marie, Elisabeth, Le Drapeau, Bellevue, Marie Hélène, Les Mouettes, Rafale, Les Jardins, Les Houx

            Alfred Nunès

            Né à Saint Thomas des Antilles en 1842, Abraham dit Alfred Nunès est employé de banque parisien; il était aussi collectionneur et amateur d’art; cousin du peintre Camille Pissaro né également aux Antilles, il découvre Yport vers 1867 puis y  attire ses amis, des personnalités du monde des arts; il est époux de Pauline Joly (1845-1892), a deux enfants, habite dans la villa Josette qu’il fait construire (?) dans la rue hottière, portant en fronton les initiales AN [8] .

            En août 1883, alors que le peintre Auguste Renoir (1841-1919) est chez Bérard à Wargemont, il l’invite à Yport et lui commande le portrait de ses deux enfants, Robert a 10 ans et Aline 8 ans.

            En 1886, il devient maire à la suite de Casimir Vatinel jusqu’à sa mort à Yport le 31 juillet 1893 (inhumé au cimetière d’Yport); son importante collection de tableaux est alors vendue à Drouot le 16 avril 1894.

            Il avait été l’auteur et l’organisateur d’une tombola annuelle au profit des orphelins de la mer; en 1887, il avait fait un don d’œuvre, une peinture de Antoine Guillemet, au Musée de Fécamp dont le conservateur était alors Georges Dieterle.

            Par la suite, nous savons que la villa Josette sera habitée par Mme Lerebourg née Zimmermann.

           

            Le manoir Jean Paul Laurens

            Jean Marie Paul Laurens [9] naît en Haute Garonne en 1838, monte à Paris en 1860, il devient peintre-décorateur et l’auteur de nombreux tableaux historiques, des décors du Panthéon, de «Homère dans l’île de Syros» 1864 (musée de Fécamp don de l’auteur en 1880); il sera professeur à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris, directeur de l’Ecole des Arts de Toulouse et membre de l’Institut, Académie des Beaux-Arts; il enseignait également au cours Julian et était Grand officier de la Légion d’Honneur.

            Il épouse Marie Madeleine Willemaens et réside 5 rue Cassini

            Attiré à Yport dès 1872 par Georges Dieterle, il y achète des terrains, une ancienne corderie et y fait construire une grande et haute demeure de style à la fois néo-roman et toulousain, son pays d’origine.

            Voici les différentes mutations du manoir:

- Achat des terrains de Warin (Saint-Léonard) en 1876, de Levaray et Lachèvre en 1878, de Lambert (corderie) en 1884, de Duval en 1899.

- Construction en 1880-1890? sur les plans de Georges Dieterle

- Décès de Marie Willemaens à Paris le 17 avril 1913

- Décès de Jean Paul Laurens à Paris le 23 mars 1921 laissant deux garçons: Paul Laurens (1870-1934) artiste peintre, professeur à l’école Polytechnique, chevalier de la Légion d’Honneur, et Jean-Pierre Laurens (1875-1932) également artiste-peintre qui épouse Yvonne Dieterle, l’une des deux filles de Georges Dieterle.

- Attribution à Paul (Jean-Pierre?) Laurens par partage de 1922

- Décès de Paul (Jean-Pierre?) Laurens en 1932 laissant sans enfant son épouse Emma Dieterle légataire universelle

- Vente par Madame Laurens à M. Mme Santos-Charles en 1960

- Vente à M. Mme Deguy-Seguin en 1963

- Vente à M. et Mme Georges-Cornille en 1965

- Vente à M. et Mme Jef Friboulet le 10 mars 1972

 

La villa «Les Charmilles»

Elle fut construite en 1863 par Jules Dieterle (1811-1889) peintre et décorateur de théâtre, auteur de «Avant l’orage» (Musée de Fécamp)

A son décès, la maison est vendue en 1891 à Albert Fourié (1854-1937) qui était tout à la fois voisin parent collègue et ami; peintre paysager et portraitiste, auteur du grand et superbe format «un repas de noces à Yport» de 1886 (Musée des beaux-Arts de Rouen) illustrateur de Madame Bovary chez Taillandier en 1907,  époux de Hélène Colin, domicilié à Paris 30 rue Eugène Flachat.

            En 1937, la maison passe à leurs deux filles: Andrée épouse de Ferdinand de Manoel Saumane, conseiller à la cour d’Appel de Paris demeurant à Paris 175 boulevard Malesherbes, et Simone, épouse de Paul Dulery, conseiller d’Etat, demeurant à Neuilly.

            Les quatre enfants de Jules Dieterle ne gardèrent donc pas la villa «Les Charmilles»:

- Georges Dieterle (1844- Criquebeuf 1937) s’était s’installé dès 1870 dans une ferme à Criquebeuf, «la ferme des roses»; d’abord architecte puis peintre, ami de Jean-Paul Laurens et élève de Corot qu’il invite chez lui, auteur de «masure à Saint-Léonard» (musée de Fécamp) de «le calvaire de Criquebeuf» (musée des beaux-arts de Rouen); il y avait fait construire un bâtiment «le clos Corot» et deux villas: la villa Troyon et les Ambrettes; il a été maire de Criquebeuf en Caux, cette commune voisine avec laquelle Yport a fait dissidence, ceci pendant 44 ans, de 1881 à 1925; il a été également à partir de 1881 conservateur du musée de Fécamp ainsi que en 1893 conseiller d’arrondissement après Alfred Nunès, le maire d’Yport, à la suite de son décès.

