La succession d’un marin disparu en mer


 

            La mort en mer d’un marin est un drame, avec l’annonce, les recherches, l’angoisse, l’espoir et puis l’échec.

            Le drame devient pire encore quand le corps du marin n’a pas pu être retrouvé ; c’est l’incertitude et l’anxiété pour toujours, c’est la crainte systématique de l’avenir.

            Comme à l’habitude, les différents aspects de la vie humaine, même les plus graves, reçoivent une application juridique : qu’en est-il donc ici ?

 

            I - La décision judiciaire de la disparition et du décès d’un marin mort en mer

 

            La déclaration officielle du décès d’une personne se fait auprès de l’officier de l’état-civil, en principe sur présentation d’un corps sans vie, ou encore de l’avis médical du décès [1] .

            Ici, rien de tout cela, même s’il y a une quasi certitude ou une forte probabilité du décès; il y a parfois des témoins de l’accident de mer, mais pas de corps ; il faudra alors obtenir une déclaration judiciaire du décès, c'est-à-dire un jugement. La décision est à demander au Tribunal de Grande Instance du lieu du domicile du marin ; la procédure est gracieuse - non contentieuse – elle sera donc plus rapide mais encore faut-il la solliciter … En cas d’inaction, de retard ou d’oubli, un règlement de succession, une vente immobilière ou même un remariage ne pourrait avoir lieu …

            Pour prononcer de cette manière le décès, le Procureur de la République ordonne souvent une enquête, afin de vérifier les faits, les témoignages, les circonstances qui seraient de nature à avoir mis la vie du marin en danger, donc sa mort très probable ; il examine en premier lieu le rapport de disparition fait par le commandant de bord.

- Article 86 du Code Civil : «  En cas de décès pendant un voyage maritime … il en sera dans les 24 heures dressé acte par les officiers instrumentaires … »


            - Selon l’article 59 du même code, l’acte est rédigé sur les bâtiments de l’Etat par l’officier du Commissariat de la Marine ou à défaut par le commandant ou celui qui en remplit les fonctions, et sur les autres bâtiments par le capitaine, maître ou patron, ou celui qui en remplit les fonctions.

            - Pendant un arrêt dans un port, l’acte sera établi par s’il en existe un agent diplomatique ou consulaire français investi des fonctions d’officier de l’état-civil…

            - Il y sera fait mention des circonstances dans lesquelles l’acte a été dressé…

            - L’acte sera inscrit à la suite du rôle d’équipage.

 

Disparition ou absence ?

            Si par hasard, les circonstances n’étaient pas suffisantes, la mer était plutôt calme, ou n’était pas très froide [2] , ou bien la côte était suffisamment proche pour rendre possible un sauvetage, alors il faudra obtenir une autre procédure, celle relative à une déclaration d’absence. Quelle douleur de devoir ainsi discuter par avocat interposé sur les circonstances plus ou moins graves de la disparition d’un proche et ainsi appliquer l’une ou l’autre des procédures !

 

            Les circonstances de la disparition

            Les faits et les causes de la disparition d’un homme de mer sont très variables : la tempête, les glaces flottantes, la brume mais aussi les erreurs de navigation, le suicide parfois ou l’alcool ; il y eut également  la piraterie ou les collisions, combien de doris de pêche ont chaviré dans la vague d’étrave d’un transatlantique…

            Il nous faut ici rendre hommage à notre Marine Nationale, par exemple à la station navale de Terre Neuve, pour tous les efforts déployés lors d’un appel à disparition, autant en faveur de ses ressortissants que de personnes ou de navires de toutes nationalités ; parlons également ici de la solidarité maritime – le fameux S.O.S. - qui n’est pas un vain mot et qui a permis de sauver de nombreuses vies humaines …

                       

            Procédure et jugement de disparition

            La déclaration judiciaire du décès en fait s’applique aux ressortissants français quelque soit le lieu de leur disparition, mais également aux étrangers et apatrides disparus sur le territoire relevant de l’autorité de la France, ou à bord d’un navire français, et même aux étrangers et apatrides disparus à l’étranger dès lors qu’ils avaient leur domicile ou leur résidence habituelle en France.

