Jacques Defermon en mission

sur les côtes de Bretagne et de la Manche

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-          De l’Orient à Dunkerque – de janvier à mai 1793 -

 

Jacques Defermon (1752-1831) au cours de sa brillante carrière procéda, avec deux de ses collègues de la Convention Nationale, à une mission de surveillance sur les côtes de Bretagne et de la Manche ; à Paris, la période politique était très tendue, située entre le procès du Roi Louis XVI et la proscription avec arrestation de tous les Girondins …

Le procès du Roi Louis XVI

Jacques Defermon [1] est président de la Convention Nationale du 13 au 27 décembre 1792, élu par 258 voix. À ce titre, il dirige les premiers débats du procès de Louis XVI ;  les Montagnards lui reprochent d'être trop favorable à l’accusé . « La Montagne bondit de ses travées pour arracher de son fauteuil le président qu’elle accuse de partialité ; Defermon, assez digne, se justifie ; le tumulte s’apaise enfin... » … Defermon est l’un des adversaires les plus résolus de Marat qui le détestait ; ce dernier ira jusqu'à le qualifier de charlatan : « Ne voyez-vous pas que c’est la partialité en personne que ce président-là ! il nous a fait cinquante tours de charlatan aujourd’hui ! »… ; lors de la séance du 25 décembre, Robespierre dit le Jeune intervient : « le président Defermon s’étant inscrit pour le ci-devant Roi, je demande qu’il ne préside pas la séance de demain ! » ; en fin de séance, le député Lacoste récidive en avançant précipitamment au milieu de la salle :  « On vient de me dire que les défenseurs de Louis Capet sont allés chez Defermon et qu’ils y sont restés pendant trois heures ; si cela est exact, je demande que Defermon ne préside pas demain … »

Le lendemain, Defermon demanda au roi s’il reconnaissait les trousseaux de clefs des Tuileries, et Louis XVI ne les reconnût pas ; à un moment du procès, il lui proposa un siège … Opposé à la condamnation à mort de l'ancien souverain, il vote pour l'appel au peuple, pour l'emprisonnement et le bannissement à la paix, et enfin en faveur du sursis.

Dans ses mémoires, Jacques Defermon écrivit à ce sujet : «La demande du jugement du roi fut un nouveau brandon de discorde jeté dans l’assemblée. Ce n’était pas la mort de Louis XVI qui pouvait détruire la royauté en France. Le trône ne resterait pas sans prétendant et ceux qui croyaient à la faction d’Orléans craignaient de lui en ouvrir le chemin . L’existence de Louis XVI ne ferait pas obstacle à l’établissement de la République si l’opinion nationale consacrait cet établissement ; l’inviolabilité du roi, consacrée par la constitution de 1791 devait lui servir de sauvegarde. Les révolutionnaires d’Angleterre fournissaient un exemple de l’erreur de croire qu’on a détruit la royauté en faisant périr le roi. Mais la raison ne pouvait pas se faire entendre. Les dominateurs de Paris voulaient lier de plus en plus l’assemblée à leur sort ; ils réussirent. Et ce ne fut encore que par la terreur qu’ils entrainèrent la majorité dans leur opinion. »

« Mes votes dans le jugement furent aussi indépendants que ma conduite dans les débats, et comme je ne croyais point qu’on pût priver Louis XVI de l’inviolabilité que lui garantissait la constitution, acceptée par le peuple, je votai en sa faveur sur les trois questions de la mort, de l’appel au peuple et du sursis. La majorité des députés, effrayée par les menaces et dominée par le peur, porta le jugement de condamnation et Louis XVI fut exécuté le 21 janvier 1793. »

Si j’étais obligé de donner mon suffrage comme juge, je répondrais : « Ouvrez le Code Pénal, il prononce la mort. Mais comme homme, je ne pense pas qu’un homme ait le droit de retirer la vie à son semblable. Comme législateur, je ne voterai jamais la peine de mort : en conséquence, je vote pour la réclusion jusqu’à la paix, et le bannissement ensuite. »

Cela n’était point pour plaire à la Montagne qui le fit voir six mois plus tard … En attendant, Defermon fut envoyé par la Convention en mission à Brest …

Les relations extérieures de la France

Depuis avril 1792, la France était en guerre contre l'Autriche, la Prusse et le Piémont-Sardaigne. Le 2 janvier 1793, les forts républicains de Brest ouvrirent le feu sur le brick britannique HMS Childers[ ]. Peu après, les relations diplomatiques entre la France et le Royaume-Uni furent rompues aussitôt l'exécution du roi Louis XVI puis de la reine Marie-Antoinette. Le 1er février 1793, la France déclara la guerre au Royaume-Uni, aux Provinces-Unies, à l'Espagne [2] et à plusieurs États italiens.[]

De septembre à décembre 1793, la nouvelle République assiège Toulon tenu par les autres nations et par les émigrés – Les combats allaient ouvrir la carrière d’un jeune caporal Bonaparte …

Plus tard, fin mai 1794, aura lieu la bataille d’Ouessant entre les marines anglaises et françaises.

 

L’institution des représentants en mission

La période majeure de ces missions se situa entre mars 1793 et mai 1794 ; il fallait combler le vide entre le gouvernement et les départements de la province, du à la suppression des intendants, également avec les armées de la République ; la mission de Defermon constituait l’une des premières, d’ailleurs non répertoriée dans les travaux du CTHS ; on a parlé parfois pour celle-ci d’une mission extraordinaire, sans doute compte tenu du nombre de départements visités .

Au début, les nominations venaient du Comité de Salut Public, puis ce fut la Convention elle-même qui envoya en mission ; à partir de Floréal an III, cette dernière restreignit les pouvoirs des représentants aux armées, concernant la nomination des emplois militaires, par suite sans doute de conflit d’autorité, et à un moment où survenait l’insurrection fédéraliste … les représentants dans les départements, quant à eux, étaient chargés surtout de sévir contre les républicains démocrates, appelés indistinctement terroristes …

Ces représentants, sortes de préfets ambulants, appelés aussi intendants ou proconsuls, n’allaient être missionnés que pour des objectifs spéciaux, par exemple épurer les administrations suspectes. La durée des missions avait été limitée, à 6 mois pour les missions aux armées, et 3 mois pour les missions dans les départements … Ici la mission dura trois mois et demi car en partie retardée par le soulèvement vendéen de mars 1793 …

Les représentants rappelés ne pouvaient être renvoyés en mission qu’après un délai de trois mois. Il fallait éviter les prépondérances personnelles ; les missions firent parfois régner la Terreur Blanche, notamment dans le sud-ouest …

Par la suite, avec l’installation d’agents nationaux, le Comité de Salut Public renonçait à administrer la France par l’envoi de députés conventionnels ; la période tira à sa fin au moment de la chute de Robespierre. 