- Les autres enfants étaient: Louise (1845-?) qui épousa Eugène Boucher (1840-1887)

- Charles (1847-1933) peintre épousa Marie Van Marcke (1856-1935) aussi peintre

- Et Marguerite (1853-1940) épousa Jules Badin (1843-1919) également peintre

La villa Colin

A proximité et au dessus du manoir Laurens, Paul Alfred Colin (1838-1916) achète un terrain pour partie en 1867 (Dujardin) et autre partie en 1912 (adjudication Edouard) et fait construire; peintre de paysage et de marine, ancien prix de Rome, élève et ami de Jean Paul Laurens; il épousa Sara Devéria (1838-Yport 1914), la fille du dessinateurAchille Dévéria; il débuta au Salon en 1863 y exposa régulièrement et fut médaillé en 1875, 1889 et en 1900; il fut nommé inspecteur général de l’enseignement du dessin et des musées et professeur à l’Ecole Polytechnique, officier de la Légion d’Honneur en 1901, domicilié à Paris 16 rue de Seine.

Paul Colin a été l’auteur de «Bergers pris par l’orage sur le plateau de Criquebeuf» (musée de Fécamp - don de Médéric Deschamps 1879) de «Ferme de Criquebeuf» (musée de Lisieux), «la ferme Groult à Criquebeuf», «l’entrée de la ferme Emile à Criquebeuf», de «Soleil couchant à Yport» (musée de Coutances) «le jardin à Yport», «la vallée d’Yport» «un grain plage d’Yport» «le repas des poules Yport»…

Il était le fils du 2ème mariage de Alexandre Colin (1798-1873), peintre et lithographe, professeur de dessin à l’école de Nîmes, élève de Girodet, ami de Delacroix et de Bonington,; Géricault et lui se firent réciproquement le portrait [10] .

Paul Colin eut trois enfants André Gabriel né à Yport qui fut peintre animalier et graveur, élève de Jean Paul Laurens, Maurice Alexandre Laurent, inspecteur à la compagnie des voitures qui épouse Anne, la fille de Charles Diéterle et Hélène qui épouse Albert Fourié.

Aux décès des parents, par acte de Me Ronceray notaire à Fécamp du 4 août 1919, une licitation eut lieu en faveur de Hélène Fourié de l’immeuble d’Yport pour une valeur totale de 18000 frs, soit 6000 frs à chacun de ses frères et des meubles pour un total de 7000 frs.

Ainsi donc les familles Dieterle, Laurens, Colin et Fourié étaient liées par leurs passions artistiques mais aussi par le mariage de leurs enfants: Jean Pierre Laurens à Yvonne Dieterle en 1912, Maurice Colin à Anne Dieterle en??, Albert Fourié à Hélène Colin en??.

Ils constituèrent à eux seuls, avec leurs invités et leurs amis, avec les élèves de Laurens, un véritable groupe artistique, un atelier estival, une académie Julian à la mer et à la campagne, composé surtout de deux tendances picturales très prisées à l’époque, celle académique, et l’autre orientaliste; alors que, toujours à Yport mais chez Alfred Nunès, se retrouvaient de préférence les «refusés du salon», soutenus par Zola et Maupassant, d’un goût plus moderne, moins figuratif et plus coloré, qu’on appellera bientôt les impressionnistes; aux cimaises du maire d’Yport, il y avait Corot, Jongkind, Daubigny, Guillemet, Pissaro [11] , Monet …

            La villa mauresque

            Les mutations sont ici les suivantes:

- Acquisition de terrain de Jurine en 1881

- Construction en 1881-1885 par André Amédée Charpentier [12] lithographe et peintre de genre né à Chartres en 1822, il entre à l’école des Beaux-Arts en 1840 expose au Salon de 1852 à 1879; domicilié à Paris 23 rue Génégaud, époux de Victoire Bosio fille du sculpteur Bosio, décédé à Paris en 1884.

Une plaque de marbre apposée sur l’immeuble indique: «Bordj El Maboul [13]  – E. Marquette architecte – 1879»; s’agit-il d’une construction sur l’un des modèles, ou même d’un transfert émanant de l’une des expositions universelles tenues à Paris soit en 1867 [14] soit en 1878; Emile Auguste Marquette était l’architecte et l’un des responsables de  l’exposition universelle de 1878 ainsi que de l’exposition industrielle et artistique d’Alger de 1881, ces manifestations qui donnèrent à beaucoup le goût des constructions orientales; il exécuta le pavillon algérien pour l’exposition universelle de 1889 [15] .

- Transmission en 1884 à l’un de ses deux garçons Louis Gaston Amédée Charpentier-Bosio, artiste-peintre de figures et de paysages, sociétaire des Artistes Français, médaillé à l’exposition universelle de Paris de 1900, domicilié à Paris 35 rue Rousselet époux de Julie Weil, décédé sans postérité en 1923

- Vente à M. et Mme Dadillon-Leriche en 1923

- Vente à M. et Mme Denizot-Pradal (Joly?) en 1929

A la villa mauresque, la rivalité littéraire entre Lorrain et Maupassant

Guy de Maupassant a connu sans aucun doute cette villa mauresque, mais il n’en fit pas sa demeure comme l’indique faussement une autre plaque sur l’immeuble [16]; par contre, c’est bien à cet endroit que Jean Lorrain situe l’intrigue de son 2ème roman «Très russe» qui eut justement en premier lieu pour titre « Villa Mauresque ».

«La villa mauresque: une villa carrée à un seul étage assise au sommet d’une haute terrasse, à mi-flanc d’une colline boisée, la grande route au pied de la terrasse; une assez laide construction [17] , en somme, dont les murs blanchis à la chaux et les moucharabiehs peints de couleur tendre [18] détonnent cruellement dans ce site du Nord.»

