Le procès de Louis XVI

(Convention Nationale du 10 au 26 décembre 1792)

(source principale : wikipédia)

 

Le procès de Louis XVI est la comparution du roi Louis XVI, jugé par les députés de la Convention nationale. Défendu par les avocats Chrétien Guillaume de Lamoignon de Malesherbes, François Denis Tronchet et Raymond de Sèze, il eut à répondre aux accusations de trahison, et de conspiration contre l'État, après la découverte de documents compromettants dans « l'armoire de fer » le 20 novembre 1792. Le procès dura du 10 décembre au 26 décembre, date du plaidoyer de De Seze. Le 15 janvier le débat pour décider du sort du roi aboutit au vote des députés qui décidèrent à 387 voix sur 721 de la mort de l'ancien souverain déchu après l'abolition de la royauté et l'avènement de la Première République française.

La procédure

Le 10 décembre 1792 ? Bertrand Barère préside la Convention nationale ; il fait lire l’acte énonciatif d’accusation rédigé sur la base du Rapport sur les crimes imputés à Louis Capet de Robert Lindet. Il procèdera personnellement à l'interrogatoire de Louis XVI.

Louis XVI fait son entrée dans la salle de la Convention nationale.

« Louis, dit Barère, la Nation française vous accuse, l’Assemblée nationale a décrété, le 3 décembre, que vous seriez jugé par elle ; le 6 décembre, elle a décrété que vous seriez traduit à sa barre. On va vous lire l’acte énonciatif des délits qui vous sont imputés... Vous pouvez vous asseoir. »

L’accusation

Parmi les 42 chefs d’accusation, on peut retenir :

  • D’avoir tenté d’empêcher la réunion des États généraux, et par là avoir attenté à la liberté.
  • D’avoir rassemblé une armée contre les citoyens de Paris et de ne l’avoir éloignée qu’après la prise de la Bastille.
  • De n’avoir pas tenu ses promesses à l'Assemblée constituante, d’avoir éludé l’abolition de la féodalité et laissé piétiner la cocarde tricolore provoquant ainsi les journées des 5 et 6 octobre 1789.
  • D’avoir prêté serment lors de la fête de la Fédération pour essayer ensuite de corrompre l'Assemblée constituante en particulier par l’intermédiaire de Mirabeau.
  • D’avoir trompé l’Assemblée constituante en lui adressant copie d’une lettre adressée aux agents diplomatiques indiquant qu’il avait accepté librement la Constitution, tout en prodiguant l’argent du peuple pour préparer la fuite de la famille royale.
  • Convention passée entre Léopold II et le roi de Prusse pour rétablir la monarchie française.
  • D’avoir envoyé des sommes considérables au marquis de Bouillé et aux émigrés.
  • D’avoir eu une part dans l’insurrection du 10 août 1792.
  • D’avoir autorisé Septeuil à faire un commerce considérable de grains, de sucre et de café.
  • D’avoir mis son veto au décret prévoyant la formation d’un camp de 20 000 fédérés.
  • D’être responsable de la fusillade du Champ-de-Mars le 17 juillet 1791.

L’interrogatoire

Louis XVI écouta les chefs d’accusation assis dans le fauteuil où il avait accepté la Constitution. Après que le secrétaire lui a donné lecture de l’acte énonciatif d’accusation, le président Bertrand Barère reprend ensuite chaque article de l’accusation et questionne Louis XVI[3].

Le Président : « Vous êtes accusé d’avoir attenté à la souveraineté du peuple, le 20 juin 1789. »

Louis XVI : « Aucune loi ne me défendait alors de faire ce que je fis à cette époque. »

Le Président : « Le 14 juillet 1789, la veille de la prise de la Bastille, vous avez fait marcher des troupes contre Paris ; vous avez fait répandre le sang des citoyens. »

Louis XVI : « J’étais le maître de faire marcher des troupes où je voulais. Jamais mon intention n’a été de faire couler le sang. »

Le Président : « Vous avez longtemps éludé de faire exécuter les décrets du 4 août. Vous avez permis que, dans des orgies faites sous vos yeux, la cocarde tricolore ait été foulée aux pieds. »

Louis XVI : « J’ai fait les observations que j’ai cru justes et nécessaires sur les décrets qui m’ont été présentés. Le fait est faux pour la cocarde ; jamais il ne s’est passé devant moi. »

Le Président : « Vous avez répandu de l’argent parmi les ouvriers du faubourg Saint-Antoine, pour les mettre dans votre parti [4]. »

Louis XVI : « Je n’avais pas de plus grand plaisir que celui de donner à ceux qui avaient besoin ; il n’y avait rien en cela qui tînt à quelque projet. »

Le Président : « Vous avez feint une indisposition pour aller à Saint-Cloud ou à Rambouillet, sous le prétexte de rétablir votre santé. »

Louis XVI : « Cette accusation est absurde. »

Le Président : « Le 17 juillet, vous avez fait verser le sang des citoyens au Champ de Mars. »

Louis XVI : « Ce qui s’est passé le 17 juillet ne peut m’être imputé. »

Le Président : « Vous avez payé vos gardes du corps à Coblentz ; les registres de Septeuil en font foi. »

Louis XVI : « Dès que j’ai su que les gardes du corps se formaient de l’autre côté du Rhin, j’ai défendu qu’ils reçussent aucun paiement. »

Le Président : « Vous vous êtes tu sur le traité de Pilnitz, par lequel des rois étrangers s’étaient engagés à rétablir en France la monarchie absolue. »

Louis XVI : « Je l’ai fait connaître sitôt qu’il est venu à ma connaissance. Au reste, c’est une affaire qui, d’après la constitution, regarde les ministres. »

Le Président : « Vous avez fait couler le sang au 10 août. »

Louis XVI : « Non, monsieur ; ce n’est pas moi, je me défendrai jusqu'à la fin, ce n'est pas moi ! »

Le roi prononça ces mots avec une véhémente indignation.

L’interrogatoire fut terminé. « Louis, avez-vous quelque chose à ajouter ? », lui demanda le Président.