La date du décès doit être fixée même approximativement par le juge ; la loi ne dit rien sur le lieu du décès car elle accorde plus d’importance au lieu du dernier domicile lequel fixera le lieu d’ouverture de la succession – art 110 du code civil – il est toutefois souhaitable pour des questions de territorialité que le tribunal indique même de façon approximative le lieu où est survenu l’accident de mer.

 

            Les effets du jugement

            Le jugement étant devenu définitif, c'est-à-dire sans recours possible, et étant régulièrement transcrit en marge des actes de l’état-civil, il y a alors seulement un constat officiel de la fin de la personnalité juridique – article 718 du code civil - le mariage est dissout – article 227 du code civil – de même la communauté de biens et acquêts avec le conjoint, la succession est ouverte entre les héritiers.

            L’assurance décès attachée aux emprunts peut désormais rembourser les banques ; les pensions et allocations sont enfin définitivement accordées [3] ; un remariage peut aussi et alors seulement être envisagé …

 

            Les complications

Elles sont toujours possibles et peuvent être de plusieurs ordres par exemple :

-          Les difficultés d’identification d’un noyé retrouvé.

-          La découverte du corps après le jugement

-          Les cas de disparition dans les eaux internationales ou dans des eaux territoriales étrangères, avec difficultés d’application des différentes règles nationales.

-          L’interprétation possible des circonstances de la disparition qui selon le cas et comme indiqué plus haut entrainera soit un jugement de décès soit un jugement d’absence

-          Enfin, le cas extrême, c’est le retour du disparu ; dans cette hypothèse exceptionnelle d’une réapparition, le Procureur de la République ou tout intéressé peut poursuivre l’annulation du jugement déclaratif de décès – article 92 du code civil – Le marin recouvre ses biens dans l’état où ils se trouvent, avec les prix et les remplois de ceux vendus – article 130 du code civil – Le mariage reste dissout – article 132 du code civil – il ne reste plus aux époux, selon la qualité des retrouvailles, qu’à se remarier …

 

Et la succession

Pendant ce temps-là de recherches ou de procédures, tout est en principe bloqué : les salaires, les comptes bancaires ; par contre, les factures et les loyers ou emprunts de la maison sont tout de même à régler ; heureusement, l’assistante sociale de la Marine, le notaire et tous les proches sont là pour aider les familles quasi-endeuillées, les veuves qui ne le sont pas tout à fait, mais qui doivent de toute façon surmonter leur peine ; en fait, la vie doit continuer, le travail, les enfants ; et comment faire pour subvenir aux besoins de toute la famille sans le salaire principal. Il y a très longtemps, rien n’était prévu, et puis les lois sociales sont apparues au fur et à mesure, d’abord la retraite du marin par la Caisse des Invalides et puis les cas de survenance de décès en cours de campagne, en cours d’activité, ne s’agit-il pas en fait d’un accident du travail, d’un A.T.M. comme on dit parfois [4] ! En réalité, les pensions ne garantissent que le minimum ; il faut souvent compléter par un secours ; et puis la veuve devra continuer à travailler, et les enfants ne vont-ils pas bientôt finir leurs études et rechercher un travail ; et que feront-ils : la Marine eux aussi comme leur père et leurs grands pères !... Une cruelle destinée parfois pour toutes ces familles …


 

II - Les prestations et secours aux familles des marins

 

Les Invalides de la Marine ou E.N.I.M.

Les marins français bénéficient d’un régime de sécurité sociale qui peut être considéré comme l’ancêtre de tous les régimes. Sa création remonte en effet à Louis XIV, en 1670, quand une ordonnance royale institue un secours viager de deux écus par mois aux anciens militaires, y compris les marins. A partir de cette date, les gens de mer se sont progressivement dotés d’un statut social particulier, conservé lors de la généralisation en 1945 de la sécurité sociale. L'Etablissement, dans sa forme actuelle, date du décret du 30 septembre 1953 - modifié pour la dernière fois en 1999 - fixant son organisation administrative et financière [5] .

Le régime est commun à tous les navigants professionnels du commerce, de la pêche et de la plaisance. Il vise toutes les branches de la protection sociale. Le décès en mer est un accident du travail qui fait l’objet de prestations légales mais également d’aides extra-légales : une allocation décès égale à 25 % du plafond annuel des rémunérations ou gains soumis aux cotisations de la Sécurité Sociale - de 34 308 euros par an en 2009 - , une indemnité pour frais funéraires égale aux frais réels engagés sans pouvoir être supérieur à 1/24ème du salaire annuel maximum servant de base aux cotisations du régime général, plus un secours pour frais d’obsèques en 2006 de 450 euros et un secours d’urgence aux familles des marins péris en mer toujours en 2006 de 6 750 euros pour le conjoint du marin ou ses ascendants et 1180 euros pour chaque enfant à charge.