L’imagination littéraire, à l’époque, s’exerçait souvent à partir d’une réalité; «Très russe» n’échappait pas à cette règle; on a même parlé comme pour «Les Lepiller» d’un roman à clefs; Jean Lorrain fait état tout au long de son oeuvre d’une rivalité humaine et amoureuse de deux hommes, Beaufrilan, alias Maupassant, et Mauriat, alias Lorrain, comprenez aussi d’une rivalité littéraire, avivée cet été-là par la présence à Yport de la belle Madame Livitinof:

«Il (Beaufrilan) est là, installé comme chez lui. Il roucoule et paonne, frise ses moustaches, joue avec ses bagues, croise ses jambes, qu’il a fortes, et tend son pied, qu’il a petit; il raconte des faits divers, éructe des anas, des mensonges et des infamies, assaisonne le tout d’esprit et de mots à 25 centimes la ligne, abîme ses ennemis, vilipende ses amis, compromet les autres, parle sa chronique, vit son article et, ravi de sa personne, sourit aux anges et à lui-même». «Jaloux de Beaufrilan … jaloux de ses biceps travaillés aux altères trois heures chaque matin pour épater les femmes «… il a tout un passé de vieilles hystériques, bas-bleus d’alcôve, éprises du beau mâle, qu’il se glorifie d’être, pour justifier ses succès à venir; c’est l’étalon modèle, littéraire et plastique du grand haras Flaubert, Zola et Cie …»

Dès la publication, Maupassant, se considérant visé, envoie ses témoins pour un duel presque suggéré dans le roman … «je le tuerai».

Jean Lorrain refuse l’affrontement par un courrier en date à Paris du lundi 24 mai 1886: «Vous vous êtes présentés chez moi hier au nom de Monsieur de Maupassant à propos d’un personnage de mon dernier roman Très Russe, dans lequel Monsieur de Maupassant se serait cru visé ou plutôt se serait vu reconnu par quelques uns de ses amis. Je n’ai pas à apprendre à l’auteur de Bel Ami comment se compose un personnage de roman, c'est-à-dire de traits pris à droite et à gauche et pouvant toujours trouver leur application çà et là, je viens de relire le passage qui a éveillé les susceptibilités de Mr de Maupassant et n’y trouve aucune application qui lui soit personnelle plus qu’à un autre. Je suis même étonné d’avoir à dire que si j’avais voulu faire le portrait de Maupassant, j’eusse employé d’autres couleurs que pour peindre Beaufrilan. Dans ces conditions je n’éprouve aucune difficulté à écrire que je n’ai pas voulu viser M. de Maupassant et vous prie d’agréer, Messieurs, …»

Le duel n’eût pas lieu; les bois d’Yport ne furent pas, contrairement à ce qui a pu être dit, les témoins d’un tel affrontement, mais ce qui est sûr, nos deux écrivains restèrent toujours et toute leur vie, si l’on peut dire, sur leurs gardes …

           


Villa Les Roses (actuelle mairie)

            Les villas de Janssens

            Jean Léon Janssens né à XX le XX est remisier en bourse à Paris, puis représentant de commerce en industrie, époux de Marie Eugénie Hardin, domiciliés 4 rue Papillon puis 140 boulevard Pereire; lors de voyages ou d’invitations, vers 1893, il s’intéresse à Yport; il y vient ainsi pendant plus de trente ans tous les étés de fin mars à fin octobre de chaque année; il devient conseiller municipal et également chroniqueur à la «Gazette d’Yport» [19] .

            Il y fait construire 14 chalets ou villas, dont 12 sont encore existants[20] : en 1898 la villa «Eugénie» du prénom de son épouse [21] , en 1904 la villa «Les Roses» [22] et le chalet «Le Côteau», en 1905 «Le Nid»; il y eut aussi «La Sauvageonne», «Mon Séjour», la villa «Urany»; l’architecte était Leblois, 3 rue Boulle à Paris; plusieurs de ces villas étaient à ses initiales «LJ»; il habita lui-même longtemps à la villa «Le Nid»

Un jugement du Tribunal de Commerce de la Seine du 11 novembre 1906 prononce la faillite de la société «L. Janssens et Cie» dont le siège est à Paris 2 rue des Petits Pères; le syndic est M. Mauger, 16 rue de Valois à Paris. Un arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 27 mars 1907 confirme le jugement.

Sur la revendication de Mme Janssens, son épouse, un accord est intervenu avec le syndic pour laisser à l’épouse les immeubles et au syndic tous les meubles sauf une créance Chouard; la transaction a été homologuée par le tribunal le 3 septembre 1907.

Madame Janssens avait été initialement soumise au régime de la communauté à défaut de contrat de mariage préalable à son union au Perreux du 6 septembre 1890 puis au régime de la séparation de biens suivant jugement du Tribunal civil de la Seine du 29 juillet 1895.

            Par jugement du Tribunal civil du Havre du 16 novembre 1907, M. et Mme Janssens sont condamnés, sur requête de M. Chouard entrepreneur à Bihorel les Rouen à la saisie réelle d’immeubles situés à Yport, Saint-Léonard et Vattetot; laquelle est convertie en vente aux enchères amiable  par le ministère de Me Ronceray notaire à Fécamp.

            Le cahier des charges d’adjudication est dressé le 11 décembre 1907.

            L’adjudication a lieu le 21 janvier 1908 en la mairie d’Yport.