« Je demande communication des accusations que je viens d’entendre et des pièces qui y sont jointes et la facilité de choisir un conseil pour me défendre ». On lui présenta les pièces produites à l’appui de l’acte énonciatif d’accusation. Louis XVI dit : « Je ne les reconnais pas ». Il ne reconnut pas davantage sa signature et son cachet aux armes de France au bas d’une lettre à l’évêque de Clermont, et affirma ignorer l’existence de « l’armoire de fer » aux Tuileries. L’audience fut terminée.

Les Présidents de la Convention : Bertrand Barère – de Vieuzac - du 29 novembre au 13 décembre 1792, Jacques Defermon – des Chapellières - du 13 au 27 décembre,  Jean Baptiste Treilhard du 27 décembre au 10 janvier 1793, Pierre Vergniaud du 10 au 24 janvier

Bertrand Barère préside la Convention (le président est nommé pour une quinzaine) quand commence le procès du roi. Le 4 janvier 1793, contre les Girondins qui réclament l’appel au peuple, c’est lui qui, dans une intervention décisive (et le plus remarquable de ses discours selon l’historien Georges Lefebvre), entraîne la Plaine à refuser de s’associer à la manœuvre. « C’est Barère, écrit Jaurès[11], qui fixa les tragiques incertitudes de la Convention. C’est lui, je crois, qui détruisit le mieux le sophisme de l’inviolabilité royale. »

Jacques Defermon est président de la Convention Nationale le 13 décembre. À ce titre il dirige les premiers débats du procès de Louis XVI, et est accusé par les Montagnards d'être trop favorable à ce dernier. Marat va jusqu'à le qualifier de charlatan[1]. Opposé à la condamnation à mort de l'ancien souverain, il vote pour l'appel au peuple, pour l'emprisonnement et le bannissement à la paix, et enfin en faveur du sursis.

Dans ses mémoires, Jacques Defermon écrivit à ce sujet : «La demande du jugement du roi fut un nouveau brandon de discorde jeté dans l’assemblée. Ce n’était pas la mort de Louis XVI qui pouvait détruire la royauté en France. Le trône ne resterait pas sans prétendant et ceux qui croyaient à la faction d’Orléans craignaient de lui en ouvrir le chemin . L’existence de Louis XVI ne ferait pas obstacle à l’établissement de la République si l’opinion nationale consacrait cet établissement ; l’inviolabilité du roi, consacrée par la constitution de 1791 devait lui servir de sauvegarde. Les révolutionnaires d’Angleterre fournissaient un exemple de l’erreur de croire qu’on a détruit la royauté en faisant périr le roi. Mais la raison ne pouvait pas se faire entendre. Les dominateurs de Paris voulaient lier de plus en plus l’assemblée à leur sort ; ils réussirent. Et ce ne fut encore que par la terreur qu’ils entrainèrent la majorité dans leur opinion. »

« Mes votes dans le jugement furent aussi indépendants que ma conduite dans les débats, et comme je ne croyais point qu’on pût priver Louis XVI de l’inviolabilité que lui garantissait la constitution, acceptée par le peuple, je votai en sa faveur sur les trois questions de la mort, de l’appel au peuple et du sursis. La majorité des députés, effrayée par les menaces et dominée par le peur, porta le jugement de condamnation et Louis XVI fur exécuté le 21 janvier 1793. »

1792-12-27Jean-Baptiste Treilhard est élu le 27 décembre 1792 — avec 268 voix sur 417 votants — Président de la Convention nationale, et sera à ce titre, jusqu'au terme de son mandat le 1793-01-1010 janvier 1793, le premier magistrat durant une partie du procès de Louis XVI, qu’il déclare coupable de conspiration contre la liberté publique et d’attentats contre la sureté générale de l’État.

Pierre Vergniaud : Lors du procès de Louis XVI le 31 décembre 1792, il tente en vain de persuader ses collèges de faire appel au peuple, alternative qui aurait laissé une chance au roi. Président de la Convention le 10 janvier 1793, c'est lui qui rédigea les trois questions qui devaient être posées aux députés le jour du verdict. Malgré les intentions publiques qu'il avait manifestées avant le procès, il vota la mort sans sursis.

« J’ai voté pour que le décret ou jugement qui serait rendu par la Convention nationale, fût soumis à la sanction du peuple. Dans mon opinion, les principes et les considérations politiques de l’intérêt le plus majeur, en faisaient un devoir à la Convention. La Convention nationale en a décidé autrement. J’obéis : ma conscience est acquittée. Il s’agit maintenant de statuer sur la peine à infliger à Louis. J’ai déclaré hier que je le reconnaissais coupable de conspiration contre la liberté et la sûreté nationale. Il ne m’est pas permis aujourd’hui d’hésiter sur la peine. La loi parle : c’est la mort ; mais en prononçant ce mot terrible, inquiet sur le sort de ma patrie, sur les dangers qui menacent même la liberté, sur tout le sang qui peut être versé, j’exprime le même vœu que Mailhe et je demande qu’il soit soumis à une délibération de l’Assemblée ».

Avocat à Bordeaux, il était avec Brissot, l’un des principaux représentants des girondins ; son vote pour la mort de Louis XVI a été une surprise et puis considéré par certains comme une trahison ; plusieurs girondins l’ont suivi et feront basculer la majorité en faveur de la condamnation.

La défense de Louis XVI

Le 12 décembre 1792, la Convention accorde des défenseurs à Louis XVI : François Denis Tronchet, Chrétien Guillaume de Lamoignon de Malesherbes, Guy-Jean-Baptiste Target et Raymond de Sèze.

