La réglementationdes plans d’eau[1]

 

           

Quelques terminologies et distinctions

            Les plans d’eau sont formés d’eaux stagnantes, sans mouvement apparent, par opposition aux eaux courantes ; ils sont alimentés par des eaux de sources, de pluie ou bien d’infiltration, mais aussi parfois par « l’épanouissement » d’un cours d’eau ou bien son détournement total ou partiel.


            On distingue les eaux libres qui se rattachent à l’ensemble du réseau fluvialet puis les eaux closes qui sont fermées et autonomes ….. les plans d’eau permanents ou pérennes, ce sont les lacs, les étangs, les mares, et ceux non permanents, ce sont les zones humides, les lagunes, les retenues ou les flaques …. les étangs naturels et ceux artificiels, parmi eux, les étangs de fouilles, les carrières, les gravières, les sablières …. et aussi, les étangs avec barrage ou digue…ou encore les étangs vidangeables de ceux qui le sont pas …




Il faut enfindifférencier les eaux domaniales, du domaine public, des eaux non domaniales, du domaine privé.

 

            La réglementation

 

Lesrègles successives applicables sont nombreuses :

-                     Les ordonnances royales de 1566 et de 1669

-                     La loi du 8 avril 1898

-                     La loi numéro 64-1245 du 16 décembre 1964 relative au régime et à la répartition des eaux et à la lutte contre leur pollution ; le décret numéro 73-219 du 23 février 1973 portant application des articles 40 et 57 de la loi du 16 décembre 1964 ; le décret numéro 75-996 du 28 octobre 1975 portant application des dispositions de l’article 14-1 de la loi du 16 décembre 1964

-                     La loi numéro 92-3 du 3 janvier 1992 sur l’eau et relatif aux schémas d’aménagement et de gestion des eaux ; désormais tout plan d’eau de plus de 1000 M2 ou implanté au travers d’un cours d’eau même intermittent doit disposer d’un acte administratif ; le décret numéro 92-1041 du 24 septembre 1992 portant application de l’article 9-1° de la loi du 3 janvier 1992 ; le décret numéro 92-1042 du 24 septembre 1992 portant application de l’article 5 de la loi du 3 janvier 1992 ; le décret numéro 93-742 du 29 mars 1993 relatif aux procédures d’autorisation et de déclaration prévue par l’article 10 de la loi du 3 janvier 1992 ; le décret numéro 93-743 du 29 mars 1993 relatif à la nomenclature des opérations soumises à autorisation ou à déclaration en application de l’article 10 de la loi du 3 janvier 1992 ; le décret numéro 93-1038 du 27 août 1993 relatif à la protection des eaux contre la pollution par les nitrates d’origine agricole ; le décret numéro 93-1182 du 21 octobre 1993 relatif à la procédure applicable aux opérations entreprises dans le cadre de l’article 31 de la loi du 3 janvier 1992 ; le décret numéro 93-1347 du 28 décembre 1993 relatif au régime exceptionnel de tarification de l’eau prévu à l’article 13-II de la loi du 3 janvier 1992 ; le décret numéro 94-289 du 6 avril 1994 relatif aux communautés locales de l’eau pris pour application de l’article 7 de la loi du 3 janvier 1992 ; le décret numéro 94-354 du 29 avril 1994 relatif aux zones de répartition des eaux.

 

Depuis l’ordonnance du 18 septembre 2000 et la création du code de l’environnement, les textes passent du code rural (CR) au code de l’environnement (CE).

-                     Enfin, la loi sur l’eau et les milieux aquatiques (LEMA) du 30 décembre 2006 qui remplace celle du 3 janvier 1992 ; le décret du 15 mai 2007 ; la circulaire du 29 janvier 2008.

 

La planification est assurée par le Schéma directeur d’Aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) – articles L 212-1 et svts du code de l’environnement ou CE – par les schémas d’aménagement et de gestion des eaux – articles L 212-3 et svts du CE –le comité national de l’eau – article L 213-2 du CE – l’office national de l’eau et des milieux aquatiques – article L 213-2 du CE – le préfet coordinateur de bassin – article L 213-7 du CE, les comités de bassin et les agences de l’eau – articles L 213-8 et svts du CE - ; il faut également citer la directive européenne cadre sur l’eau – DCE – du 23 octobre 2000 ainsi que les Observatoires de l’Eau.