            1er lot un terrain à bâtir situé hameau du bois des Hogues lieu-dit la Belle Etoile contenance 1032 m2 mise à prix 500 frs (acquis de Duvergé en 1906)

            2ème lot: un terrain en nature de jardin, bois et côte situé près du cimetière, contenance 9330 m2 mise à prix 2000 frs (acquis de Hélie en 1901)

            3ème lot une petite maison avec cellier rue Alfred Nunès contenance 180 m2 mise à prix 1500 frs (acquisition Passot 1903 et Feuilloley 1904)

            4ème lot un terrain au lieu-dit le fond du val contenance 585 m2 mise à prix 600 frs (avec les deux lots suivants acquisition Lambart 1905)

            5ème lot un terrain au même lieu contenance 642 m2 plus les talus mise à prix 600 frs

            6ème lot un terrain au même lieu contenance 527 m2 plus les talus mise à prix 500 frs

            7ème lot un terrain en bois taillis et joncs marins situé à Vaucottes (acquisition Quélard 1903)

            8ème lot un labour aux Marettes (acquisition Henry 1904)

            Le total des mises à prix est de 7700 frs

            Le lot 1 est acquis par Fernand Hamoir ingénieur chevalier de l’ordre de St Grégoire le Grand demeurant à Paris 47 rue de Courcelles au prix de 525 frs; le lot 2 au prix de 2050 frs par Pierre Ambroise Schwartz-Pernet propriétaire à Yport, le gérant du casino et de la «Gazette d’Yport» dont Janssens avait été le chroniqueur; le lot 3 par Guillaume Dutot épicier à Yport au prix de 2250 frs; par déclaration de command du 22 janvier 1908, Louis Gervaise achète le lot 4 au prix de 725 frs; le lot 5 à Louis Harang au prix de 750 frs, le lots 6 à Dutot et Schwartz-Pernet à 625 frs, le lot 7 à Eugène Moullé facteur de piano à Paris 1 rue Blanche, le lot 8 à Dutot. Le total des ventes fera XX

            Une nouvelle adjudication publique eut lieu le 9 août 1908 par le ministère de Me Ronceray notaire à Fécamp toujours en mairie d’Yport à la requête de Madame Janssens

            1er lot: une maison située Grande Rue (acquisition Lecanu 1904)

            2ème à 6ème lots: les maisons 12, 14, 16, 18 et 20 rue Alfred Nunès (acquisition Holl 1903)

            7ème lot: une maison située route de Vaucottes derrière la villa Eugénie (avec le lot suivant acquisition Robert 1902)

            8ème lot: une autre maison route de Vaucottes mitoyenne à la précédente

            9ème lot: une autre maison située route de Vaucottes derrière la villa des Roses (avec le lot suivant acquisition Bellet 1902)

            10ème lot: une 4ème maison route de Vaucottes mitoyenne à la précédente

11ème lot: une propriété route de Vaucottes connue sous le nom de «Chalet le Coteau» (avec tous les lots suivants acquisition Terrier 1902 par adjudication) 

12ème à 14ème  lot: trois terrains route de Vaucottes de 1700 m2, 1840 m2 et 500 m2

            Le total des mises à prix est de XX

            Le lot 1 est acquis par Marie Olive Drelangue entrepreneur de peinture à Yport pour 4700 frs, le lot 2 par François Cramoisan patron de bateau à Yport pour 6000 frs, le lot 9 par Louis Henry pour 5500 frs; les lots 3 à 8 et 11 à 14 n’ont pas trouvé d’acquéreur.

            Le même jour Guillaume Dutot et Pierre Schwartz-Pernet revendent les biens acquis le 21 janvier précédent.

            Le 20 août 1908, Madame Janssens revend la «villa des Roses» avec 5000 m2 au prix de 55000 frs à Edouard Célérier, artiste-peintre à Paris 41 avenue Friedland; le même jour les meubles de la villa lui sont vendus à dire d’experts; les experts fixeront le prix le 26 août à 6408 frs. Célérier était peintre de genre et de portrait à Paris, membre de la Société des Artistes Français, participant à ses expositions depuis 1887 ainsi qu’au Salon de la Société Nationale en 1892 et 1895.

            Madame Janssens doit apurer la dette Chouard et procède donc à d’autres ventes: le 19 août 1908 un terrain de 500 m2 à Ernest Lethuillier, négociant à Yport (lot 14 de l’adjudication); le 21 août un terrain de 1700m2 (lot 12 de l’adjudication) à Mme Paul Jamin née Augustine Bastien au prix de 5000 frs, le 24 août les 4 maisons de la rue Alfred Nunès (lots 3 à 6 de l’adjudication) à Mme Pascal Tougard née Louise Levacher au prix de 23200 frs, le même jour une maison route de Vaucottes (lot 7?) à Julia Guisado au prix de 4000 frs, le 26 août une autre maison route de Vaucottes (lot 8?) à Marguerite Maignien et à Hélène Legendre de Paris au prix de 4000 frs.

            En octobre 1908, Madame Janssens peut rembourser ses dettes: 50000 frs aux consorts Leborgne de Fécamp, 8000 frs à Mme Lefebvre-Favraux et 32000 frs à Chouard.

            Plus tard, le 21 octobre 1910, elle vend une maison route de Vaucottes connue sous le nom de «mon séjour» (lot 9 ou 10?) à Mme Lucien Littée née Marthe Fondimare, l’épouse d’un représentant de commerce de Rouen au prix de 6500 frs, le 8 février 1913 un terrain de 1840 m2 situé au dessus de la villa «Le Coteau» lui appartenant (lot 13 de l’adjudication de août 1908) à M. Edouard au prix de 3500 frs.