L’argumentaire de la défense

Sur la demande de Tronchet et de Malesherbes, le roi accepte un nouveau conseil en la personne de Raymond de Sèze. Ce dernier est averti le 16 décembre 1792 et il se met au travail le 21. Dans la journée il lit les pièces du dossier et la nuit il rédige une plaidoirie. Le 25 décembre il présente son projet au roi et le 26 il plaide devant la Convention. Sa plaidoirie repose sur les points suivants :

  • incompétence de la Convention et illégalité de la procédure
  • justifications des grandes décisions du roi depuis la tenue des États généraux autour de l'idée que Louis XVI n'a jamais voulu le malheur de son peuple et qu'il n'a jamais voulu que le sang coule

Enfin il s'exclame : « Citoyens, je vous parlerai ici avec la franchise d'un homme libre : je cherche parmi vous des juges et je n'y vois que des accusateurs. Vous voulez prononcer sur le sort de Louis ; et vous avez déjà émis votre vœu ! Vous voulez prononcer sur le sort de Louis, et vos opinions parcourent l'Europe ! Louis sera donc le seul français pour lequel il n'existera aucune loi ni aucune forme ? Il n'aura ni les droits des citoyens, ni les prérogatives de roi. Il ne jouira ni de son ancienne condition, ni de la nouvelle. Quelle étrange et inconcevable destinée ! »[3]

La plaidoirie de la défense

Extrait de la plaidoirie [5] de Romain de Sèze en faveur de Louis XVI, le 26 décembre 1792

« Citoyens représentants de la Nation, il est donc enfin arrivé ce moment où Louis accusé au nom du peuple français, peut se faire entendre au milieu de ce peuple lui-même ! Il est arrivé ce moment où entouré des conseils que l’humanité et la loi lui ont donnés, il peut présenter à la Nation une défense et développer devant elle les intentions qui l’ont toujours animé ! Citoyens je vous parlerai avec la franchise d’un homme libre : je cherche parmi vous des juges, et je n’y vois que des accusateurs ! Vous voulez prononcer sur le sort de Louis, et c’est vous mêmes qui l’accusez ! Vous voulez et vous avez déjà émis votre vœu ! Vous voulez prononcer sur le sort de Louis et vos opinions parcourent l’Europe ! Louis sera donc le seul Français pour lequel il n’existe aucune loi, ni aucune forme ! Il ne jouira ni de son ancienne condition ni de la nouvelle ! Quelle étrange et inconcevable destinée ! Français, la révolution qui vous régénère a développé en vous de grandes vertus ; mais craignez, qu’elle n’ait affaibli dans vos âmes le sentiment de l’humanité, sans lequel il ne peut y en avoir que de fausses ! Entendez d’avance l’Histoire, qui redira à la renommée : “Louis était monté sur le trône à vingt ans, et à vingt ans il donna l’exemple des mœurs : il n’y porta aucune faiblesse coupable ni aucune passion corruptrice ; il fut économe, juste et sévère ; il s’y montra toujours l’ami constant du peuple. Le peuple désirait la destruction d’un impôt désastreux qui pesait sur lui, il le détruisit ; le peuple demandait l’abolition de la servitude, il commença par l’abolir lui-même dans ses domaines ; le peuple sollicitait des réformes dans la législation criminelle pour l’adoucissement du sort des accusés, il fit ces réformes ; le peuple voulait que des milliers de Français que la rigueur de nos usages avait privés jusqu’alors des droits qui appartient aux citoyens, acquissent ces droits ou les recouvrassent, il les en fit jouir par ses lois. Le peuple voulut la liberté, il la lui donna ! Il vint même au-devant de lui par ses sacrifices, et cependant c’est au nom de ce même peuple qu’on demande aujourd’hui...” Citoyens, je n’achève pas... Je m'arrête devant l'histoire : songez qu’elle jugera votre jugement et que le sien sera celui des siècles. »

En venant à la réfutation des chefs d’accusation, Romain de Sèze les divisa adroitement : tenant pour nuls ceux qui étaient antérieurs à la Constitution ou qui avaient été amnistiés par elle, et ceux qui lui étaient postérieurs mais dont les ministres assumaient légalement, la responsabilité, il nia l’appel à l’étranger et déclara Louis XVI irresponsable des tractations menées par ses frères avec l’Autriche. Il nia pareillement l’envoi des subsides aux émigrés, l’accusation manquant à vrai dire de preuves formelles. Ce fut la partie la moins solide de la défense, ce qui importait d’ailleurs assez peu, les députés de la Convention ayant la conviction que Louis XVI avait pactisé avec l’ennemi.

La déclaration de Louis XVI pour sa défense

Déclaration de Louis XVI pour sa défense le 26 décembre 1792[6]

« On vient de vous exposer mes moyens de défense, je ne les renouvellerai point ! En vous parlant peut-être pour la dernière fois, je vous déclare que ma conscience ne me reproche rien, et que mes défenseurs ne vous ont dit que la vérité.
Je n’ai jamais craint que ma conduite fût examinée publiquement, mais mon cœur est déchiré de trouver dans l’acte d’accusation l’imputation d’avoir voulu répandre le sang du peuple, et surtout que les malheurs du 10 août me soient attribués.
J’avoue que les preuves multipliées que j’avais données dans tous les temps de mon amour pour le peuple, et la manière dont je m’étais toujours conduit, me paraissaient devoir prouver que je craignais peu de m’exposer pour épargner son sang, et éloigner à jamais de moi une pareille imputation[7]. »

Les délibérés

Le 15 janvier 1793, à l'issue des débats, les 749 députés sont appelés nominalement (en commençant par le département du Gers) pour répondre à deux questions :

  1. Louis Capet est-il coupable de conspiration contre la liberté publique et d'attentats contre la sûreté générale de l'État, oui ou non ?
  2. Le jugement de la Convention nationale contre Louis Capet sera-t-il soumis à la ratification du peuple, oui ou non ?

À la première question, 718 députés étant présents, 673 votent "oui", 32 font diverses déclarations, 3 ne répondent pas et 10 se récusent ou s'abstiennent.

À la seconde question, 721 députés étant présents, 286 votent "oui", 423 votent "non", et 12 se récusent ou s'abstiennent.

Le 16 et 17 janvier, les députés sont à nouveau appelés nominalement à donner leur avis sur la peine à infliger à l'accusé (en commençant par le département de Haute-Garonne). C'est alors que le député Mailhe (premier à s'exprimer) fait la proposition de sursoir temporairement à l'exécution de la peine (pour l'intérêt public), quelle qu'elle soit. Cette question du sursis est tranchée lors de la séance du 19 janvier (en commençant à nouveau par le Gers).