 

            Le régime général des eaux libres

            Le plan d’eau ici est établi sur cours d’eau ou sur source, d’une façon naturelle ou artificielle ; le poisson est en libre circulation ; celui-ci n’appartient pas au propriétaire ; comme dans un cours d’eau, il faut acquitter une taxe piscicole pour la pratique de la pêche ; le droit de propriété est préservé pour toutes les eaux non domaniales, la pêche ne se pratique qu’avec l’accord du propriétaire (autorisation ou location de pêche) ; les opérations d’empoissonnement ou de vidange ne se font que par l’intermédiation d’une association agréée (société de pêche) ; le propriétaire ne dispose pas du poisson lors des vidanges.

            Les eaux libres aménagées peuvent avoir le statut de pisciculture régi par les articles L 431-6 à L 431-8 du CE.

 

Le régime spécifique des eaux closes

Ce régime est défini par la loi sur l’eau de 2006, par le décret du 15 mai 2007 et la circulaire du 29 janvier 2008 – articles L 431-4 à L 431-5 et R 431-7 du CE ; il s’agit d’un plan d’eau n’ayant aucune communication avec un cours d’eau ou qui a une communication par une liaison ne permettant pas en permanence la vie du poisson,dépourvu d’une communication suffisante avec les eaux libres, « hors évènement hydraulique exceptionnel » dit le texte ; la communication peut se faire de manière discontinue et même de façon continue mais avec les valeurs hydrauliquement faibles.

La présence de grilles même fixes en amont ou en aval, n’est pas suffisante à la qualification d’eaux closes ; il en est de même pour toute construction de type barrage ou pêcherie.

Le propriétaire possède ici un droit libre de pêche et de puisage de l’eau ; la réglementation piscicole ne s’applique pas ; le poisson n’est pas une ressource collective, il appartient au propriétaire[2] ; toutes les espèces sont autorisées sauf celles susceptibles de désordres biologiques (art R 432- du CE) ; par contre, les dispositions relatives à la pollution des eaux s’appliquent.

Autrement dit, la police de l’eau est applicable aux eaux libres et aux eaux closes ; par contre la police de la pêche n’est applicable qu’aux eaux libres.

 

Un discernement difficile, un enjeu important

La distinction entre eaux libres et eaux closes provenait déjà de la loi du 18 juin 1923 ; puis de la loi du 23 novembre 1957.

Le poisson ne peut passer naturellement d’un endroit à un autre : la situation est parfois complexe ; des difficultés d’application peuvent apparaître ;  un dispositif d’interception du poisson ne suffit pas ; le juge judiciaire est compétent pour les litiges.

Sur la contestation d’une fédération de pêche, le Conseil  d’Etat considère que le critère du passage naturel du poisson pour qualifier les plans d’eau était justifié (CE du 27 octobre 2008)

Les fédérations départementales de pêche ainsi que les associations (associations agréées de pêche et de protection des milieux aquatiques ou AAPPMA) veulent faire valoir une interprétation large des eaux libres ; par contre les syndicats de propriétaires défendent au maximum le régime spécifique les étangs clos que certainsqualifient de privilège ; l’enjeu est l’application d’une loi plutôt contraignante face à la liberté de la propriété, avec en outre une incidence financière concernant la perception ou non des droits de pêche[3].

Concernant l’application de cette loi et la distinction à opérer, le cas de l’anguille, qui par reptation même dans des zones sèches pourrait remonter dans des eaux closes, est pour les unsune réalité, pour les autresun prétexte à litige.

 

La création d’un plan d’eau

 

Nous sommes en présence de trois situations possibles, avec :

-                     Une procédure de déclaration pour les surfaces entre 1 000 M2 et 3 HA, les digues de 2 à 10 M,  - article R 214-32 du CE et arrêté du 27 août 1999 -

-                     Une procédure d’autorisation pour les surfaces supérieures à 3 HA, les digues de plus de 10 M, les volumes de retenue supérieur à 5 000 000 M3 : article R 214-6 du CE ; elle comprend une enquête administrative, une enquête publique et un avis du conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST) ; l’assistance d’un bureau d’étude parait utile, l’instruction dure 6 mois-1 an.

-                     Une dispense de procédure vise les opérations mineures : digue de moins de 2 M, obstacle à l’écoulement naturel de l’eau de moins de 20 CM, superficie de l’eau de moins de 1 000 M2 ; ici, une autorisation municipale peut être rendue nécessaire par le règlement sanitaire départemental.

La procédure est la même pour les eaux closes et pour les eaux libres.