            Par contre, le 26 juin 1920, elle rachète au prix de 7000 frs la maison située route de Vaucottes, vendue en août 1908 à Melle Guisado; on apprend alors que la villa «Eugénie» située derrière appartient à Mme Langlois [23] .

            Toutes les autres villas …

            La villa «Marguerite» appartient à Alexandre (Robert?) Dumont (1839-1897); son père? Augustin Alexandre Dumont (1801-1884) avait été sculpteur, professeur à l’école des beaux-arts de Paris; il céda une sente à la commune qu’il demanda de nommer Marguerite du nom de sa fille décédée en bas âge (et/ou de sa 1ère épouse); à son décès survenu le 17 mai 1897, ne laissant aucun enfant, la villa avec plusieurs terrains furent cédés par sa veuve, seconde épouse, en viager à M et Mme Robert-Dumont suivant acte reçu par Me Ronceray du 13 octobre 1898; ces derniers réaliseront de 1901 à 1906 une dizaine de vente de terrains à construire au dessus de la route de Vaucottes (rue Ernest Lethuillier).

            La villa «Les Corderies» est occupée par le Docteur Charles Louis Victor Gouverné [24] , un expert à l’époque en toxicologie; la maison avait été construite par Edmond Lerebourg, préfet du Lot à Cahors puis à Oran, sur un terrain dénommé «la côte à genêts», acquis de Dutot et Schwartz-Pernet, les adjudicataires de Janssens du 21 janvier 1908 (lot 2) puis revendue par Mme Lerebourg-Zimmermann par acte de Me Lemonnier du 28 janvier 1914 au docteur Gouverné qui lui-même devait la revendre à M. Merrienne par acte de Me Nicolai du 3 avril 1920.

             Il y a aussi la villa «La Pichelière» d’Edouard Pailleron (1834-1899), auteur dramatique, poète et journaliste, il écrivit de nombreuses comédies à succès, membre de l’Académie Française en 1884; villa transmise ensuite à Robert David d’Angers (1833-1912) le fils du sculpteur Pierre-Jean (1788-1856), lui-même sculpteur de médailles qui y laisse un bas-relief; le musée des beaux-arts de Chambéry possède un buste en plâtre exécuté en 1869 par Robert David d’Angers de son ami Edouard Pailleron [25]; la villa passera à Little puis à Abbott; elle est aujourd’hui détruite; bien heureusement, le bas-relief est aujourd’hui dans la salle des mariages de la mairie.


Bas relief de Robert David d'Angers provenant de la villa "La Pichelière"

            La villa «Le Pré Fleuri» de Daniel Riche (xx-xx), auteur entre 1890 et 1930 de nombreuses pièces et romans; il collabore au Petit Parisien; cette villa située chemin de la mare aux loups a été détruite.

Celle (non localisable) d’Arsène Housset dit Houssaye (1815-1896), écrivain, auteur de nombreux romans, de poèmes, comédies, ou ouvrages historiques (histoire du 41ème fauteuil de l’Académie Française); un des derniers grands chênes de la forêt romantique (Emile Zola); il dirigea à partir de 1843 la revue «L’Artiste»; domicilié à Paris 40 avenue de Friedland.

            La villa «Le Pavillon» de Paul Gavault située rue Hottière; il agrandit son terrain vers la rue Julien Gorgeu d’une parcelle de 220 m2 lors d’une adjudication Joly-Duhamel du 27 février 1912; il deviendra maire de la commune en 1914; avec Simon, il fit construire la cité des Fleurs aussi appelée cité Gavault ou cité Simon.

Celle sur les hauteurs de la plage de Alexandre François Metzinger (Paris 1813-Yport 1870), président de Chambre de la Cour d’Appel (impériale) de Paris, conseiller municipal de Croissy-sur-Seine; il fût vers 1855 l’un des découvreurs d’Yport; époux de Alexandrine Françoise Gaudelet (1824-1895) tous deux inhumés à Yport; par la suite Benitta.

A côté, celle de Me Lepelletier, avoué ; lors d’un partage reçu par Me Yves notaire à Paris du 8 mars 1862, les deux villas Metzinger et Lepelletier situés côte à côte face à la mer furent séparées [26] .

La villa des Quatre Vents aurait été habitée par Julien Gorgeu

Et puis, il y a toutes les autres: voir tableau ci-joint Les Pommiers, Les Clématites (Cramoisan), Saint-André, Le Val Saint Michel, La Joffrette, Elisabeth (Bonamy), La Sauvageonne (Langaney), Le Rivage, La Pichelière, La Salicoque (de Manoel), Le Vieux Manoir ou Le Clos Normand (Donny), La Chenaie, La Ferrière …

Pendant le dernier conflit mondial, de nombreuses villas souvent inoccupées ont été réquisitionnées par l’occupant allemand qui s’installa dans la villa La Salicoque; plus ou moins abandonnées, parfois saccagées, quelques unes furent contraintes après la guerre à la démolition; en outre un certain nombre de constructions proches du front de mer furent volontairement détruites pour éliminer les points de reconnaissance: les Roches Vertes, le casino comme à Fécamp, l’hôtel Les Embruns, la villa des Quatre Vents, la pension Morisse, le petit canon….

Un regret également pour le poste de garde détruit en 1905-1907 ……

Tous les autres artistes   …

En plus des différentes personnes déjà citées, André Paul Leroux [27] a aussi parlé du passage à Yport des auteurs ou artistes suivants; ils laissèrent soit des textes soit des toiles sur la localité, étant pour la plupart invités et accueillis ici par le maître Laurens:

- Alphonse de Neuville (1836-1885), le meilleur peintre avec Detaille de l’épopée militaire française, auteur de «dernières cartouches».