À la troisième question, 726 députés étant présents, 387 votes "la mort" (dont 26 demandant l'application de l'amendement Mailhe), 44 "la mort avec sursis", 290 pour d'autres peines, 5 s'abstiennent ou se récusent.

À la question portant sur le sursis de l'exécution, 320 votent "oui", 380 "non", 2 votent sous condition et 10 s'abstiennent ou se récusent.

L'accusé est donc condamné à mort, le sursis temporaire à l'exécution de la peine n'étant pas retenu.

-         Les votes des Girondins, Philippe-Egalité, Mailhe, Robespierre …

Les Girondins tentèrent de retarder le procès, puis un recours en grâce, mais la pression des Montagnards était forte pour accélérer le procès et faire appliquer leur sentence. A la première question, ils votèrent la culpabilité ; à la deuxième question, ils votèrent en majorité pour l’appel au peuple, comme mesure de sûreté générale et comme gage de clémence ; à la troisième question, ils votèrent en ordre dispersé, Vergniaud vota la mort sans condition, Brissot vota la mort avec sursis, Defermon vota lui la réclusion ; sur la dernière question du sursis, ils votèrent également sans homogénéité.

Jacques Pierre Brissot, le chef de file des Girondins : « Je vois dans la réclusion le germe des troubles, un prétexte aux factieux, un prétexte aux calomnies qu’on ne manquerait pas d’élever contre la Convention, et d’accuser de pusillanimité, de corruption, qu’on dépouillerait de la confiance qui lui est nécessaire pour sauver la chose publique. Je vois dans la sentence de mort le signal d’une guerre terrible, guerre qui coûtera prodigieusement de sang et de trésors à la patrie […] et c’est pourquoi j’avais soutenu l’appel au peuple, parce que dans ce système les tyrans auraient été forcés de respecter le jugement d’un grand peuple. »

Philippe Egalité vota la mort du roi Louis XVI, et sans appel. Le rejet de l'amendement Mailhe pouvant sauver Louis XVI se joua à une voix. Cette action dégoûta jusqu’à Robespierre qui, selon une rumeur, aurait dit de lui : « il était le seul membre de l’Assemblée qui pût se récuser ».

« Uniquement occupé de mon devoir, convaincu que tous ceux qui ont attenté ou attenteront par la suite à la souveraineté du peuple méritent la mort, je vote pour la mort. »

Lors du procès, Jean Baptiste Mailhe vota pour la culpabilité de Louis XVI, contre la ratification du jugement de la Convention par le peuple et sur la peine à infliger, appelé à s'exprimer le premier, il vota pour « la mort, mais pense qu'il serait digne de la Convention d'examiner s'il ne serait pas politique et utile de presser ou de retarder le moment de l'exécution », et fut suivi par vingt-six députés. Ce qui entraîna un appel nominal supplémentaire aux fins de savoir s'il sera sursis à l'exécution du jugement rendu contre Louis Capet. Cet « amendement Mailhe » du 16 janvier 1793 fut considéré par les Montagnards comme une tentative pour sauver le roi. Mailhe vota pour le sursis avec une grande partie des Girondins.

Maximilien Robespierre lors des journées des 16, 17 et 18 janvier 1793 déclara : « Je n’ai jamais su décomposer mon existence politique, pour trouver en moi deux qualités disparates, celle de juge et celle d’homme d’Etat ; la première, pour déclarer l’accusé coupable ; la seconde, pour me dispenser d’appliquer la peine. Tout ce que je sais, c’est que nous sommes des représentants du peuple, envoyés pour cimenter la liberté publique par la condamnation du tyran, et cela me suffit. Je ne sais pas outrager la raison et la justice, en regardant la vie d’un despote comme d’un plus grand prix que celle des simples citoyens, et en me mettant l’esprit à la torture pour soustraire le plus grand des coupables à la peine que la loi prononce contre des délits beaucoup moins graves, et qu’elle a déjà infligée à ses complices. Je suis inflexible pour les oppresseurs, parce que je suis compatissant pour les opprimés ; je ne connais point l’humanité qui égorge les peuples, et qui pardonne aux despotes. Le sentiment qui m’a porté à demander, mais en vain, à l’Assemblée constituante l’abolition de la peine de mort, est le même qui me force aujourd’hui à demander qu’elle soit appliquée au tyran de ma patrie, et à la royauté elle-même dans sa personne. » …. « Puisque l’humanité nous a fait entendre sa voix, car l’humanité ne peut faire ordonner le sacrifice de tout un peuple à un seul homme, comment pourrait‑il exister dans cette Assemblée un seul membre qui voulût chercher les moyens de suspendre l’exécution d’un décret que le salut public nous a fait rendre ? […] Quant à l’adresse au peuple, qui vous est proposée, vous devez, je crois, l’écarter : elle n’aurait d’autre effet que de présenter la mesure que vous avez prise comme tellement audacieuse, tellement étonnante qu’elle a besoin d’excuse et d’explication , tandis que c’est précisément le contraire. Car le peuple lui‑même a devancé par son vœu l’arrêt que vous avez prononcé ; c’est lui qui vous a imposé le devoir de juger. L’adresse qu’on vous propose est impolitique, car douter de vos droits c’est les anéantir ; elle est injurieuse pour le peuple, car elle calomnie ses vertus, son énergie républicaine. […] Je crois, au contraire, que tout est ici persuadé de la nécessité de la prompte exécution du décret, qu’il n’y aura que cette prompte exécution qui puisse n’être pas funeste à la tranquillité publique. Je crois qu’il n’en est aucun qui se refuse à la gloire d’anéantir la tyrannie, et de concourir à une mesure qui fera le salut du peuple français ; je crois qu’il n’en est aucun qui veuille se laisser honteusement traîner à la suite de la majorité, au lieu de concourir de son vœu à éterniser la gloire du nom français. »

Le questionnaire du vote et les résultats

Les votes sur la mort de Louis XVI ont eu lieu à la Convention nationale le 15 janvier 1793 à la suite de son procès. La peine de mort ayant été votée par une courte majorité, le roi Louis XVI a été guillotiné le 21 janvier 1793.