 

La gestion d’un plan d’eau

 

L’entretien et la surveillance des barrages

Depuis le décret du 11 décembre 2007, les barrages sont répartis en quatre catégories en fonction de la hauteur de la digue et du volume des eaux :

 

Classe de l’ouvrage

Caractéristique de l’ouvrage

Hauteur en mètres

Volume en millions en M3

A

≥ à 20 m

 

B

≥ à 10 m

Et H² √ V ≥ 200

C

≥ à 5 m

Et H² √ V ≥ 20

D

≥ à 2 m

 

 

 

Prescriptions générales

Classe A

Classe B

Classe C

Classe D

Dossier et registre de l’ouvrage

oui

oui

oui

oui

Fréquence de la visite technique approfondie

1 an

2 ans

5 ans

10 ans

Fréquence du rapport d’exploitation

1 an

5 ans

5 ans

non

Fréquence du rapport d’auscultation

2 ans

5 ans

5 ans

non

Fréquence de la revue de sureté

10 ans

non

non

non

Etude de danger

oui

oui

non

non

 

L’entretien de l’eau consiste à vérifier l’alcalinité ou bien son acidité, c’est-à-dire le PH, à chauler si besoin est, à épurer l’eau par des concentrés bactériens, à soustraire le chlore et les métaux lourds, ou bien le phosphore en suspension, à additionner du carbonate pour fournir des minéraux… Cet entretien est important surtout pour les plans d’eau non vidangés ; l’aide d’un technicien paraît utile.

 

La procédure de vidange

La vidange d’un plan d’eau est nécessaire à plus d’un titre : le prélèvement des poissons ou uniquement des carnassiers (poissons-chats)  pour l’équilibre des espèces, le dragage ou le curage de la cuvette, l’élimination des boues, l’entretien de la digue et des berges, la sécurité des installations … par contre l’écoulement peut avoir des conséquences sur les terrains en aval.

La vidange ou « assec » et puis la remise en eau ou « évolage » doivent se faire lentement ; la vidange partielle est parfois suffisante.

L’article R 214-1 du code de l’environnement soumet cette opération à une déclaration préalable, pour les surfaces supérieures à 1000 M2, les hauteurs inférieures à 10 m ou les volumes de 50 000 M2 à 5 000 000 M2 ; au-delà de 10 M et de 5 000 000 M2 une autorisation est nécessaire ; une circulaire du 9 novembre 1993, celle du 6 mars 1995 et deux arrêtés du 27 août 1999 fixent les prescriptions générales, le contenu du dossier et la procédure.

Mais la vidange ne peut pas se réaliser pour tous les plans d’eau ; ceux naturels ou de carrières, les mares sont souvent « non vidangeables » contrairement à toutes les retenues créées à partir d’un barrage ; le curage est alors plus compliqué ; le traitement régulier de l’eau est alors plus que nécessaire.

 

Les référencements, les régularisations

La régularisation vise les plans d’eau créés sans autorisation administrative avant le 29 mars 1993 ; il faut alors se soumettre par procédure simplifiéeà une déclaration ou à une autorisation selon le cas ; il s’agit d’une simple étude technique sur le dimensionnement des ouvrages et sur les travaux à réaliser pour mise aux normes

La connaissance historique du plan d’eau est toujours intéressante surtout quand il s’agit de régulariser la situation administrative de celui-ci ; les cartes de Cassini ont des relevés effectués entre 1756 et 1789, la publication étant intervenue entre 1756 et 1815 ; des rééditions sont intervenues en 1815 ; vous trouverez sur Wikipédia la table des dates de relevés par régions ; les cartes de l’Etat-Major de l’armée française à l’échelle 1/80 000è  ont des relevés effectués entre 1817 et 1866 ; toutes ces cartes se retrouvent sur Géoportail.

Les dates importantes pour la création du plan d’eau :

-                     15 avril 1829 : avant cette date[4], les droits sont fondés sur titre à charge par le propriétaire d’en apporter la preuve ; il peut s’agir de droits acquis provenant de l’ancien régime qui conservent un caractère dérogatoire du droit commun ; cela peut concerner les étangs, les piscicultures ou les biefs des moulins à eau, en ce compris les prises d’eau ; il y a bénéfice de l’antériorité avec régularisation simplifiée.

-                     1905 : avant cette date l’autorisation ou la déclaration préalable n’existait pas ; la régularisation est donc simplifiée

-                     30 juin 1984 (article L 431-7 du CE)concernant les piscicultures régulièrement autorisées ou déclarées ainsi qu'aux plans d'eau existant à cette date du 30 juin 1984, établis en dérivation ou par barrage et équipés des dispositifs permanents empêchant la libre circulation du poisson.

-                     29 mars 1993 : avant cette date, une procédure simplifiée de régularisation est possible, sauf pour les barrages ou dérivations de cours d’eau ; après cette date, la procédure est identique à celle d’une création, c’est de régime soit d’autorisation soit de déclaration pour les surfaces de plus de 2000 M2 et pour tous plans d’eau en barrage d’un cours d’eau.