 

La Société des Œuvres de Mer

Cette association a été fondée en 1894 par les Augustins de l’Assomption sous l’instigation d’un officier de marine, Bernard Bailly. Les étapes furent les suivantes :

1895 : fondation de la Maison de Famille à Saint-Pierre

1896 : fondation de deux autres Maisons de Famille à Islande ; lancement du navire-hôpital le Saint-Pierre I ; le 1er aumônier est le père Hamon ; puis le Saint-Pierre II.

1898 : reconnaissance d’utilité publique

1900 : lancement du Saint-François d’Assise, en 1911 du Notre-Dame de la Mer, en 1914 du Sainte-Jehanne, rebaptisé en 1921 Sainte Jeanne d’Arc, en 1935 du Saint-Yves avec le révérend père Yvon comme aumônier 

       La société apportait par la visite des navires en pêche des soins médicaux, des possibilités de rapatriement sanitaire pour les blessés ou malades les plus graves, une assistance également morale ; le service postal devenait de plus en plus important avec 40 490 lettres en 1911, 46 056 en 1912, 49 253 en 1913.

       Elle créa également toutes les « maisons de marins », ayant la vocation de centre d'enseignement mais également destinées à lutter contre les abus d'alcool .

Chaque région et chaque ports de pêche français avait un comité, dit comité des dames, chargé de recueillir des cotisations ou des dons ou encore faire des recettes à partir de manifestations locales comme des kermesses, spectacles, banquets ou conférences.

       Il y avait un comité à Bayonne, Brest, Dijon, Fécamp, La Rochefoucauld, Le Havre, Lyon, Nantes, Paris, Pau, Quimper, Reims, Saint-Brieuc, Saint-Malo-Saint-Servan, Saint-Nazaire et Vannes.

       Le comité national avait pour présidente d’honneur l’épouse du président de la République, Madame Félix Faure.

La revue des Œuvres de mer fût éditée à partir de 1897 et paraît encore aujourd’hui …

 

Une autre association existait en parallèle :

L’Œuvre de l’Adoption des Orphelins de la Mer créée en 1897 par l’amiral Gicquel des Touches, ancien ministre de la Marine ; le siège était à Paris 5 rue Bayard ; elle avait pour but, je cite, « de venir en aide d’une façon durable aux familles des inscrits maritimes naufragés ou morts des fatigues de la mer, en adoptant un des orphelins auquel une pension de 100 ou 200 francs est servie jusqu’à ce qu’il ait atteint sa quatorzième année  ; et contribuer à former des chrétiens pour la marine, en adoptant que des garçons ayant l’intention d’être marins  et en les laissant à leurs plus proches parents et dans leur milieu maritime »; elle prit en charge durant 25 ans plus de 2 400 orphelins de la mer en collectant pendant cette même période quelques 1 800 000 francs [6] .

Une revue trimestrielle de cette association, dénommée « Nos Petits Marins », a été créée en 1906.

 

Les bureaux de bienfaisance

            La ville de Fécamp et les communes avoisinantes ont depuis longtemps, chacune en ce qui la concerne, géré en relation très étroite avec les mairies, un bureau de bienfaisance, chargé grâce aux dons et legs locaux d’aider les plus nécessiteux de la commune ; parmi ceux-ci, il fallait en premier lieu subvenir aux familles des marins disparus …

            Le nombre de familles admises au bureau de Fécamp était en 1851 de 400 pour une aide de 30 francs par famille soit 12 000 francs en tout ; en 1907, il y avait 350 familles pour une aide de 85 francs par famille soit 29 000 francs en tout.

            Le bureau d’Aide Sociale de Fécamp, dans sa forme actuelle, a été créé par décret du 29 novembre 1953 et soumis à un Règlement d’Administration Publique du 11 juin 1954.