Le mardi 15 janvier 1793, à la Convention nationale, a lieu l'appel nominal sur les deux premières questions ainsi conçues :

  • 1° « Louis Capet est-il coupable de conspiration contre la liberté publique et d'attentats contre la sûreté générale de l'État, oui ou non ? »
  • 2° « Le jugement de la Convention nationale contre Louis Capet sera-t-il soumis à la ratification du peuple, oui ou non ? »

Chaque département est appelé successivement en commençant par la lettre G, et les membres prononcent leur vœu à la tribune.
Du mercredi 16 janvier 1793 à six heures du soir au jeudi 17 janvier à sept heures du soir, sans interruption, en commençant par le département de la Haute-Garonne, a lieu l'appel nominal sur la troisième question :

  • 3°« Quelle peine sera infligée à Louis ? »

C'est alors que Mailhe, le premier à s'exprimer, déclare :
« Par une conséquence naturelle de l'opinion que j'ai déjà émise sur la première question, je vote pour la mort de Louis. Je ferai une seule observation. Si la mort a la majorité, je pense qu'il serait digne de la Convention nationale d'examiner s'il ne serait pas politique et utile de presser ou de retarder le moment de l'exécution. Cette proposition est indépendante de mon vote. Je reviens à la première question et je vote pour la mort. »
La question du sursis est posée, d'autant plus que, le 17 janvier, sur demande de Garrau, Mailhe réitère ses observations.
À la séance du samedi 19 janvier 1793, malgré une opposition farouche de Marat rejetée, sur la motion de Choudieu, la Convention décrète qu'elle discutera immédiatement la question du sursis du jugement de Louis Capet, et décrète que la question sera ainsi posée :

  • 4° « Y aura-t-il un sursis à l'exécution du jugement de Louis Capet ? » et qu'il sera répondu par oui ou par non.

L'appel nominal a lieu par ordre alphabétique de département en commençant par le Gers.

Les résultats

Première question – La culpabilité -

« Louis Capet est-il coupable de conspiration contre la liberté publique et d'attentats contre la sûreté générale de l'État, oui ou non ? »

  • Nombres de députés de la Convention.......... 749
  • Absents :
    • par maladie............................... 07
    • sans motif connu....................... 01
    • en mission.................................. 20
    • ne figurant sur aucune liste. ....... 03
  • Total des absents..........................31
  • Présents :
    • ont répondu simplement oui................... 673
    • ont fait diverses déclarations.................. 032
    • n'ont pas répondu à la question posée.... 003
    • se sont récusés ou abstenus................. 010
  • Total égal :................................................ 749

Deuxième question – L’appel au peuple -

« Le jugement de la Convention nationale contre Louis Capet sera-t-il soumis à la ratification du peuple oui ou non ? »

  • Nombres de députés de la Convention.......... 749
  • Absents :
    • -par maladie............................... 07
    • -sans motif connu....................... 01
    • -en mission.................................20
  • Total des absents....................................... 028
  • Présents :
    • Ont voté oui :......................................... 286, dont 109 ont motivé leur opinion
    • Ont voté non :........................................ 423, dont 116 ont motivé leur opinion
    • Se sont récusés ou abstenus.................. 012
  • Total égal :.................................................. 749

Troisième question – La sentence -

« Quelle peine sera infligée à Louis ? »

  • Nombres de députés de la Convention............................. 749
  • Absents :
    • -par maladie............................... 07
    • -sans motif connu....................... 01
    • -en mission................................ 15
  • Total des absents......................................................... 023
  • La majorité absolue est de 361 députés.
    • Ont voté pour la mort sans condition......................... 361
    • Ont voté pour la mort avec l'amendement de Mailhe .. 026
    • Ont voté pour la mort avec sursis............................. 044
    • Ont voté pour d'autres peines................................... 290
  • Se sont abstenus ou récusés........................................ 005
  • Total égal :................................................................. 749

N.B. À la séance du vendredi 18 janvier, Gasparin et Delacroix font état d'erreurs « dans l'énonciation du décret porté hier ». Après vérification, il s'avère que s'il y a bien eu erreur, le nombre de votants et la majorité absolue sont restés les mêmes, mais qu'il faut compter comme ayant voté la mort sans condition les 25 députés qui, avec Mailhe, avaient voté la mort, en demandant une discussion sur le point de savoir s'il conviendrait à l'intérêt public qu'elle fût ou non différée, et en déclarant leur vœu indépendant de cette demande.
Le nombre de députés ayant voté la mort sans condition est dès lors de 387.

Quatrième question – amendement Mailhe -

« Y aura-t-il un sursis à l'exécution du jugement de Louis Capet, oui ou non ? »

  • Nombres de députés de la Convention......................... 749
  • Absents :
    • -démissionnaire........................ 01
    • -par maladie............................. 21
    • -sans motif connu..................... 08
    • -en mission.............................. 17
  • Total des absents..................................................... 047
  • Reste :...................................................... 692
  • La majorité absolue est de .................... 346
    • Ont voté oui....................................................... 310
    • Ont voté non....................................................... 380
    • Ont voté conditionnellement...................................... 002
    • Se sont abstenus ou récusés.................................... 010
  • Total égal :............................................................ 749

L’annonce de la condamnation

Vers deux heures de l'après-midi, en cette journée du 20 janvier, la Convention envoie à la maison du Temple une délégation chargée de notifier le verdict au condamné. Ladite délégation est conduite par Dominique Joseph Garat, ministre de la justice. Il est dans sa tâche assisté de Jacques-René Hébert, substitut du procureur de la Commune, et de Chrétien Guillaume de Lamoignon de Malesherbes, l'un des défenseurs du roi pendant son procès.