-  Antoine Guillemet (1841-1918) peintre paysagiste d’inspiration impressionniste, auteur de «le village de Moret» 1876 (musée de Fécamp don Nunès 1887)

-  Paul Emile Antony Morlon, peintre de marines et de paysages, graveur, auteur de «Fou de la grève», de «Le Marché de Fécamp».

-  C. Cesbron, fils du peintre Achille Théodore Cesbron (1849-1915), peintre lui-même pastelliste et architecte; il expose vers 1898-1903; auteur de vues intérieures de l’abbatiale de Fécamp

-  Théodore Weber, peintre de marines allemand (1838-1907) auteur de «entrée du port de Fécamp»

-  Louis Mouchot (1830-1891) peintre orientaliste,

-  Paul Jamin (1853-1903), peintre d’histoire de genre et portraitiste, fils du physicien Jules Jamin, auteur de la «Théréa» type accompli de la pêcheuse yportaise, de «Figure deJeune Homme» au musée de Fécamp.

- Alexandre Bida (1823-1895) peintre, graveur lithographe et excellent dessinateur académique d’inspiration orientaliste, élève de Delacroix et professeur de Laurens (?), illustrateur des Evangiles et de Alfred de Musset; officier de la Légion d’Honneur.

-  Iwill pseudonyme de Marie-Joseph Clavel (1850-1923), peintre paysagiste et pastelliste, il débute au Salon en 1875, sociétaire des artistes français en 1883, chevalier de la Légion d’Honneur en 1894, auteur de «matinées embrumées des eaux et des bois», de «Les grèves d’Etretat», de «les ruines de l’abbaye de Valmont» 1882 (musée de Fécamp legs A. P. Leroux 1950)

-  Paul Emile Sautais, ami de Saint François, auteur de «frères en religion» et de «la prison de Subiaco – états pontificaux»

-  André Devambez (1867-1943 ou 4?) peintre-graveur, prix de Rome en 1890, sociétaire des Artistes Français, illustrateur de Zola et Farrère; à partir de 1900 et pendant une vingtaine d’années il s’installe à Criquebeuf à la villa Troyon

-  Albert Wolf (1835-1877) journaliste auteur dramatique et critique d’art d’origine allemande.


Yport, huile sur toile par Camille Corot

Il nous faut aussi indiquer Jean-Baptiste Camille Corot (1796-1875) auteur de «la plage au pied des falaises d’Yport» (Mesdag Museum de La Haye) et de «Yport sur la plage» (coll. part.); un séjour chez les Dieterle est attesté à Criquebeuf et Yport entre le 20 et le 28 juillet 1872; puis Claude Emile Schuffennecker (1851-1934) reçu lui chez Nunès, avec «les porteuses de varech à Yport» exposé au café Volpini en 1889 et «rochers à Yport» (Musée de Fécamp 1889); il y eut aussi Courbet, Boudin, Isabey et Jongkind, ces deux derniers de passage ensemble en 1850 laissèrent des dessins à la mine de plomb et Isabey une aquarelle «maisons à Yport»; Delacroix fit en 1849? un «Rocher au bord de la mer» entre Fécamp et Yport et Claude Monet plusieurs peintures en 1881 au niveau de Grainval.

Concernant les écrivains, citons Georges Sand (1804-1876) et André Gide (1869-1951) lequel venant en vélo de Cuverville passe chez les Laurens en 1893, avec une énigme tout de même: qui était ce René Lefoix de Saint Dréan, auteur de «Fumier d’Ames» [28] que Jean Lorrain venait voir à Yport, sans doute pour parler ensemble de décadence?...

Marie Hélène Desjardins nous ajoute à la liste les artistes suivants:

- Victor Pierre Huguet (1835-1902) peintre orientaliste

- Constant Troyon (1810-1865) excellent peintre de paysages et d’animaux

- Albert Pierre Dawant (1852-1923) élève de Laurens, il fit partie du comité du Salon, médaille d’or à l’exposition universelle de 1889.

- Casimir Destrem (1844-xx) peintre d’histoire et de genre, sociétaire des artistes français depuis 1885.

- Takeshiro Kanokogui (1874-1941) peintre japonais, arrive en France en 1900, étudie à l’académie Julian dans l’atelier de Jean Paul Laurens.

- Pierre Marie Beyle (1838-1902) peintre et graveur, caricaturiste, il débuta au Salon en 1867, plusieurs peintures à Dieppe.

- Pierre Billet (1837-1922) peintre de genre, de paysage et graveur, il débute au Salon en 1867; peint des scènes rurales et de pêches «une marchande de poissons d’Etretat».

- Gustave Bourgain (1855-1921 ou 22?) peintre de genre, de portrait et graveur, élève de Gérôme et de Detaille, il expose au Salon à partir de 1880.

- Paul Morchain (1876-1939) peintre de marines, de figures, de portraits et de paysages, il débute aux Artistes Français en 1906.

- Emile Louis Vernier (1829 ou 31? -1887) lithographe, aquafortiste et peintre de marines, il débute au Salon en 1857, exécute des gravures de reproduction d’après Millet et Corot.

Il y en aura bien d’autres: Charles Zacharie Landelle (1812-1908) avec «Les caiques à Yport» (coll. part.), Elodie Jacquier ou La Villette (1842-1917) avec «la falaise d’Yport» (1877- musée de Lille), André Dewambez (1867-1944) avec «la plage d’Yport», Adolphe Ernest Gumery avec «la plage d’Yport» vers 1915-1917 (musée de Dieppe), Conrad Kickert avec «Vendredi Saint à Yport» en 1939; il faut enfin citer Jef Friboulet (1919 – 2003) qui demeurera pendant trente ans à Yport dans le manoir Laurens et produisit une œuvre picturale importante.