 

            L’orphelinat Saint-Michel de Fécamp

La création à Fécamp de l’Orphelinat Saint-Michel, remonte à l’année 1886, Augustin Leborgne étant maire de la ville ; elle fut aussi la conséquence des clauses d’un legs fait à la Ville de Fécamp, par M. Dégenétais, en son vivant propriétaire à Saint-Germain en Laye.

            Aux termes du testament du donateur, la Ville héritait d’une ferme sise à Ouainville et d’une somme de 40 000 francs à charge par elle de fonder sur son territoire un Orphelinat de Jeunes garçons pour les fils de marins qui auraient péri en mer ou qui auraient succombé aux suites de maladies contractées pendant la navigation ou d’accidents de mer.

            Ne sont admis que les fils de marins de bonne vie et mœurs, ayant leur domicile à Fécamp ou dans les communes riveraines qui fournissent habituellement des marins au Port de Fécamp. Les enfants sont instruits aux frais de l’Orphelinat et à 13 ans ils sont embarqués comme mousses ou placés.

            Il s’agit d’un Etablissement communal dont le Conseil de Surveillance est formé du Maire de Fécamp, Président, du Commissaire de la Marine et de membres ; le Conseil d’Administration est composé d’un adjoint au Maire président et de membres pris parmi ceux du Conseil Municipal. L’organisation de l’orphelinat est soumise à un règlement intérieur.

            L’établissement reçut de nombreux autres legs dont celui universel de Albert Demare (1843-1905) qui permit la construction d’une annexe à l’orphelinat pour un coût de 16 500 francs [7] .

 

            La Caisse de secours des marins de Fécamp

            La Caisse de Secours en faveur des familles des marins morts ou présumés morts en mer, dénommée Caisse de Secours de Fécamp, a été créée par assemblée générale du 23 avril 1873 à l’initiative de Alexandre Houlbrèque [8], Alexandre Legros étant alors maire de la ville ; puis par la suite constituée en association déclarée conformément à la loi de 1901 ; son siège est dans les bureaux des Affaires Maritimes de Fécamp ; son but est d’apporter une aide morale et matérielle aux familles des marins péris en mer, ou au soutien de famille, inscrits au quartier maritime de Fécamp, ou naviguant sur un navire immatriculé dans le dit quartier ; cette aide sera réalisée par des dons en espèces ou en nature ou en tout autre forme décidée par le conseil d’administration ; en outre, elle peut intervenir dans le financement de toutes actions en faveur de la sécurité ou de la prévention à bord des navires ; elle fonctionne sous le contrôle des Affaires Maritimes et avec l’assistance des Services Sociaux de la Marine ; comme tous les comités locaux ou départementaux d’entraide aux familles des marins péris en mer, elle est membre du Comité National, fondé le 1er octobre 1949, placé sous le haut patronage du ministre chargé de la mer et sous le contrôle du Comité National des Pêches (CNPMEM).

            Nous savons que de 1873 à 1891, une somme globale de 255 491 francs a été versée à 1035 personnes ; de 1873 à 1903, la somme était de 468 968 francs versée à 1983 personnes ; en 1907, il avait été précisé [9] que le capital de la Caisse était de 140 000 francs, après avoir versé en secours aux familles de marins morts en mer ou d’indemnités de chômage 533 013,85 francs.

            La Caisse de Secours de Fécamp a reçu deux legs universels importants, l’un en 1967 de François Terrier et l’autre de Solange Leroux-Marybrasse en 2002 ; le caractère de bienfaisance a été reconnu par arrêté préfectoral du 23 mars 2005.

 

Le legs Terrier

François Charles Terrier est né à Heuqueville le 19 mars 1879, époux de Julia Crochard, domicilié à Fécamp 8 rue Gustave Lambert et décédé sans descendance directe le 25 février 1967 ; ancien pilote et capitaine de navire ; en 1905 - 1906, il est capitaine du navire terre-neuvier Magellan, armement Rousselin et Letanneur ; en 1915, second (ou subrécargue ?) du navire terre-neuvier Raymond, armateur La Morue Française, capitaine Ernest Caron ; en 1916, capitaine du trois-mâts La Fraternité, armé au cabotage international ; le 3 octobre 1916, venant de Port Talbot avec un chargement de charbon pour Bordeaux, il est arraisonné par le sous-marin allemand UB-18, commandé par le lieutenant de vaisseau Steinbeck ; celui-ci fait déposer à bord plusieurs bombes pour le couler ; l'équipage est sauvé, y compris la femme du capitaine Terrier qui se trouvait à bord.
            Il légua la majeure partie de sa fortune à la Caisse de Secours des Marins du quartier maritime de Fécamp, soit environ 149 000 F, en ces termes : « Après paiement du passif, des frais funéraires, des legs particuliers et des frais, droits et honoraires de succession, tout ce qui restera reviendra à mon légataire universel, pour être employé en Rentes sur l’Etat Français et les revenus devront sous le nom de legs Terrier-Crochard être attribué en totalité et ce en supplément aux secours ordinaires qui pourront lui être accordés, à la famille la plus éprouvée de chaque année par décès, accident ou maladie survenu pendant la période d’embarquement » [10] . Une rue de Fécamp lui rendra hommage.