Les voyant arriver, le roi remarque les sanglots de son avocat. Avant même l'énoncé du verdict, il lui déclare : "Je m'attendais à ce que vos larmes m'apprennent ; remettez-vous, mon cher Malesherbes."[8]

Garat lui annonce alors l'énoncé du verdict puis lui précise aussitôt que la sentence sera mise en œuvre dans les vingt-quatre heures. À la surprise de tous, le roi reste impassible. Hébert, l'ayant jusqu'alors toujours méprisé et insulté dans ses articles parus dans Le Père Duchesne, écrira plus tard : "Il écouta avec un sang-froid rare la lecture du jugement. Il eut tant d'onction, de dignité, de noblesse, de grandeur dans son maintien et ses paroles, que je ne pus y tenir. Des pleurs de rage vinrent mouiller mes paupières. Il avait dans ses regards et dans ses manières quelque chose de visiblement surnaturel à l'homme. Je me retirai, voulant retenir des larmes qui coulaient malgré moi et bien résolu de finir là mon ministère."[9]

Les requêtes de Louis XVI et les réponses de la Convention

Après avoir écouté le verdict le condamnant à la guillotine, Louis XVI formule à la délégation un certain nombre de requêtes : il demande l'octroi de trois jours de délai avant l'exécution pour mieux se préparer à mourir, demande que l'on fasse venir auprès de lui l'abbé Henri Edgeworth de Firmont, que l'on diminue sa surveillance, que sa famille vienne le voir une dernière fois "librement et sans témoin", et enfin que la nation prenne soin de ses proches[10].

Il écrit à la Convention en ces termes :

"Je demande un délai de trois jour pour pouvoir me preparer à paraître devant Dieu. Je demande pour cela de pourvoir voir la personne que j'indiquerai aux commissaires de la Commune et que cette personne soit à l'abri de toutte inquiétude et de toutte crainte pour cet acte de charité qu'elle remplira auprès de moi Je demande d'estre délivré de la surveillance perpétuelle que le Conseil Général a établi depuis plusieurs jours. Je demande dans cet intervalle à pouvoir voir ma famille quand je le demanderai et sans témoins. Je désirerois bien que la Convention Nationale s'occupat tout de suite du sort de ma famille, et qu'elle lui permit de se retirer librement et convenablement où elle le juge utile et à propos. je recommende à la bienfaisance de la Nation touttes les personnes qui m'etoient attachés. Il y en a beaucoup qui avoient mis toute leur forture dans leurs charges, et qui n'aient plus d'appointements doivent estre dans le besoin et mesme de celles qui ne vivoient que de leurs appointements. Dans les pensionnaires il y a beaucoup de vieillards, de femmes et d'enfants qui n'avoient que cela pour vivre Signé Louis »

La délégation se retire puis revient donner la réponse de la Convention à ces différentes requêtes : celles-ci sont toutes accordées, hormis le délai supplémentaire de trois jours. L'exécution aura donc lieu comme prévu le lendemain.

La délégation se retire définitivement. Il est 18 heures en cette soirée du 20 janvier 1793 ; le lendemain aura lieu l'exécution du roi.

Le testament de Louis XVI

« Au nom de la très Sainte Trinité, du Père, du fils et du Saint Esprit. Aujourd’hui vingt-cinquième de décembre mil sept cent quatre vingt douze. Moi, Louis, XVIème du nom, Roi de France, étant depuis plus de quatre mois enfermé avec ma famille dans la Tour du Temple à Paris, par ceux qui étaient mes sujets, et privé de toute communication quelconque, même depuis le onze du courant avec ma famille. De plus impliqué dans un Procès dont il est impossible de prévoir l’issue à cause des passions des hommes, et dont on ne trouve aucun prétexte ni moyen dans aucune loi existante, n’ayant que Dieu pour témoin de mes pensées, et auquel je puisse m’adresser. Je déclare ici en sa présence, mes dernières volontés et mes sentiments. 

Je laisse mon âme à Dieu mon créateur, et je le prie de la recevoir dans sa miséricorde, de ne pas la juger d’après ses mérites, mais par ceux de Notre Seigneur Jésus Christ qui s’est offert en sacrifice à Dieu son Père, pour nous autres hommes, quelque indignes que nous en fussions, et moi le premier.

Je meurs dans l’union de notre sainte Mère l’Église Catholique, Apostolique et Romaine, qui tient ses pouvoirs par une succession non interrompue de Saint Pierre auquel Jésus-Christ les avait confiés. Je crois fermement et je confesse tout ce qui est contenu dans le Symbole et les commandements de Dieu et de l’Église, les Sacrements et les Mystères tels que l’Église Catholique les enseigne et les a toujours enseignés. Je n’ai jamais prétendu me rendre juge dans les différentes manières d’expliquer les dogmes qui déchirent l’Église de Jésus-Christ, mais je m’en suis rapporté et rapporterai toujours, si Dieu m’accorde vie, aux décisions que les supérieurs Ecclésiastiques unis à la Sainte Église Catholique, donnent et donneront conformément à la discipline de l’Église suivie depuis Jésus-Christ. Je plains de tout mon coeur nos frères qui peuvent être dans l’erreur, mais je ne prétends pas les juger, et je ne les aime pas moins tous en Jésus-Christ suivant ce que la charité Chrétienne nous l’enseigne. 

Je prie Dieu de me pardonner tous mes péchés, j’ai cherché à les connaître scrupuleusement, à les détester et à m’humilier en sa présence, ne pouvant me servir du Ministère d’un Prêtre Catholique. Je prie Dieu de recevoir la confession que je lui en ai faite, et surtout le repentir profond que j’ai d’avoir mis mon nom, (quoique cela fut contre ma volonté) à des actes qui peuvent être contraires à la discipline et à la croyance de l’Église Catholique à laquelle je suis toujours resté sincèrement uni de coeur. Je prie Dieu de recevoir la ferme résolution où je suis, s’il m’accorde vie, de me servir aussitôt que je le pourrai du Ministère d’un Prêtre Catholique, pour m’accuser de tous mes péchés, et recevoir le Sacrement de Pénitence.