 

La mission Rochegude-Defermon-Prieur

La mission demandée par la Convention à trois de ses membres était ici d’assurer, d’organiser la défense des côtes, de prévenir une attaque des flottes anglaises. Elle résulte de la loi du  13 janvier 1793 ainsi que de deux décrets des 13 et 22 janvier 1793. On parle d’une mission dans les départements maritimes, de Lorient à Dunkerque, sachant que trois autres conventionnels MM. Niou, Mazade et Treilhard étaient chargés de parcourir la ligne de Lorient à Bayonne – par la suite Letourneur et Top Sent opérèrent en Méditerranée - . Il s’agissait d’y accélérer les préparatifs de défense et encourager les armements, d’y organiser des bataillons de volontaires, de fournir la République d’armes et de munitions … et aussi d’accompagner la levée de 300 000 hommes …

On cite comme autres motifs : l’organisation matérielle des armées, la régulation des approvisionnements, l’épuration des autorités locales après la crise fédéraliste … Faire appliquer, au-delà des lois ordinaires, les décisions de l’Assemblée et des Comités avec par la suite le décret d’organisation du gouvernement révolutionnaire du 14 frimaire an II.

Les commissionnaires reçoivent des pouvoirs supérieurs aux autorités locales, presque illimités pour l’exercice des fonctions qui leur étaient déléguées ; ils sont égaux entre eux ; l’escorte est minime, quelques secrétaires [3] mais aucun homme d’armes ; ils adressent tous les jours au Comité de Salut public le journal de leurs opérations et envoient tous les mois un rapport à la Convention ; cette dernière au moyen d’une lettre prévient de leur passage ; ils étaient habillés d’un costume particulier. Ils furent reçus parfois avec les plus grands honneurs :  à Brest, les officiers municipaux vinrent à leur encontre jusqu’à Landerneau, et aux portes de Brest, où tous les corps constitués, la garde nationale et les troupes de la garnison les attendaient, 23 coups de canon annoncèrent leur arrivée.

 

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Les membres de la mission :

Henri de Paschal marquis de Rochegude (1741-1834) : originaire du Tarn, officier de Marine,  ancien capitaine de vaisseau, contre-amiral, il s’occupa des affaires maritimes ; il vota la détention du Roi et non pas sa mort.

Jacques Defermon (1752-1831) : prénommé aussi parfois Joseph, ancien procureur au parlement de Rennes, il parlait breton ; ce point certainement eut la préférence sur le principe de ne pas envoyer de représentant dans sa propre région d’origine ; il s’occupa des questions de l’administration civile ; il accepta la mission du fait, dira-t-il, de sa santé altérée par l’excès de travail et des veilles … et plus encore par les chagrins que lui donnait la perspective de l’avenir … 

Claude Antoine Prieur-Duvernois dit de la Côte d’Or (1763-1832) : ancien capitaine du Génie, il s’occupa des affaires politiques et relevant du Génie ; il était de la Montagne et vota la mort du Roi.

Leur âge respectif au moment de la mission : 51 ans, 40 ans et 29 ans ; c’est souvent dans cet ordre qu’ils seront cités.

Rochegude et Defermon ne recevront plus aucune mission par la suite car ils étaient modérés, des girondins, donc suspects ; Prieur, lui, continuera à inspecter les côtes de Cherbourg, l’armée de l’Ouest, puis le Nord et le Pas de Calais. Lors de l’une de ses missions, il sera retenu en otage pendant 50 jours au château de Caen …

 

Illustration.

Jacques Defermon (1752-1831)

Les différentes étapes de la mission

La mission débute dans la seconde quinzaine de janvier 1793 ; le premier compte-rendu est du 22 janvier ; Defermon dit avoir quitté Paris les derniers jours de janvier ; le 26 janvier d’après certains, au lendemain de la mort de Louis XVI [4] d’après d’autres, en réalité dès le 16 janvier, soit le lendemain du vote régicide, ainsi déclaré dans le compte rendu de mission …

La durée : on parlait de deux à trois mois, en réalité il y eut trois mois et demi ; le soulèvement de la chouannerie pendant cette période dut certainement retarder quelque peu la mission …

Le calendrier républicain avait débuté peu de temps auparavant, le 22 septembre 1792, appelé 1er vendémiaire de l’an I, jour de proclamation de la République. Malgré cela, le trajet, les notes et les lettres sont indiqués avec les dates du calendrier grégorien, en y ajoutant l’an 2 de la République.

-        Rennes du 27 janvier au xx

-        Lorient et Port-Louis du 4 au 8 février ; départ dans la nuit du 8 ; Quimperlé puis Quimper le 9 février

-        Brest du 9 février à la mi-mars ; du 7 février au 8 mars ; le 13 mars

-   Saint-Pol de Léon les 15, 16 et 17 mars, Morlaix le 18 mars, Saint-Brieuc le 20 mars, Dinan le 22 mars,

-   Saint-Malo du 25 mars au 1er avril ; le fort de Châteauneuf-d’Ille et Vilaine le xx

-   Granville le xx ?

-   Cherbourg le 7  au 9 ? avril, le 13, le 17 avril

-   Honfleur le xx

-   Le Havre de Grâce le xx

-   Dieppe le 1er mai

-   Abbeville les 2 et 4 mai

-   Boulogne ? Calais ? Gravelines ? Dunkerque ? le xx mai 1793 ? (du 5 au 9 mai ?)

Le retour à Paris a lieu le 10 ou le 11 mai

Les commissaires passèrent donc, comme ils le dirent eux-mêmes, dans onze départements maritimes, par là même dans plusieurs divisions militaires, la 13è allant de l’Orient à la rivière de Couesnon - donc la Bretagne en grande partie avec Rennes - , la 14ème avec Cherbourg-Caen, la 15ème avec Le Havre-Dieppe-Rouen, la 16ème avec le Pas de Calais et Arras et puis la 1ère division avec Dunkerque-Lille …

Mais rien sur Caen, rien sur Fécamp …

Le soulèvement vendéen de mars 1793

L'attachement à l'Ancien Régime — et à la royauté — ne sera pas le facteur déclencheur des premières émeutes, ni même l'émigration des nobles ou encore la mort du roi en janvier 1793. L’insurrection éclate véritablement en mars 1793, quand la Convention, le 23 février, ordonne une levée de 300 000 hommes « pour faire face à la baisse subite des effectifs des armées de la République due aux pertes, aux désertions mais surtout aux départs massifs des volontaires, levés l'année précédente pour la durée d'une campagne et qui, l'ennemi ayant été ramené aux frontières et même au-delà, estimaient pouvoir rentrer chez eux »

Au nord de la Loire, les insurgés bretons sont écrasés par le lieutenant-général futur général Jean Baptiste de Canclaux à l'extrême ouest – bataille de Kerguidu - , par le colonel futur général Jean-Michel Beysser entre Rennes et Nantes ; l'agitation ne reprendra qu'avec la bataille de Nantes du 29 juin 1793, sous la forme de ce qu’on appellera « La Chouannerie ».