-                     En 1999, la surface passe à 1000 M2

-                     31 décembre 2006 : c’est après prorogations la fin des déclarations d’existence prévue par la loi sur l’eau de 1992 ; il s’agit d’une reconnaissance d’antériorité par procédure allégée ; une mise aux normes est toutefois préconisée lorsque les ouvrages présentent un risque d’atteinte grave au milieu et à la sécurité.

Certaines régularisations nécessitent une étude d’impact.

D’une façon générale, les propriétaires ont eu peur de ces procédures de régularisations, qu’elles ne se terminent par des obligations ou des interdits, voire des obligations de rebouchage ; nous pensons sincèrement que les services administratifs concernés devraient, au lieu de rechercher les sanctions [5] , aider par des conseils et des aides les différents propriétaires à contrôler et à retrouver la qualité de l’eau !

 

Les travaux, les modifications d’un plan d’eau sont aussi réglementées – article R 214-1 du CE - , selon le dossier initial de déclaration, d’autorisation ou de régularisation, et puis selon l’importance de la modification demandée : donc modification mineure ou substantielle, sur le plan d’eau lui-même ou sur son utilisation.

 

Des mises aux normes peuvent concerner soit les aménagements réducteurs des impacts, soit les équipements de sécurité.

 

Les étangs avec gestion d’un élevage piscicole

Si la production est inférieure à 20 tonnes par an, l’installation relève de la police de l’eau ; un régime spécial existe pour les piscicultures de valorisation touristique

Si la production est supérieure à 20 tonnes avec une activité commerciale déclarée, la législation des installations classées s’applique

 

La réglementation de la pêche

Cette réglementation résulte d’abord du code de l’environnement – articles L 430-1 à L 438-2 du CE - puis des arrêtés préfectoraux annuels qui réglementent la pratique de la pêche dans chaque département pendant l’année en cours, enfin des règlements intérieurs qui s’appliquent sur certains parcours.

Les cours d’eau sont classés en deux catégories ; les batraciens et les crustacés s’inscrivent dans la catégorie poisson.

 

Les autres réglementations : attention, la création puis la gestion d’un plan d’eau peuvent être soumis à de nombreuses autres réglementations :

-                     La conformité avec les règles d’urbanisme, les POS ou les PLU, les permis de construire pour les travaux d’affouillements du sol et aussi de comblement, de création de digue …

-                     La réglementation forestière sur les défrichements, sur les espaces boisés classés …

-                     La réglementation des installations classées visant les piscicultures, les carrières

-                     Le règlement sanitaire départemental concernant la création des mares.

-                     Le statut du fermage applicable d’une part aux locations rurales comprenant des mares et des étangs, d’autre part aux piscicultures (article L 415-10 du CR)

-                     La législation sur la chasse – articles L 420-1 à L 429-40 du CE – qui concerne notamment le gibier d’eau …

-                     La réglementation sur l’épandage des boues dont celles provenant du curage des plans d’eau….

 

Conclusion : les eaux stagnantes sont vulnérables, plus que les eaux courantes, et puis les eaux closes plus encore que les eaux libres ; aujourd’hui, il paraît clair que les objectifs biologiques et environnementaux doivent, ici plus que jamais, contrebalancer et même primer les objectifs économiques ; la qualité de ces sites qui sont nombreux et attirants, la qualité de l’eau et de la vie aquatique est à surveiller régulièrement ; l’équilibre naturel parfait étant rare, la main de l’homme doit améliorer la situation et non pas l’aggraver comme cela a été parfois le cas ; le propriétaire d’un plan d’eau et puis son utilisateur, chacun en ce qui le concerne, ont nécessairement à en prendre conscience ; il y va de leur responsabilité, et puis de la nôtre en général.

 

 

                                                                                             Yves Duboys Fresney

                                                                                   (Mai 2013 - Reproduction interdite)

 

                                                                                            



[1] - il s’agit de la réglementation française.

[2] - article 564 du code civil : « Les poissons qui passent d’un plan d’eau à un autre appartiennent au propriétaire de ce dernier à moins qu’ils n’aient été attirés par fraude ou artifice. »

[3]  - Actuellement, une taxe piscicole est perçue auprès des propriétaires en eaux libres pour le financement du Conseil Supérieur de la Pêche ; certains souhaiteraient transformer le CSP en Office National de l’Eau et la taxe en redevance pour la protection des milieux aquatiques à la charge cette fois de tous les propriétaires, en eaux libres et en eaux closes (Réponse Ministérielle de Richemont – JO Sénat du 31 mars 2005).

4  -  que certains font remonter à 1789, c’est-à-dire à l’ancien régime.

5 -  Evidemment sauf les cas de mauvaise foi avérée.