Je prie tous ceux que je pourrais avoir offensés par inadvertance (car je ne me rappelle pas d’avoir fait sciemment aucune offense à personne), ou à ceux à qui j’aurais pu avoir donné de mauvais exemples ou des scandales, de me pardonner le mal qu’ils croient que je peux leur avoir fait.

Je prie tous ceux qui ont de la Charité d’unir leurs prières aux miennes, pour obtenir de Dieu le pardon de mes péchés.

Je pardonne de tout mon coeur à ceux qui se sont fait mes ennemis sans que je leur en aie donné aucun sujet, et je prie Dieu de leur pardonner, de même que ceux qui par un faux zèle, ou par un zèle mal entendu, m’ont fait beaucoup de mal.

Je recommande à Dieu, ma femme, mes enfants, ma Soeur, mes Tantes, mes Frères, et tous ceux qui me sont attachés par les liens du sang, ou par quelque autre manière que ce puisse être. Je prie Dieu particulièrement de jeter des yeux de miséricorde sur ma femme, mes enfants et ma soeur qui souffrent depuis longtemps avec moi, de les soutenir par sa grâce s’ils viennent à me perdre, et tant qu’ils resteront dans ce monde périssable.

Je recommande mes enfants à ma femme, je n’ai jamais douté de sa tendresse maternelle pour eux ; je lui recommande surtout d’en faire de bons Chrétiens et d’honnêtes hommes, de leur faire regarder les grandeurs de ce monde ci (s’ils sont condamnés à les éprouver) que comme des biens dangereux et périssables, et de tourner leurs regards vers la seule gloire solide et durable de l’Éternité. Je prie ma soeur de vouloir bien continuer sa tendresse à mes enfants, et de leur tenir lieu de mère, s’ils avaient le malheur de perdre la leur.

Je prie ma femme de me pardonner tous les maux qu’elle souffre pour moi, et les chagrins que je pourrais lui avoir donnés dans le cours de notre union, comme elle peut être sûre que je ne garde rien contre elle si elle croyait avoir quelque chose à se reprocher.

Je recommande bien vivement à mes enfants, après ce qu’ils doivent à Dieu qui doit marcher avant tout, de rester toujours unis entre eux, soumis et obéissants à leur mère, et reconnaissants de tous les soins et les peines qu’elle se donne pour eux, et en mémoire de moi. Je les prie de regarder ma soeur comme une seconde mère.

Je recommande à mon fils, s’il avait le malheur de devenir Roi, de songer qu’il se doit tout entier au bonheur de ses concitoyens, qu’il doit oublier toute haine et tout ressentiment, et nommément tout ce qui a rapport aux malheurs et aux chagrins que j’éprouve. Qu’il ne peut faire le bonheur des Peuples qu’en régnant suivant les Lois, mais en même temps qu’un Roi ne peut les faire respecter, et faire le bien qui est dans son coeur, qu’autant qu’il a l’autorité nécessaire, et qu’autrement, étant lié dans ses opérations et n’inspirant point de respect, il est plus nuisible qu’utile. 

Je recommande à mon fils d’avoir soin de toutes les personnes qui m’étaient attachées, autant que les circonstances où il se trouvera lui en donneront les facultés, de songer que c’est une dette sacrée que j’ai contractée envers les enfants ou les parents de ceux qui ont péri pour moi, et ensuite de ceux qui sont malheureux pour moi. Je sais qu’il y a plusieurs personnes de celles qui m’étaient attachées, qui ne se sont pas conduites envers moi comme elles le devaient, et qui ont même montré de l’ingratitude, mais je leur pardonne, (souvent, dans les moment de troubles et d’effervescence, on n’est pas le maître de soi) et je prie mon fils, s’il en trouve l’occasion, de ne songer qu’à leur malheur.

Je voudrais pouvoir témoigner ici ma reconnaissance à ceux qui m’ont montré un véritable attachement et désintéressé. D’un côté si j’étais sensiblement touché de l’ingratitude et de la déloyauté de gens à qui je n’avais jamais témoigné que des bontés, à eux et à leurs parents ou amis, de l’autre, j’ai eu de la consolation à voir l’attachement et l’intérêt gratuit que beaucoup de personnes m’ont montrés. Je les prie d’en recevoir tous mes remerciements ; dans la situation où sont encore les choses, je craindrais de les compromettre si je parlais plus explicitement, mais je recommande spécialement à mon fils de chercher les occasions de pouvoir les reconnaître.

Je croirais calomnier cependant les sentiments de la Nation, si je ne recommandais ouvertement à mon fils MM de Chamilly et Hue, que leur véritable attachement pour moi avait portés à s’enfermer avec moi dans ce triste séjour, et qui ont pensé en être les malheureuses victimes. Je lui recommande aussi Cléry des soins duquel j’ai eu tout lieu de me louer depuis qu’il est avec moi. Comme c’est lui qui est resté avec moi jusqu’à la fin, je prie MM de la Commune de lui remettre mes hardes, mes livres, ma montre, ma bourse, et les autres petits effets qui ont été déposés au Conseil de la Commune. 

Je pardonne encore très volontiers à ceux qui me gardaient, les mauvais traitements et les gênes dont ils ont cru devoir user envers moi. J’ai trouvé quelques âmes sensibles et compatissantes, que celles-là jouissent dans leur coeur de la tranquillité que doit leur donner leur façon de penser. 

Je prie MM de Malesherbes, Tronchet et de Sèze, de recevoir ici tous mes remerciements et l’expression de ma sensibilité pour tous les soins et les peines qu’ils se sont donnés pour moi. 

Je finis en déclarant devant Dieu et prêt à paraître devant Lui, que je ne me reproche aucun des crimes qui sont avancés contre moi. »

                                                                                  Signé : LOUIS

Ce testament a été rédigé par Louis XVI le jour de Noel 1792.

Un premier testament avait été rédigé par le roi le 20 juin 1791 juste avant la fuite à Varennes ; un manuscrit de 16 pages dit « testament politique » où le roi exprime sa conception politique du moment en faveur d’une monarchie constitutionnelle.