Au sud de la Loire, les envoyés en mission de la Convention sont alarmés par le spectacle des soulèvements, qu'ils dramatisent, accusant les autorités locales, souvent modérées, de complicité, et réclament de Paris des mesures énergiques ; considérant que la Contre-révolution est partout à l'œuvre, organisant des complots, et que les soulèvements forment un ensemble organisé, la « Vendée militaire » devient le symbole de cette Contre-révolution.

Nos envoyés rencontrent ces évènements en cours de mission, à leur départ de Brest ; ils relatent l’évènement dans leur rapport de fin de mission, de la façon suivante :

 « Au moment où nous quittions Brest, il se manifesta des soulèvements dans plusieurs communes des départements du Finistère, des Côtes-du-Nord et d'Ille & Vilaine. Leur prétexte était la loi du contingent des 300 mille hommes demandés pour les armées; mais la cause plus réelle était due à la mauvaise disposition d'une partie des habitants, et surtout au complot de la Rouërie qui venait récemment d'éclater dans ce pays. Nous nous transportâmes dans les lieux les plus inquiétants, et il fut nécessaire d'ordonner des mesures répressives, mais en conciliant la prudence avec l’énergie. Entr’autres dispositions, les circonstances nous amenèrent en plusieurs endroits à prescrire aux citoyens de monter leur garde eux-mêmes, sous peine d'une amende pécuniaire, qui dans aucun cas ne pourrait s'élever à plus de cent livres. Ailleurs, ayant formé quelques détachements de troupes et de gardes nationales pour ramener le bon ordre et obtenir l’exécution de la loi dans quelques communes, nous statuâmes que celles qui nécessiteraient l’emploi de ces moyens, seraient tenues de payer, en outre de la dépense de ces détachements, 15 sols par homme pendant chacun des jours qu'ils auraient restés sur leur territoire. Ces taxes, comme l'on voit, ne ressemblent guères celles que l'on a depuis appelées révolutionnaires. Au reste, ici il s'agissait d'étouffer dans son origine une guerre civile qui fût devenue bien funeste en se prolongeant. Notre mission nous appelant ailleurs, nous ne pouvions pas suivre l'exécution de nos propres arrêtés ; nous avons seulement été informés depuis, que la tranquillité avait été bientôt rétablie, et il ne nous est parvenu aucunes plaintes sur les moyens employés. »  [

En fait, le calme ne sera rétabli que temporairement …Le soulèvement reprendra en juin à Nantes (voir la bataille de Nantes du 29 juin 1793) et en novembre à Dol (voir la bataille de Dol des 20-22 novembre 1793).

Les mesures prises, les arrêtés

Nos représentants trouvaient qu’il y avait beaucoup à faire encore (Henri Wallon)

Il fallut prendre des mesures individuelles à chaque endroit de passage, mais aussi des mesures plus générales, par exemple contre le soulèvement vendéen :

-        celle d’arrêter tous les sacristains et sonneurs de cloches comme suspect d’avoir volontairement procuré ou facilité l’entrée des églises ou chapelles et d’avoir ainsi participé à l’abus criminel qui a été fait du son des cloches [5]

-        Autre arrêté - du 27 avril – devançant de cinq mois la loi des suspects – Sont réputés gens suspects les pères, mères, frères, sœurs et enfants des émigrés, des officiers de l’armée du traître Dumouriez, les religieuses non volontairement sorties de leurs couvents et les domestiques des prêtres déportés.

D’autres mesures furent prises contre les résistances au recrutement, le 20 mai 1793 ?.

 

Les arrêtés au nombre de 80 environ sont numérotés au fur et à mesure de leur rédaction.

 

Nous avons les arrêtés suivants :

-          Un arrêté en date à l’Orient du 7 février 1793

-          Un arrêté en date à Brest du 5 mars 1793

-          Neuf arrêtés à Abbeville du 4 mai 1793

 

Les archives Prieur comprennent :

-Lettres et rapports adressés de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) concernant les localités de Saint-

Malo, Saint-Pol-de-Léon (Finistère), Morlaix (Finistère), Saint-Brieuc (Côtes-d'Armor), Dinan (Côtes-d'Armor) et les directoires des départements d'Ile-et-Vilaine, Côtes-du-Nord, Manche et les îles Anglo-Normandes. 52 pièces. 15-31 mars 1793.

-Lettres et rapports adressés de Cherbourg (Manche), concernant des localités de la Manche,

du Calvados et d'Ille-et-Vilaine (Granville, Dol, Pontorson, Cherbourg, Carentan, Bayeux, La Hougue, et Honfleur). 52 pièces. 4-18 avril 1793. P. j. : rapport signé Peyronet, directeur des Ponts-et-Chaussées, et de Chézy, Honfleur, 1785.

-Lettres et rapports adressés de Honfleur (Calvados), du Havre et de Dieppe (Seine-Maritime), concernant des localités de la Somme et de Seine-Maritime (Caudebec, Rouen, Abbeville, Saint-Valéry et Eu). 43 pièces. 21 avril-5 mai 1793.

 

Les préoccupations de la mission :

A Rennes, on réclame un établissement d’artillerie ; on analyse la fonte des cloches pour la fabrication de canons par un artisan fondeur de Rennes ;

A Lorient et Port-Louis ou Port de la Liberté, on se préoccupe de la défense, avec la construction d’une palissade pour prévenir les attaques du port ; réunion des syndics des gens de mer de plusieurs communes pour donner des instructions sur la République aux marins ; il y a dans le port deux navires corsaires privés en cours de construction ; le commissaire ordonnateur de la Marine est prié de mettre des munitions et armes à leur disposition pour pouvoir partir ; le port comporte 6 vaisseaux de 74 et 5 frégates plus 2 navires en construction, mais il manque du cuivre pour les clous notamment ;

Les commissaires bien accueillis sont aidés par la société populaire de Lorient dont plusieurs membres acceptent d’aller haranguer les marins dans le port.