Et puis la mer …

En guise de conclusion, nous pouvons dire et confirmer qu’il y eut vers cette époque 1900 un véritable mouvement de villégiature et artistique pour ce village côtier, Yport, habité à l’origine seulement de pêcheurs; d’où l’opposition marquée entre les petites maisons du village lui-même, faites de briques et silex et, dans la verdure et les hauteurs, les grandes villas d’un tout autre style.

Mais, au contraste à cette époque des hommes, des styles et des origines, répond aujourd’hui un charme certain, visuel et humain de l’ensemble, à découvrir au détour d’un sentier ou d’une ruelle, avec toujours et pour tous, comme point commun, la mer…

Réunissons à nouveau et enfin Lorrain et Maupassant pour décrire la valleuse et le village d’Yport:

- «Yport avec ses ravins boisés, ses cépées profondes, ses vagues de bois taillis où saillaient, çà et là, le pignon d’un chalet ou la terrasse d’une villa.» [29] .

- «Ils [30]  entrèrent dans le petit village. Les rues vides, silencieuses, gardaient une odeur de mer, de varech et de poisson. Les vastes filets tannés séchaient toujours, accrochés devant les portes ou bien étendus sur le galet. La mer grise et froide avec son éternelle et grondante écume commençait à descendre, découvrant vers Fécamp les rochers verdâtres au pied des falaises. Et le long de la plage les grosses barques échouées sur le flanc semblaient de vastes poissons morts. Le soir tombait et les pêcheurs s'en venaient par groupes au perret (perrey), marchant lourdement, avec leurs grandes bottes marines, le cou enveloppé de laine, un litre d'eau-de-vie d'une main, la lanterne du bateau de l'autre. Longtemps ils tournèrent autour des embarcations inclinées ; ils mettaient à bord, avec la lenteur normande, leurs filets, leurs bouées, un gros pain, un pot de beurre, un verre et la bouteille de trois-six. Puis ils poussaient vers l'eau la barque redressée qui dévalait à grand bruit sur le galet, fendait l'écume, montait sur la vague, se balançait quelques instants, ouvrait ses ailes brunes et disparaissait dans la nuit avec son petit feu au bout du mât.

«Et les grandes femmes des matelots dont les dures carcasses saillaient sous les robes minces, restées jusqu'au départ du dernier pêcheur, rentraient dans le village assoupi, troublant de leurs voix criardes le lourd sommeil des rues noires.

«Le baron et Jeanne, immobiles, contemplaient l'éloignement dans l'ombre de ces hommes qui s'en allaient ainsi chaque nuit risquer la mort pour ne point crever de faim, et si misérables cependant qu'ils ne mangeaient jamais de viande.

«Le baron, s'exaltant devant l'océan, murmura : " C'est terrible et beau. Comme cette mer sur qui tombent les ténèbres, sur qui tant d'existences sont en péril, c'est superbe ! N'est-ce pas, Jeannette?» [31] .

                                                                                                     

                                                                                                            Yves Duboys Fresney

 

            Sources documentaires:

- «Etude historique sur Yport» par Joseph Boulard, réédition  imprimerie Micaux 1966

- «Yport, son histoire, ses histoires» par Roger Barré bulletin 1950-1951 de l’Association des Amis du Vieux Fécamp

- «Yport et ses écrivains dans la 2ème partie du 19ème siècle» par André-Pierre Join-Diéterle bulletin 1995-1999  de l’Association des Amis du Vieux Fécamp

- «Les Dieterle, une famille d’artistes» Musée des Terre-neuvas de Fécamp 1999

- «Yport autour des années 1900» par Max Lemaître 1992 imprimerie Durand

- «Yport, commerçants et artisans, petits métiers d’hier… et d’aujourd’hui» par Joseph Delaunay 2ème édition - 2003 imprimerie Durand.

- «Des peintres au pays des falaises 1830-1940» par Marie Hélène Desjardins 2004 éditions des falaises.

- «Villa Mauresque» par Jean Lorrain Le livre moderne illustré 1942 avertissement documentaire de Georges Normandy et illustrations de Michel Ciry.

- Sites internet «Geneanet» et  «Yport.web.free.fr»

- Archives de Me Narcisse Ronceray notaire à Fécamp

- Dictionnaire des peintres et graveurs par E. Bénézit

Remerciements: Mmes et MM  Joseph Delaunay, Daniel Roynette, Emmanuel Join-Dieterle, Sarazin, Régane Gallais, Jean-Pierre Lethuillier …



Notes:

[1]  Georges Dufayel (1853? – 1916) homme d’affaire parisien, propriétaire de grands magasins, les grands magasins Crespin-Dufayel dont le palais de la Nouveauté boulevard Barbès; achète en 1905 à Sainte-Adresse des terrains du bord de mer, fait construire en 1906 le Palais des Régates par l’architecte Ernest Daniel puis viabilise un lotissement balnéaire dénommé «le Nice Havrais» à partir et autour du boulevard des Régates; son domicile était à la villa Maritime acquise en 1896 qui sera revendue plus tard en 1936 à Armand Salacrou; sa devise était «bien faire et laisser dire».

