La gestion forestière

aux abords des monuments historiques

 

I - Les règles générales de gestion forestière

Posséder une forêt implique des droits, tous ceux résultant du droit de propriété, mais il implique aussi et surtout, compte tenu de la qualité du bien, des devoirs.

Les forêts, bois et arbres ont été placés par la loi sous la sauvegarde de la Nation – article L112-1 du code forestier ou CF – Sont reconnus d’intérêt général … la protection et la mise en valeur des bois et forêts ainsi que le reboisement dans le cadre d’une gestion durable.

Les règles applicables se résument pour les propriétaires en un certain nombre d’obligations :

- l’obligation de contribuer par une gestion durable à l’équilibre biologique et la satisfaction des besoins en bois et autres produits forestiers – l’obligation de boisement, aménagement et entretien selon une sage gestion économique – article L112-2 du CF,

- l’obligation des travaux et coupes prévues au plan de gestion – article L312-4 du CF,

- l’obligation de lutter contre les incendies au moyen parfois de règles spéciales de gestion forestières – article L131-8 du CF,

- l’obligation de débroussaillement – articles L131-10 et svts, L134-5 et svts, R131-13 et svts du CF.

            L’obligation de gestion durable peut prendre différentes formes –article L 122-3 du CF - : plan simple de gestion, règlement-type de gestion, respect d’un code des bonnes pratiques sylvicoles, ou encore document d’aménagement, gestion déléguée à l’Office National des Forêts.

            Les coupes font l’objet de plusieurs réglementations précises ; dans le cadre de la gestion durable, elles sont acceptées mais surveillées ; autrement, elles doivent être autorisées – article L 124-5 du CF - .

Le Bourgneuf-la-Forêt - Château de Fresnay.jpg

Château de Fresnay à Bourgneuf la Forêt – Mayenne –

 

II – La problématique autour des Monuments Historiques

Les abords des monuments sont désormais régis par les articles L621-30 et suivants du code du patrimoine, provenant de la loi n°2016-925 du 7 juillet 2016 et du décret numéro 2017-456 du 29 mars 2017 ; comme condition essentielle, les abords doivent soit former un ensemble cohérent avec le monument, soit être susceptibles de contribuer à sa conservation ou à sa mise en valeur.

Les abords d’un monument peuvent représenter jusqu’à 78,54 hectares [1] ; une telle surface forestière n’est assurément pas négligeable [2] .   

Pour notre sujet, sur le plan juridique, nous sommes donc au croisement de deux législations et ainsi en présence de deux dispositions :

-                      L’article L621-32 du code du patrimoine pour lequel les travaux susceptibles de modifier l’aspect extérieur d’un immeuble bâti ou non bâti – un terrain – sont soumis à une autorisation préalable – préfectorale –

-                      Sous une section du CF dénommée « coordination des procédures administratives » : l’article L122-7 stipule que le propriétaire peut, lorsqu'il dispose d'un des documents de gestion durable indiqué plus haut, effectuer les opérations d'exploitation et les travaux qu'il comporte sans être soumis aux formalités prévues par les autres législations - dont celle des abords des monuments historiques [3] .

Un propriétaire de forêt doit porter son attention autant sur les lieux, en vue d’une exploitation soignée [4] , que sur son affiliation à une gestion durable ; une coupe réalisée, hors plan de gestion ou non conforme au plan ou conforme à un plan mais non approuvé par le service territorial de l’architecture et du patrimoine, pourrait recevoir une double peine.   

-                      Sur le plan sylvicole, l’intérêt paysager devient prioritaire par rapport à l’intérêt économique ; et pourtant un rendement minimum parait nécessaire, là peut-être plus qu’ailleurs, pour faire face aux charges du monument ; la promenade dans les allées étant une activité recherchée, l’exploitant doit être particulièrement attentif aux bordures des aires de circulation, aux lisières, aux endroits de vue en perspective sur le monument.