Il fallait régler un problème d’animosité existant entre le bataillon de Guyane – destiné à l’ïle de Ré et finalement maintenu à Lorient – et celui de Port au Prince à qui on voulait l’incorporer ;

Des troupes sont enfin envoyées à Belle-Ïle, sous la protection de la frégate La Sémillante et de l’aviso L’Eveillé qui reviendront à Lorient ensuite ;

Par la suite, les commissaires traitent des problèmes individuels …

Ils notent que l’esprit public est déplorable dans les campagnes …

 

A Quimperlé, il fallait régler une réclamation de la ville qu’on allait dégarnir et qui veut une garnison pour sa sécurité ;

A Quimper, Defermon constate le tableau affligeant de l’état du 3ème bataillon de volontaires du département de Loire et Cher à Quimper – 13 février - ; il donne ordre de réquisitionner les matériaux indispensables, trouvés notamment dans les maisons des émigrés et dans les communautés religieuses pour l’hôpital de Quimper qui est dans un état lamentable – 17 février - ; réquisition de linge pour l’hôpital de Quimper et appels aux citoyennes de la ville pour fabriquer chemises, coiffes et bonnets – 22 février - …

A Brest, les commissionnaires demandent un plan général d’opération – le 18 février – ; constatent la nécessité d’un plan général pour l’utilisation des forces maritimes afin d’éviter les ordres et contre-ordres successifs et prévenir l’indiscipline des marins inactifs – 18 février - ; reçoivent le rapport de Bruys, commandant La Sémillante – le 20 février - ;  préparent l'organisation et la mise en activité des équipages et des vaisseaux, qui, sous les ordres de Morard de Galle , reçurent mission de se rendre dans les eaux de Belle-Ile pour croiser en vue de la Vendée et du Morbihan , afin d'empêcher tout débarquement de l'ennemi ; se préoccupent de l’état des fortifications du port – 11 mars - ; de la défense des côtes de Brest – 11 mars - ;

Les mesures individuelles portent sur des destitutions de postes et puis des nominations

A Saint-Pol, les commissaires s’inquiètent de la présence de 40 ex-religieuses qui quoique disgroupées dans diverses maisons formaient cependant un foyer très actif de fanatisme et d’incivisme …

A Saint-Malo, les commissionnaires s’inquiètent auprès du Comité de Salut Public concernant les fatales conséquences de la Constitution Civile du Clergé – lettre du 1er avril -  voir Kerviler – ils écrivent à la Convention qu'ils appuient la demande de construction d'une digue pour protéger le port de Saint-Malo dont le coût se monterait à 690 000 livres.

A Chateauneuf, on se préoccupe de la mise en état des fortifications

A Granville : également les fortifications

A Cherbourg, le 7 avril 1793 : Séance du club cherbourgeois à laquelle assistent nos trois représentants en mission, accompagnés du général Wimpfen, commandant de l’armée des Côtes de Cherbourg. Le 9 avril 1793, les commissaires de la Convention sont installés. Ils sont envoyés auprès des 11 armées de la République (4 à l’armée des côtes de Cherbourg). Ils se concertent avec les généraux pour les nominations, surveillent les fournitures et la conduite des officiers, accélèrent l’armement et l’équipement.

Nos trois représentants appuient auprès du Comité de salut public les demandes du général Wimpfen, notamment celles d'une force de 6000 à 8000 hommes, car une grande partie de la Manche et du Calvados n'est pas défendue (2 pièces).
Un arrêté de nos trois représentants organisant la défense des côtes de la 14e Division ; fixation des travaux, officiers et troupes nécessaires pour le fort de Roche-Gautier, Granville, Cherbourg, La Hougue, Saint-Vaast et l'île de Tatihou (sur 7 pages).

 

Au Havre, on règle un conflit de construction de navires entre Le Havre et Honfleur,

Un arrêté de nos trois représentants sur le service de défense des côtes (imprimé sur 8 pages).

Un arrêté de nos trois représentants organisant la défense de Dieppe, avec réquisition de gardes nationaux soldés et inventaire des travaux à réaliser (sur 5 pages).

 

A Dieppe et Abbeville : on prend plusieurs arrêtés (7) sur l'équipement des volontaires de Normandie, l'hôpital de Dieppe, les comités de surveillance de Dieppe et du Havre, la création d'une fonderie de canons en Seine-Inférieure et le recrutement de cavalerie

(plaquette 2236, pièces 6-15, vues 1-17) voir archives de Vendée AN AF II 265A 24 .

A Boulogne, Calais, Gravelines et enfin Dunkerque ?,

Ici peu d’information ; aucune archive publique ;  il ne reste que peu de jours, du 5 au 9 mai ? Peut-être y avait-il urgence de rentrer à Paris !

 

 

Les lettres des commissaires adressées à la Convention Nationale

Ces lettres sont rendus nécessaires par le décret du 22 janvier 1793 ; les commissaires sont autorisés à faire toutes réquisitions, ordonner provisoirement toutes destitutions, remplacements ou arrestations mais à charge de prévenir de suite la Convention ; ces lettres y sont lues en séance et figurent dans les comptes rendus de ces séances :

Lettre à Lorient du 4 février 1793, lue à la Convention lors de sa séance du 12 février

Lettre à Lorient du 8 février lue à la séance du 17 février

Lettre à xx du xx lue à la séance du 18 mars

Lettre à Brest du 13 mars lue à la séance du 18 mars

Lettre à Saint Pol de Léon du 15 mars lue à la séance du 22 mars

Lettre à Saint-Brieuc du 20 mars lue à la séance du 26 mars

Lettre à Saint-Malo du 1er avril lue à la séance du 8 avril

Lettre à Saint-Malo du 1er avril, lue à la séance du 9 avril

Lettre à Saint-Malo du 1er avril, lue à la séance du 9 avril

Lettre à Saint-Malo du 1er avril, lue à la séance du x avril

Lettre à Cherbourg du 13 avril lue à la séance du 18 avril

Lettre à Cherbourg du 17 avril lue à la séance du 21 avril

Lettre à Abbeville du 4 mai : envoi à la Convention de sept arrêtés des 1er et 2 mai

 

Après le 21 avril, plus rien ne figure dans les comptes-rendus de la Convention ; nous avons le sentiment que la fin de mission se fait en raccourci soit dans le traitement administratif, soit dans le travail de nos commissaires ; peut-être fallait-il rentrer rapidement à Paris ; Defermon ne sera plus là pour signer le rapport de fin de mission …

 

Des lettres sont également envoyées au Comité de Salut Public :

 

Les comptes rendus de mission :

Le premier compte-rendu est daté du 22 janvier – non consulté -

 

Les suivants seront périodiques, un par mois semble-t-il, en principe, - non consultés -

 

Le rapport de fin de mission a été ainsi libellé :

« Peu avant de déclarer la guerre l'Angleterre et à l'Espagne, la Convention nationale avait senti qu'il était nécessaire de faire connaître à nos braves marins la cause et l'objet des hostilités dont la République était menacée, il fallait aussi faire le dénombrement des hommes capables de servir la République dans l'armée navale, recevoir les engagements volontaires de ceux qui s'y dévoueraient les premiers, et leur annoncer le traitement qui leur serait accordé ainsi que les secours promis à leurs femmes et à leurs enfants ; enfin il n'y avait pas un moment à perdre pour mettre les côtes et les places maritimes dans un état respectable de défense, en même temps que l'on activerait les travaux des ports et des arsenaux pour en tirer promptement des moyens de guerre formidables.