Un autre document intitulé « Appel à la Nation » a été imprimé le 17 janvier 1793 puis disparu pendant 150 ans et republié en 1950 sous la préface de Louis Madelin et l’introduction de Jacques Isorni - à voir sur Gallica : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k41053m.r=.langFR -

Le roi Louis XVI sera guillotiné place de la Révolution le 21 janvier 1793 à 10 heures 22 ; il n’avait que 38 ans ; sur le trajet de la prison du Temple à la place de la Révolution, une tentative avortée d’enlèvement du condamné avait été organisé par le baron de Batz ; dans le quartier Bonne Nouvelle, aux environs de la rue de Cléry, le baron de Batz, soutien de la famille royale qui a financé la fuite à Varennes, a convoqué 300 royalistes pour tenter de faire évader le roi. Le roi devait être caché dans une maison appartenant au comte de Marsan, rue de Cléry. Le baron de Batz s'élance : « Avec moi, mes amis, pour sauver le roi ! ». À la suite de la dénonciation de ses compagnons, seuls quelques-uns ont pu venir. Trois sont tués, mais le baron de Batz réussit à s'échapper [].

Les conséquences de la condamnation et de la mort du Roi

Durant toute la Révolution française et surtout après le procès et la mort de Louis XVI, une partie de la noblesse prit le chemin de l'émigration et constitua une large part de l'armée des émigrés pendant que d'autres tentèrent de résister aux révolutionnaires aux côtés de mouvements de chouannerie sur le sol français. Déjà, La fuite et l'arrestation de Louis XVI à Varennes, le 21 juin 1791, provoqua une vague d'émigration. On constata qu'entre 1789 et le 10 août 1792, date de la prise des Tuileries, 30 000 personnes quittèrent le pays.

Le procès du roi est suivi de près par les grandes puissances étrangères, notamment la Grande-Bretagne (dont le premier ministre William Pitt le Jeune avait refusé d'intervenir en faveur du souverain déchu) et l'Espagne (qui fit savoir à la Convention qu'une condamnation à mort du roi remettrait en cause sa neutralité face aux événements de la Révolution).

L’exécution du Roi fait une impression profonde dans la population française et frappe de stupeur les souverains d'Europe[132] : elle est aussi un défi à l'Europe monarchique. La déclaration de guerre à la Grande-Bretagne et aux Provinces-Unies, le 1er février 1793, entraîne la formation de la première coalition des puissances européennes contre la France révolutionnaire ...

En conclusion, le procès de Louis XVI s'appuie principalement sur l'accusation de trahison envers la patrie. Les écrivains Paul et Pierrette Girault de Coursac ont enquêté sur le procès de Louis XVI pendant dix ans, ce procès s'est déroulé sans témoin, ni à charge, ni à décharge ; ils ont estimé que la faute des liens de Louis XVI avec l'étranger revient à un parti réactionnaire qui menait la « politique du pire » ; leur ouvrage de réhabilitation de Louis XVI (Enquête sur le procès du roi Louis XVI, Paris, 1982) affirme que l'armoire de fer contenant la correspondance secrète du roi avec les princes étrangers aurait été fabriquée de toute pièce par le révolutionnaire Roland pour accuser le roi.  

L'historien Jacques Godechot a vivement critiqué les méthodes et conclusions de cet ouvrage, estimant pour sa part que la condamnation de Louis XVI était inscrite d'office dans son procès, car le souverain déchu était traité comme un « ennemi à abattre » par les révolutionnaires .

La légalité du procès (et donc celle de la condamnation) a été remise en cause au début du XXe siècle, par le journaliste Maurice Talmeyr. Celui-ci a avancé le fait que certains députés ne remplissaient pas les conditions légales pour siéger à la Convention (certains étant de simples suppléants et n'ayant jamais été élu). Parmi ceux ayant voté la mort sans condition, dix-huit d'entre eux auraient été en situation d'illégalité, ce qui pour Talmeyr invalidait la sentence de mort (la majorité absolue n'étant pas atteinte) [].

Et Aujourd’hui, que peut-on encore dire :

-                     La séparation des pouvoirs consacrée par Montesquieu et par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789 n’a pas été respectée ; la Convention Nationale qui est un organe exécutif ne devait pas prendre en charge ce jugement, mais plutôt laisser cette fonction de justice à un organe judiciaire – voir les arguments de R . de Sèze sur l’incompétence de l’Assemblée -

-                     L’inviolabilité du Roi qui avait été consacrée par la constitution de 1791, n’a pas été respectée – voir les arguments de Defermon -

-                     Le jugement a été plutôt expéditif, réglé en deux semaines du 10 au 26 décembre 1792 ; R de Sèze averti de sa mission le 16 décembre, se met au travail le 21 et plaide le 26.

-                     Le jugement a été uniquement à charge, à aucun moment à décharge selon les règles actuelles de procédure d’instruction (article 81 al 1er du code de procédure pénale) ; l’assemblée manquait totalement de sérénité ; dans l’enceinte même de la Convention, l’atmosphère est agitée, comme le rapporte le Moniteur : tumulte, murmures, rires, insultes, interpellations et applaudissements des tribunes rythment les débats ; certains membres, notamment les girondins, faisaient l’objet de menaces ; Lanjuinais, représentant de la Plaine, s’insurge : « On paraît délibérer ici dans une Convention libre, mais c’est sous les poignards et les canons des factieux » ; il y régnait déjà la terreur, laquelle allait par la suite se radicaliser de juin 1793 jusqu’à thermidor an II (juillet 1794).

La reconstitution du procès a été proposée par TF1 en décembre 1988 ; l’émission « Au nom du peuple français » avait mis en scène le procès de Louis XVI selon une formule « modernisée » et pour conclure, les Français étaient appelés à voter  sur la culpabilité ou l’innocence du roi : résultat : 55 % des suffrages exprimés se prononcèrent pour son acquittement ...

Vérité en deçà d’une frontière, erreur au-delà ; vérité pour un siècle, erreur pour tous les autres…

                                                                                              YDF