 

A Saint-Malo et Cancale, il y a d’une façon similaire la Caisse Malouine d’Entraide aux Familles des Marins pêcheurs péris en mer, également affiliée au comité national ; elle verse 6 000 euros pour la veuve et 1 000 euros par enfant jusqu’à 16 ans ou en poursuite d’études, 400 euros pour les années suivantes ; tous les quartiers maritimes ne possèdent pas ce système de protection, comme à Saint-Brieuc, mais l’entraide, la solidarité du métier peut fonctionner d’un quartier à l’autre

 

A un niveau national, il y a la Société de secours aux familles des marins-pêcheurs naufragés de Paris qui siège à l’E.N.I.M, fondée en 1879 par Alfred de Courcy, reconnue d’utilité publique le 12 mars 1880 ; en 2007, elle avait 111 familles en charge pour apporter des secours d’urgence, des aides de scolarité [11] .

 

Enfin, les Régions ou les Départements peuvent octroyer des aides : en 2004, la Région Bretagne versait une aide de 6 100 euros aux conjoints des marins disparus en mer, plus 1 100 euros par enfant à charge.

 

            Conclusion

En mer, il y eut de nombreuses disparitions individuelles et puis de grandes catastrophes maritimes [12] ; il y eut celles de Bougainville et puis La Pérouse , il y eut  le Titanic et puis le Lusitania, il y eut Jean Charcot et puis Roald Amundsen [13] , Eric Tabarly et puis Alain Colas ; plus près de nous, il y eut les 18 marins du chalutier « Snekkar Artic » ; nous savons également que 10% des marins de commerce ont péri pendant le dernier conflit mondial et que chaque année 140 000 décès ont lieu en eau libre partout dans le monde, ce chiffre s’expliquant par la circulation importance des hommes sur la mer laquelle, à elle seule, recouvre 77% de la surface du globe terrestre.

La mort en mer d’un marin est un évènement hélas fréquent qui a été et restera toujours dramatique ; des efforts doivent être toujours déployés pour que la succession de celui-ci, malgré le formalisme et les questions financières qu’elle engendre, ne le soit également.

                       

 

                                                                                  Yves Duboys Fresney

 

Reproduction interdite – à paraître dans le numéro 16 année 2009 des annales du patrimoine de Fécamp publié par l’Association Fécamp Terre-Neuve.

 

Epouses de marins disparus en mer

SENAT - 9 ème législature

 

Question écrite n° 09966 de M. Alain Gérard (Finistère - RPR) publiée dans le JO Sénat du 24/05/1990 - page 1100

M. Alain Gérard attire l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de l'équipement, du logement, des transports et de la mer, chargé de la mer, sur la situation difficile des épouses de marins disparus en mer. Elles ne peuvent prétendre bénéficier de certaines prestations que sur production de la copie du jugement déclaratif de décès qui n'est rendu qu'au terme d'une longue procédure. Durant cette période, ces personnes se heurtent à des difficultés financières importantes. En conséquence, il lui demande les mesures qu'il entend prendre afin de résoudre ces problèmes qui affectent des personnes éprouvées.