Telle était la tâche difficile qui nous fut donnée à remplir dans les onze départements qui bordent la mer depuis l'Orient jusqu'à Dunkerque. »

« Les opérations qu'il y avait à faire dans chacun des syndicats de marins de ce vaste pays ; nos séjours plus ou moins prolongés dans les principaux ports, tels que l'Orient, Brest, Saint-Malo, Cherbourg, le Havre-de-Grâce tant pour y régler le service maritime, que pour la mise en état des fortifications de ces places et de quelques autres, qui depuis ont été bien utiles, notamment le fort de Château- Neuf et Granville ; les points importants de la côte qu'il falloir visiter ; l'obligation de la garantir dans toute son étendue , par des batteries et des signaux, par les hommes nécessaires à leurs manœuvres', ou pour accourir en cas d'alarme, et par les approvisionnements de toute espèce qui devenaient indispensables à ce service ; l'organisation complète à donner à tous ces moyens de défense que l'on ne crée que pour le temps de guerre seulement; en un mot, l'énorme travail qu’exigeait la sûreté extérieure et intérieure de cette partie des frontières de la France, occasionnèrent, comme on le concevra sans peine, des bureaux proportionnés, des courses multipliées et des rapports continuels avec les corps administratifs, les généraux de terre et de mer, les agents ou fonctionnaires publics de toutes les sortes, et un grand nombre de citoyens. »

« Il nous fallut 104 jours pour remplir les divers objets de notre mission, étant partis de Paris le 26 janvier et n'y étant rentrés que le 10 mai suivant. Notre course fût de 547 lieues de poste, sans compter les voyages accessoires. Enfin nous étions accompagnés, dans tout ce trajet, par deux secrétaires, un courrier et un domestique formant avec les trois représentants du peuple, sept personnes. »

« Voici le relevé de recette et dépense que nous remîmes, à notre retour, aux inspecteurs du palais national ;  les pièces détaillées qui l’établissent sont restées en nos mains. Recettes : 17 000 livres, dépenses : 15773,14 L. »

« Nous rendîmes a la trésorerie nationale les 1226,6 L formant l'excédent de notre recette sur nos déboursés. »

Signé - seulement de - Rochegude et C A Prieur

 

En complément, les représentants avaient pris soin d’ajouter à ce rapport final, un compte-rendu du soulèvement vendéen de mars 1793 alors qu’ils quittaient Brest pour Saint-Pol – voir plus haut - .

 

Le texte d’ensemble sera transcrit et publié par l’Imprimerie Nationale en exécution d’un décret du 21 nivôse an 3.

 

Le retour à la Convention

A son retour, Defermon fut étrangement surpris et cruellement affligé en voyant l’état dans lequel il trouva les choses : «Comment, dit-il à Vergniaud, avez-vous pu laisser composer le Comité de Salut Public comme il est ? » « C’est, dit Vergniaud, pour perdre dans l’opinion publique ces hommes ambitieux et incapables. Ils ne manqueront pas de faire tant de sottises qu’on sera forcé de revenir à nous, et alors, nous pourrons faire tout le bien que nous désirons. » Defermon écrira plus tard dans ses mémoires : « Je ne lui cachai pas que je ne partageai point son opinion, que l’histoire nous apprenait combien il était dangereux de laisser envahir le pouvoir par des ambitieux, et que ceux-ci avaient déjà participé plus ou moins aux massacres de septembre ; que les passions des hommes étaient toujours les mêmes, et la douceur des mœurs françaises n’était pas une plus sûre garantie pour l’avenir qu’elle ne l’avait été à l’époque de septembre. »

Lors de la séance de la Convention du lundi 20 mai 1793, au cours de laquelle on cherche à remettre de l’ordre dans l’Assemblée, Defermon prend la parole, suite à une intervention de Barère, de la façon suivante [6] :

 « Citoyens, lorsqu'un membre est hué à la tribune pour ses opinions, qu'il y est insulté, outragé, je crois qu'il faut prendre des mesures répressives. Et moi aussi, j'ai voté l'appel au peuple dans le jugement du tyran, mais que peut-on nous reprocher à cet égard ? Lorsque nous avons amendé nos diverses opinions, n'étions-nous pas convaincus que Louis Capet était coupable. C'est à tort qu'on nous accuse d'avoir voulu le sauver. Si nous l'avions voulu, n'aurions-nous pas pris d'autres mesures?
Citoyens, je viens combattre la proposition de Barère. L'on vous a proposé de créer des censeurs, mais la force seule peut agir contre les scélérats. Je vous demande, moi, que vous décrétiez que chaque section fournira 100 hommes pour faire respecter les représentants, pour mettre la police dans les tribunes et en faire sortir tous les perturbateurs et ces 100 hommes seront commandés par un d'entre eux qu'ils choisiront… »

Les évènements se précipitent : la proscription et la fuite [7]

Lors des séances de la Convention des 31 mai [8] et 2 juin, on fit décréter d’arrestation les principaux membres de l’assemblée qui lui avaient été dénoncés par la Commune de Paris. Defermon ne figurait pas dans cette liste, du moins pas encore …

73 députés dont lui signèrent les 6 et 19 juin 1793 une protestation contre les violences exercées sur l’Assemblée ; celle-ci conduisit à l’arrestation des députés girondins qui avaient été mis à résidence dès le 31 mai ; il demanda leur mise en liberté ; une lettre publique adressée à ses concitoyens le 28 juin 1793 au sujet d’un nouveau projet de constitution sera le prétexte de son accusation ; cette lettre fut dénoncée à l’Assemblée qui ajouta donc son nom à la liste des proscrits ; de plus Levasseur l’accusa d’avoir correspondu avec les députés appelés alors fédéralistes, réfugiés dans le Calvados.