[2]  Pierre Clément Justin, comte de Nesmond (1833-1892), homme de la haute finance, fondateur de «la correspondance bleue» et du bulletin financier des journaux; propriétaire à partir de 1882 de la salle de variétés dite de music-hall dénommée «L’Olympia» à Paris rue des Capucines, il avait aussi été à Fécamp l’aménageur-lotisseur de la côte de Renéville acquise par lui du conseil de fabrique de la paroisse Saint-Etienne suivant acte du 28 novembre 1881; également bienfaiteur de la Caisse de secours des marins de Fécamp et de la Société de Sauvetage, responsable de la Société populaire des Beaux-arts, section de Fécamp.

[3]  Isaac dit Ernest Nathan époux de Julie Aubert était un violoniste concertiste de grand talent, «un musicien merveilleux … artiste millionnaire en génie» avait dit de lui Alexandre Dumas père de passage à Yport en 1868; il vint à Yport vers 1865 lors la création du casino, peut-être sur la recommandation de Nunès; il acquis en 1880 une villa «les Courlanges» située près de la villa mauresque; celle-ci fut revendue par sa veuve en 1891 à Chatel, après son décès survenu début 1887; le casino sera repris par Heude puis par Pierre Milon qui le revendit à la commune pour 4200 francs par acte de Me Ronceray des 3 et 11 décembre 1899.

[4]  Une école privée du Sacré-Cœur ouvrait de 1910 à 1955 dans la rue Emmanuel Foy.

[5]  Sans doute s’agit-il de Eugène Paz (1836-1901) ancien élève Triat, le précurseur de l’haltérophilie, propriétaire et directeur d’un gymnase à Paris, le grand gymnase médical, président-fondateur en 1873 de l’Union des Sociétés de Gymnastique de France, déclarée d’utilité publique en 1903, auteur de «la santé de l’esprit et du corps par la gymnastique» Paris – 1881 - propriétaire du Donjon à Etretat.

[6]  Guide-indicateur Ville de Fécamp 1890 publié chez Durand

[7]  Les sœurs se retireront à la suite de la loi de 1905 sur la séparation des églises et de l’Etat; elles seront remplacées par des institutrices laïques.

[8]   Il y avait aussi le chalet Nunès, sans doute la 1ère demeure de Nunès avant la construction de la villa Josette.

[9]   Prononcer [Lorans] et non pas [Lorins] comme on le dit parfois

[10]  Le portrait de Colin par Géricault n’est pas certifié; les experts parlent désormais d’un autoportrait de Colin.

[11]  Effet de neige à l’Ermitage – Pontoise - 1874

[12]  Et non pas Carpentier comme l’avait écrit Georges Normandy.

[13]  C'est-à-dire Le Fort du Fou

[14]  On a parler du pavillon tunisien de 1867, copie d’une «koubba» ou petite chapelle du belvédère de Tunis; il servit parait-il de salon de repos de l’impératrice Eugènie en visite à l’exposition.

[15]  Voir «Villa Mauresque, entre fiction et réalité, poncif de l’orientalisme» par Ourdia Dufossé dans le numéro 3 des Annales du Patrimoine de Fécamp, année 1993

[16]  L’inscription rédigée par M. et Mme Denizot est la suivante: «Guy de Maupassant, de ce manoir, fit sa demeure et y écrivit ses romans 1893»; elle est dénoncée par Georges Normandy dans son avertissement au roman de Jean Lorrain (édition Le Livre Moderne Illustré 1942 – avec une gravure sur la villa mauresque par Michel Ciry)

[17]  Un avis tout à fait personnel de l’auteur!

[18]  Les moucharabiehs se retrouvent de couleur sombre sur les cartes postales ou les photos anciennes mais n’existent plus aujourd’hui.

[19]  Janssens aurait vendu des emprunts russes à Yport ce qui expliquerait le mauvais souvenir qu’il aurait laissé?

[20]  Aux Petites Dalles, il y avait aussi les 13 villas Saint-Jean de Jean Baptiste Bressand, négociant parisien.

[21]   Aujourd’hui La Buissonnière au 6 rue Ernest Lethuillier

[22]  Cette villa est acquise en 1966 par la commune pour y installer la mairie.

[23]  Suivant acte de Me Lemonnier notaire à Fécamp du 16 novembre 1923, M et Mme Boone vendent la villa Eugénie à M. Duchemin.

[24]  Les médecins, à cette époque, ont largement incité à la villégiature et aux bains de mer; voir l’histoire du sanatorium des Grandes Dalles avec le docteur Barbaray

[25]    Don en 1909 de Charles Forest (1827-1915), sénateur de Savoie de 1890 à 1909.

[26]  nous en avons supposé que les deux épouses Metzinger et Lepelletier étaient sœurs…

[27]  André Paul Leroux dans «visite à un vieil artisan» Durand éditeur 1940

[28]  Le nom de l’auteur est un pseudonyme, l’œuvre n’est pas identifiée à la Bibliothèque Nationale ou à l’I.S.B.N.

[29]   Jean Lorrain en 1886 dans «Très Russe».

[30]  le baron Simon-Jacques le Perthuis des Vauds propriétaire près d’Yport du château des Peuples avec sa fille Jeanne; nous penserions ici volontiers malgré les dates qui ne correspondent pas à Henry Simon et à sa femme Jeanne Amélie Choppin d’Arnouville, propriétaires près d’Yport du château des Hogues

[31]  Maupassant en 1883 dans «Une Vie»; voir également de lui «Le Retour» et «L’ivrogne»; il cite à Yport le café du commerce qui se situait à l’angle de la rue Catherine de Monchy.


Gravure sur bois de Michel Ciry représentant la Villa Mauresque à Yport illustrant le livre de Jean Lorrain "Très russe" Editions Le Livre Moderne Illustré (1942)