Réponse du ministère publiée dans le JO Sénat du 27/09/1990 - page 2099

Réponse. - L'octroi des pensions et prestations de l'établissement national des invalides de la marine aux ayants droit de marins disparus en mer n'est pas subordonné à la constatation judiciaire du décès du disparu. Les demandes de pensions et de prestations sur la caisse générale de prévoyance et de pensions sur la caisse de retraites des marins sont instruites soit à partir du procès-verbal de disparition établi par l'administration locale des affaires maritimes sur la base des déclarations des témoins de l'accident soit, en cas d'absence de témoins, à partir de la décision ministérielle déclarant la disparition du marin et éventuellement la présomption de perte corps et biens du navire. La décision ministérielle de disparition intervient généralement dans des délais rapides. En outre, un secours peut être attribué par l'établissement à la veuve du marin qui est confrontée à une situation financière difficile durant la phase d'instruction de son dossier de pension : il suffit à l'intéressée d'en faire la demande auprès du quartier des affaires maritimes dont relevait le marin disparu.

 

P.S. : Certaines personnes racontent encore que les mouettes sont porteuses de l’âme des marins péris en mer ; alors regardons et écoutons, d’abord les mouettes, et puis la mer, elles nous parlent et puis se parlent, elles sont indissociables …

 

 

 



Notes :

[1]   A l’outre-mer, il y avait une particularité dans le sens que le corps du marin même retrouvé ne pouvait à cause de l’éloignement et de la durée du retour être présenté aux autorités et à la famille ; il fallait soit enterrer sur place soit immerger le corps ; la cérémonie était laïque mais avait une connotation très religieuse. A Terre-Neuve et à Islande, dans les lieux de fréquentation habituelle pour la pêche, il y avait des petits cimetières de marins français ; ainsi à Croque dans le Petit Nord, à l’anse aux Canards dans la péninsule de Port à Port, à Corner Brook ou à Faskrudsfjordur ; sur le Grand Banc, c’était l’immersion après quelques lectures et un chant d’adieu.

[2]   Le froid est une des premières causes de la mort du marin, et non pas vraiment la noyade

[3]   Il existe une mesure spéciale en matière sociale : lorsqu’un assuré a disparu de son domicile depuis plus d’un an, son conjoint peut obtenir à titre provisoire la liquidation des droits qui lui auraient été reconnus en cas de décès établi – art L 353-2 du code de la sécurité sociale -

[4]  A.T.M. : accident de travail maritime

[5] Voir le site internet de l’Etablissement National des Invalides de la Marine : www.enim.eu et également l’historique de l’ENIM sur Wikipédia.

[6]  Soit environ 6 millions d’euros actuels.

[7]  Voir aux archives municipales de Fécamp les dossiers relatifs à l’orphelinat, enregistrés dans les séries M et Q :  testament de M. Degenetais - création de l’orphelinat – règlement intérieur - registre matricule - inventaire de l’établissement.

[8]  Alexandre Gervais Houlbrèque est né à Bréauté en 1824. À Fécamp, il est connu comme armateur et négociant (Armement Palfray-Houlbrèque). Il a été juge au Tribunal de Commerce de 1856 à 1861, puis de 1865 à 1868 et enfin élu Président de 1872 à 1876 ; également Président de la Chambre de Commerce de 1869 à 1881 et aussi Vice-Consul d'Espagne à Fécamp, au moins de 1862 à 1869. Vers 1885, il se retira à Paris 50 rue de Lille où il mourut le 7 décembre 1901.

[9]  par Adolphe Bellet président de la Chambre de Commerce de Fécamp lors de la session de l’Association Normande tenue à Fécamp en 1907.

[10]  Il légua aussi 5 000 francs à l’hospice de Fécamp, 5 000 francs au bureau d’aide sociale, 10 000 francs à l’orphelinat Saint-Michel « sur laquelle 5 000 francs seront employés pour l’amélioration de leur ordinaire en friandises » et 65 000 francs aux anciens combattants, également à la Ville de Fécamp ses décorations et un tableau de W. Morgan représentant le trois-mâts-barque La Fraternité.

[11]   il y a aussi le secours de Courcy résultant d’un legs, accordant sur enquête une aide complémentaire

[12]  Certains chiffres sont douloureux : le 9 septembre 1775, un ouragan « Indépendance » frappe l’est de Terre-Neuve, 4 000 marins la plupart de Grande Bretagne périssent en mer ; en 1826, sur le seul quartier maritime de Granville, il y eut 2 300 pertes d’hommes pour les naufrages et autres accidents particuliers ; il existe une base de données, très incomplète, des marins morts en mer  : www.auxmarins.com

[13]  Un marin qui disparait en avion, le Latham 47, parti avec Guilbaud à la recherche du dirigeable Italia du général Nobile.