Voir aussi une lettre du 2 juillet 1793

Il sera rayé de la liste des membres de la Convention, déclaré traitre à la Patrie, et mis hors la loi par décret du 28 juillet, au motif qu’il se serait soustrait au décret du 2 juin - alors qu’en réalité, il n’avait pas été visé par ce décret - [9]

Ce fut ensuite la fuite qui dura plus d’un an, d’abord à Marcillé-Robert auprès de Jean Baptiste Mancel de la Gaillardière par l’entremise de l’abbé Lancelot du Bourg, curé de Retiers,  puis vers décembre 1793 chez un beau-frère Nouvel des Gréesbriant au château de Trécesson près de Campénéac [10] . Lanjuinais l’avait précédé de quelques jours dans sa fuite jusqu’à Rennes. Vergniaud de son côté refusa de s’enfuir, il lui en couta la vie [11]

 

Yves Duboys Fresney

 

PS : Jacques Defermon, malgré ses intransigeances, aura toujours une attention particulière pour la Bretagne dont il a été le représentant, d’abord en Loire Inférieure, son département d’origine, puis en Ille et Vilaine comprenant la ville de Rennes où il débute sa carrière d’avocat puis de procureur. Quand Prieur de la Marne fut un moment donné compromis dans une affaire, Defermon le chargea ainsi : « Jamais Prieur ne pourra se laver aux yeux des habitants de la Bretagne d’avoir fait assassiner, par une commission qu’il avait créée, les administrateurs les plus patriotes de la France, ceux du Finistère » (voir Louis Expilly, évêque de Quimper). Lors de sa mission sur les côtes de Bretagne et de la Manche, l’on ressent son affection pour certaines villes, comme Saint-Malo ou, d’ailleurs, il avait de nombreuses attaches amicales. Bien plus tard, en août 1808, l'Empereur Napoléon, de retour de Bretagne dans sa capitale, dira à Jacques Defermon, son ministre des finances, natif de Chateaubriant en Loire Inférieure : " Vous ne m'aviez pas trompé, je suis touché de l'accueil que j'ai reçu de vos Bretons; les Nantais ont fait des folies pour moi !" A cette époque, surtout ne l'oublions pas, la ville de Nantes faisait partie de la Bretagne …

 

Les pièces justificatives :

- lettres relatives à la mission – Archives Nationales C 246 et C 249, AF II 167-303 ou AF II 281 à 417. Voir les rapports de Prieur sous AB XIX 4268 et 4269 .

- Lots de documents mis en vente en décembre 1994 par la librairie Paul Jammes, 3 rue Gozlin Paris 6ème : lot numéro 79 de 67 pièces dont 36 pièces concernant Lorient et Brest – plus lot de 52 pièces allant du 15 mars au 2 avril 1793 relatives à Saint-Malo – plus xx – certains de ces documents correspondent aux archives de la collection Jean Louis Debauve vendue à Saintes le 27 juin 2018.

- Archives militaires de la guerre de Vendée

- Missionnaires de la République. Les représentants du peuple en mission (1793-1795), 2002 aux éditions du Comité des Travaux Historiques et Scientifiques ou CTHS documents annexes sur http://grhis.univ-rouen.fr/grhis/?page_id=10155

 

Autres sources :

-        Observations du comte Defermon sur les dénonciations et accusations portées contre lui » publiées en 1815.

-        Les Mémoires de Jacques Defermon – document inachevé – bibliothèque de l’Assemblée Nationale - Mss 1854 –

-        René Kerviller Recherches et notices sur les députés de la Bretagne aux Etats Généraux et à l’Assemblée Constituante de 1789 – voir la Revue Historique de l’Ouest de 1886 sur Gallica –

-        Les représentants du Peuple en mission et la justice révolutionnaire par Henri Wallon

Annexes :

 

Décret du 22 janvier 1793

Bréard, au nom du comité de défense générale, présente à la Convention Nationale un projet de décret pour la nomination des commissaires destinés à surveiller la défense des côtes ; ce projet de décret est ainsi conçu :
« La Convention Nationale, sur le rapport de son comité de défense générale, a nommé pour commissaires, en exécution de l'article 11 au décret du 13 de ce mois, et pour en remplir les vues ; savoir, pour se rendre dans les départements maritimes, depuis Lorient jusqu'à Dunkerque, les citoyens Fermon, Prieur (de la Côte-d'Or) et Rochegude ; depuis Lorient à Bayonne, les citoyens Niou, Trullard et Mazade ; et sur les côtes de la Méditerranée, les citoyens Rouilher, Letourneur et Brunel.
« Autorise lesdits commissaires à faire toutes réquisitions, ordonner, provisoirement toutes destitutions, remplacements et arrestations qu'ils jugeront nécessaires pour le maintien ou le rétablissement de l'ordre public, à la chargé d'en délibérer en commun dans chaque commission, et de faire parvenir de suite à la Convention les arrêtés qu'ils auront pris. »

(La Convention adopte ce projet de décret)

Les lettres à la Convention Nationale :

 

« Lorient, 4 février 1793.
- « Arrivés depuis hier soir au port de Lorient et avant de pouvoir rendre compte du résultat de nos opérations dans cette ville, nous croyons devoir informer la Convention nationale que, conformément aux ordres donnés par le ministre de la marine pour repousser les injustes hostilités de l'Angleterre et des autres gouvernements coalisés contre la République française, il vient d'être pris ici 4 bâtiments de commerce de ces puissances étrangères dont un surtout richement chargé ; heureux présage des succès qui nous attendent sur mer comme sur terre contre les ennemis de la liberté et de l'égalité.
« On a procédé aujourd'hui, suivant les formes accoutumées, à l'apposition des scellés et aux procès-verbaux des captures, qui seront envoyés de suite au conseil exécutif. Les prisonniers sont traités avec tous les égards que commande l'humanité à une nation qui surtout sait bien distinguer l'égarement momentané de quelques peuples de la perfidie de leurs tyrans.
« Enfin, l'on va déployer toutes les forces de la République avec la plus grande activité ; et l'ardeur que nous remarquons dans les habitants de cette ville, ainsi que dans les divers agents, civils, militaires ou de marine, ne nous permet pas de douter de l'efficacité des moyens d'une grande nation lorsqu'elle veut être libre.
« Avant de nous rendre à Lorient, nous avons passé quelques jours à Rennes où nous avions principalement à conférer avec le commandant de la 13e division militaire sur tout ce qui intéresse la défense de nos côtes et de notre territoire dans cette partie. Nous aurons soin d'instruire le comité de défense générale de ce qu'il nous paraîtra urgent de lui faire connaître. A mesure que nous avancerons dans notre mission nous ferons tous nos efforts pour qu'elle serve au plus grand avantage de la patrie. »

(Suivent les signatures.)

(La Convention nationale dans sa séance du 12 février donne lecture de la lettre et la renvoie aux comités de marine et de défense générale.)