-                      Le respect de la composition historique des lieux : un monument exprime sa propre histoire, mais son environnement paysager également ; retrouver une gravure ou un plan ancien du domaine permet de maintenir le découpage d’origine du massif, en carreau ou en étoile ; retrouver des inventaires ou des factures de coupes permet de maintenir les essences d’autrefois  …

-                      Le choix d’une méthode sylvicole : la coupe rase est certainement la méthode à éviter, ici plus encore qu’ailleurs ; les plantations dites régulières, de même espèce d’arbre, réalisées dans le même temps [5] sont assez fréquentes mais elles se terminent malheureusement mal, au même moment, sur l’ensemble de la parcelle ; il ne faudrait pas non plus interrompre totalement l’exploitation sous prétexte que nous sommes dans un bel endroit [6] ; plus judicieusement, les parcelles boisées pourraient être traités en peuplement irrégulier ; l’exploitation se réalise par prélèvement ponctuel des gros bois et par régénération naturelle dans les clairières ; nous sommes ici en mode jardinage ; le but consiste à maintenir dans une même parcelle des arbres d’âge varié ; pour cela sont récoltés çà et là les arbres ayant atteint un diamètre recherché ainsi que les arbres dépérissant ; la méthode permet ainsi de contrôler une rotation régulière entre les semis, les petits bois, les bois moyens et les gros bois ; les niveaux de plantation sont aussi respectés avec un niveau de futaie, puis en sous-bois un niveau de taillis ou taillis sous futaie [7] et enfin au sol un niveau buissonnant ; les grumes sont destinées au bois d’œuvre ; le bois de feu ou bois-énergie est prélevé sur les houppiers des arbres abattus et sur les éclaircies du taillis ; la qualité de la parcelle pourrait être relevée par un alignement régulier d’arbres en bordure ; le parc de Versailles est ainsi traité, avec une rangée de tilleuls taillés autour de chaque massif.

-                      Le traitement des alignements d’arbres : les alignements font souvent partie de la beauté du site ; en feuillus, ils sont réalisés au moyen de chênes, hêtres, platanes ou tilleuls ; en résineux, nous les trouvons souvent en douglas ; le véritable problème survient quand l’alignement atteint la maturité et qu’il faut tout couper ; une méthode douce existe à la condition de s’y prendre au moins vingt ans à l’avance, en coupant par tiers tous les dix ans [8] .

-                      Le choix des essences : les essences historiques et locales sont évidemment conseillées, mais il faut tenir compte aujourd’hui des risques liés aux changements climatiques [9] ; les feuillus se développent généralement en plaine et les résineux en montagne ; l’exploitation irrégulière se réalise avec deux ou trois espèces dominantes compatibles, plus deux ou trois autres secondaires ; seuls les arbres des parcs peuvent avoir une plus grande diversité, avec une touche d’exotisme.

-                      Le traitement du parc : celui-ci se réalise pièce par pièce, à l’unité ; le choix des espèces peut être vaste ; l’esthétique devient le but unique, l’on essaye à chaque endroit de créer une sorte de « tableau de paysage » ; ici, les travaux forestiers, outre la taille et l’élagage, se limitent uniquement à des coupes sanitaires ; pour le reste, le forestier laisse la place au paysagiste…

Au final, les abords des monuments font l’objet d’une convergence d’attentions et de surveillances d’une bonne partie de la société, en ce compris de la part des gestionnaires forestiers, pour l’agrément du regard de tous, pour le respect des lieux.

Y D F

 

Le lien entre château et forêt sera l'argument fort de cette candidature -

A Fontainebleau, le château et la forêt sont étroitement liés ; ils s’unissent pour solliciter une inscription Unesco



[1]  Surface = πxRxR où R= 500 mètres.

[2]  Cette surface représente trois fois la surface minimale pour l’établissement d’un plan de gestion forestière.

[3]  Les autres législations concernées sont énumérées à l’article suivant L122-8 du CF.

  Deux conditions tout de même pour cette dispense :

  1° Le document de gestion est conforme aux dispositions spécifiques arrêtées conjointement par l'autorité administrative chargée des forêts et l'autorité administrative compétente au titre de l'une de ces législations, et portées en annexe des directives ou schémas régionaux concernant la forêt,

 2° Le document de gestion a recueilli, avant son approbation ou son agrément, l'accord explicite de l'autorité administrative compétente au titre de ces législations.

[4]  Avec la remise en état des chemins, le nettoyage des coupes de rémanents et branchages, le traitement des chablis …

[5]  Plantations mono-spécifiques et équiennes.

[6]  Ce qui est souvent le cas dans les espaces boisés classés ou E.B.C. des articles L113-1 et svts du code de l’urbanisme.

[7]  Dénommés plus volontiers taillis avec réserve.

[8]  Les préconisations habituelles sont : anticiper de 20 ans la coupe de l’alignement sur un tiers de sa longueur, dans la partie la plus éloignée du monument ; puis 10 ans plus tard dans le tiers central, enfin le dernier tiers le plus proche à sa maturité.

[9]  Le hêtre est un arbre sensible à la déshydratation.