 

Lorient, 8 février 1793.
« La ville de Lorient renferme des établissements si importants, que nous n'avons pu nous dispenser de donner une attention particulière à assurer ses moyens de défense ; nous rendons compte au comité de défense générale des mesures que nous avons prises. Nous avons trouvé dans les officiers municipaux de cette ville, dans les officiers de marine et d'administration du port, dans tous les citoyens, et surtout dans les braves marins, des hommes jaloux de maintenir la liberté et la République française. Les officiers et soldats de la garnison ne montrent pas moins de patriotisme ; et, dans les séances publiques que . nous avons tenues pour développer aux citoyens la cause et l'objet de la guerre, nous n'avons reçu que des témoignages de dévouement ; nous avons entendu des cris répétés de Vive La liberté! Vive la République française! et les marins nous ont promis de faire respecter le pavillon national, comme nos braves volontaires ont défendu le drapeau tricolore. Nous avons été à bord de deux frégates qui sont en rade et n'attendent qu'un vent favorable pour mettre à la voile ; nous y avons fait connaître aux équipages ce que la patrie attend d'eux, et nous en avons reçu l'assurance que les forteresses qu'ils montent seront défendues aussi vaillamment que Lille et Thionville.
« Nous avons été aussi au Port-de-la-Liberté, dont la citadelle défend l'entrée de la rade et du port de Lorient, et nous avons trouvé dans cette ville le même patriotisme, le même zèle et le même dévouement qu'à Lorient.
« Déjà plusieurs bâtiments sont destinés à la course par les négociants, et rien n'égale l'activité avec laquelle on continue de les équiper.
« Enfin, après avoir pris des mesures pour assurer la défense des côtes voisines, en faisant réparer et mettre en état toutes les batteries, nous allons nous mettre en route pour Brest.
« Les commissaires de la Convention nationale.

« Signé : Defermon, Rochegude, C. A. Prieur. »

(La Convention dans sa séance du 17 février décrète la mention honorable de cette lettre et en ordonne l'insertion au Bulletin)

 

« Brest, 13 mars 1793, an II de la République.
« Citoyen Président,
« Nous avons fait connaître au comité de défense générale, par la remise des différents arrêtés que nous avons pris depuis notre séjour ici, les mesures que l'intérêt public nous a dictées. Nous sommes à la veille de notre départ pour continuer la visite des côtes et des villes maritimes. L'importance de celle-ci nous y a retenus longtemps et nous la laissons, ainsi que le port, dans l'état le plus satisfaisant.
« Les citoyens de Brest doivent être comptés parmi les vrais amis de la liberté ; ils sont disposés à braver tous les dangers qui entraînent sa défense ; ils sont jaloux de remplir tous les devoirs propres à la maintenir. Les corps administratifs, la société des Amis de la liberté et de l'égalité se sont empressés de concourir au succès de notre mission. Nous avons trouvé dans les officiers militaires et dans les agents de l'administration civile beaucoup de bonne volonté et de zèle.
« Les ouvriers avaient été jusqu'ici laissés dans un état d'abandon qui servait de prétexte à quelques malintentionnés pour faire négliger leurs devoirs. Mais la loi du 25 janvier dernier leur a prouvé la sollicitude paternelle de la Convention, et chacun d'eux se montre aujourd'hui jaloux d'en témoigner sa reconnaissance et de redoubler d'activité dans son travail. Aussi les armements se continuent avec célérité et nous espérons que, sous peu de temps, la République aura sur la rade de Brest une flotte capable de faire respecter nos côtes et le pavillon national. Les marins se rendent en foule pour compléter les équipages. La plupart viennent de bonne volonté. Nous avons été témoins du sentiment qu'ont éprouvé beaucoup de ces braves gens en voyant de leurs camarades qui ont été mousses et qui, après avoir passé successivement par tous les grades, sont devenus capitaines de vaisseau par l'effet de la Révolution. Ces récompenses données à d'anciens services et au mérite prouvent mieux que tous les discours que l'égalité des droits n'est pas un droit illusoire, et personne aussi n'est plus disposé que les marins à périr s'il le faut  pour la défense de la liberté et de l'égalité et pour le maintien de la République.
« -Nous espérons que la Convention nationale approuvera les mesures que nous avons prises et dont le Comité de défense générale lui rendra compte.
« Les commissaires de la Convention nationale,

« Signé : Rochegude, Defermon, C. A. Prieur. »

(La Convention dans sa séance du 18 mars décrète la mention honorable des sentiments patriotiques et de l'activité montrée par la population brestoise, et ordonne l'insertion de la lettre de ses commissaires au Bulletin.)

 

Saint-Pol-de-Léon, 15 mars 1793.
« Citoyens nos collègues,
« L'exécution de la loi sur le recrutement de l'armée a fourni un nouveau prétexte aux malveillants pour agiter les campagnes. Nous avons trouvé ce matin, en sortant de Brest, des commissaires envoyés par le district pour le recrutement et revenant annoncer la rébellion des communes; nous avons pris de suite l'arrêté dont nous vous remettons copie. Il nous paraissait d'autant plus indispensable de prendre de promptes mesures pour rétablir l'ordre que nous avions reçu hier, la nouvelle d'une rébellion ouverte et suivie d'excès dans la ville où nous venons d'arriver. Il paraît qu'on a concerté de mettre en insurrection tout le canton; mais, avec les mesures que nous avons prises et celles que nous vous proposons de prendre, nous espérons parvenir à faire exécuter la loi sans nouveaux désordres; déjà tout est ici fort tranquille, et nous allons repartir dans les communes qui ont montré le plus de résistance des détachements de troupes. Le général Canclaux nous a accompagnés pour concerter tous les moyens d'exécution. La garde nationale de Morlaix avait envoyé ici 200 hommes et une pièce de canon au premier signal d'alarme. Nous sommes suivis de 150 hommes de la garnison de Brest et de 12 dragons, et ses forces sont si importantes que nous espérons n'avoir pas besoin d'en faire usage. Cet incident retardera seulement un peu notre marche. Donnez la communication de ceci au conseil exécutif pour prévenir les fausses inquiétudes qu'on pourrait lui donner.
Salut et fraternité.
Les commissaires de la Convention aux côtes de Lorient à Dunkerque.
« Signé : Defermon, Rochegude et Prieur (Côte-d'Or). »
(La Convention dans sa séance du 22 mars renvoie cette lettre au comité de sûreté générale.)

« Saint-Brieuc, 20 mars 1793, an II de la République.
« Citoyen Président,
« La Convention a déjà été instruite par son comité de sûreté générale des complots formés contre la liberté dans les départements que nous parcourons. A peine sortis de Brest, nous fûmes informés des mouvements séditieux de quelques communes du voisinage et nous prîmes à l'instant des mesures pour en arrêter l'effet et en prévenir de nouveaux. Ayant su depuis que les troubles avaient été plus considérables dans les départements voisins que dans celui-ci, nous avons vu que, pour seconder les vues du comité de sûreté générale, nous ne pouvions donner trop promptement aux corps administratifs les moyens d'éteindre cet incendie dès sa naissance, et, après en avoir conféré avec les administrateurs du département des Côtes-du-Nord, nous avons pris les arrêtés joints à cette lettre. Nous espérons que ces dispositions maintiendront 1 ordre public en même temps qu'elles faciliteront la découverte et la poursuite des conspirateurs.
« Dans la ville de Saint-Pol-de-Léon, l'incivisme du maire et des deux autres officiers municipaux, ainsi que la présence de 40 ex-religieuses retirées dans des maisons particulières, formaient depuis longtemps obstacle à la propagation de l'esprit public. Nous avons suspendu ces fonctionnaires et ordonné la dispersion de ces femmes fanatiques. A Morlaix, au contraire, ainsi qu'à Saint-Brieuc, les corps administratifs ont un patriotisme et un zèle qui ne laissent rien à désirer. Les sociétés populaires y sont pleines de citoyens entièrement dévoués à la défense de la liberté; et cette fois encore, comme tant d'autres, il ne restera aux ennemis de la Révolution que la honte et le désespoir du peu de succès de leurs projets.
« Les commissaires de la Convention nationale,
« Signé : Defermon, Rochegude, Prieur.
(La Convention dans sa séance du 26 mars renvoie la lettre aux comités de sûreté et de défense générale, réunis.)

Lettre des citoyens Rochegude, Defermon et Prieur (de la Côte-d'Or), commissaires de la Convention nationale près les côtes de Lorient  à Dunkerque, qui lui font passer la réclamation des soldats de marine et autres troupes embarquées comme détachement, pour jouir de l'augmentation accordée aux matelots par la loi du 25 janvier, sur le fondement qu'ils servent le canon et sont employés comme eux aux manœuvres basses.
(La Convention dans sa séance du 18 mars renvoie la lettre au comité de marine. )

Saint-Malo, le 1er avril 1793, l'an II de la République.
« Citoyen président,
« La Convention nationale apprendra avec plaisir que pendant notre séjour à Saint-Malo, les corps administratifs, les commandants militaires et les citoyens ne nous ont laissé aucun doute de leur patriotisme et de leur zèle pour le maintien de la République.
« Cette commune, qui a plus de 1,200 marins embarqués sur les vaisseaux de la République ou sur des corsaires, n'en a pas moins fourni encore avec empressement son contingent pour l'armée. Le -recrutement y a été complété par des citoyens inscrits volontairement; et la commune s'est chargée de les armer et équiper à ses frais. Sa garde nationale vient de réprimer efficacement les mouvements séditieux qui s'étaient fait sentir dans plusieurs endroits de ce département.
« Ses corsaires soutiennent aussi leur ancienne réputation, et ils ont pour plus de 3 millions de prises entrées dans les ports de la République.
« Nous avons pris toutes les mesures propres à assurer la défense de cette ville et des forts qui l'avoisinent; mais les vaisseaux de la République, les bâtiments de commerce et les corsaires resteraient exposés aux mêmes incendies qu'ils éprouvèrent en 1758, si on ne les garantit pas par la construction d'une digue dont le projet nous a été présenté. Nous adressons au comité de défense générale les plans de cette ligue (1), et nous prions la Convention nationale de s'en faire rendre compte, et de prononcer au plus tôt sur un objet aussi intéressant. Au reste, nous avons donné tous nos soins à ce qu'exige la défense de la Côte, jusqu'au point où-nous sommes parvenus.
« Enfin, dans plusieurs communes voisines de la côte, des officiers municipaux, par indifférence ou mauvaise volonté, tenaient une conduite dont les ennemis de la patrie ne pourraient manquer de tirer avantage, surtout en raison de la localité; nous les avons remplacés par des hommes capables, par de bons sentiments, de faire aimer la liberté; et par leur fermeté, de ne pas souffrir qu'on lui porte impunément des atteintes.
Les commissaires de la Convention nationale,

«Signé: Rochegude, C. A. Prieur, Defermon.

(La Convention dans sa séance du 9 avril renvoie cette lettre au comité de marine.)

  
« Saint-Malo, Ier avril 1793, an II de la République.
« Citoyens nos collègues (2),
« Nous vous adressons sous les numéros 47, 62, 37, 49, 58 et 48 (3), plusieurs arrêtés qui contiennent toutes les mesures qui nous ont paru indispensables pour la sûreté du territoire français à Saint-Malo et aux forts qui en dépendent.
Le numéro 47est le seul auquel nous ayons à joindre quelques explications particulières. C'est aussi le plus important, celui qu'il faut communiquer le plus promptement au ministre de la guerre. La ville de Saint-Malo, par sa position singulière, n'exige que peu d'ouvrages pour être mise à l'abri d'un coup de main. Les forts sont en général déjà en bon état. Il ne reste presque plus que les garnisons à y placer. Mais la difficulté tient aux fournitures des logements, comme matelas, couvertures, etc. Le ministre doit être prévenu que l'on va se trouver bientôt dans la plus grande pénurie à cet égard.
« Quant au fort de Château-Neuf, il y faut un armement pour ainsi dire complet et cela est indispensable ; car, par cela seul qu'il existe, il devient entièrement important, vu sa position, de ne pas le laisser surprendre, soit par l'ennemi du dehors, soit seulement par les malveillants de l'intérieur.
« Le palissadement entier de ce fort, ainsi que de quelques autres et de quelques parties devant l'enceinte de Saint-Malo, étant une mesure nécessaire, nous avons cherché à en diminuer la dépense en prenant des ressources dans les forêts nationales, comme nous avions fait à Lorient et à Brest ; c'est l'objet particulier du numéro 37.
Nous joignons aussi ici une note de l'aperçu de la dépense, dont le total s'élève à 84,000 livres, sur quoi il faut observer qu'il y aura vraisemblablement une assez forte réduction à cause de la fourniture des palissades et autres bois par les forêts nationales ou d'émigrés. Par cette raison, la dépense a été évaluée à "moitié prix de celle de l'achat entier des matériaux, mais elle sera sans doute réduite davantage.
« Nous avons cru d'abord utile de mettre sur-le-champ une somme de 40,000 livres à la disposition des directeurs du génie et de l'artillerie pour ces travaux, d'autant plus que l'entrepreneur de la fortification est déjà en avance de plus de 13,000 livres, ce qui le met hors d'état d'en faire de nouvelles. Sans cette mesure, les préparatifs n'eussent pas pu avoir l'activité que les circonstances exigent. Ainsi il est instant que le ministre se hâte, non seulement de remplacer les 40,000 livres, mais encore de fournir la totalité des 84,000 livres. Les états estimatifs lui seront incessamment adressés suivant les formes ordinaires.
« Veuillez bien, chers collègues, recommander au ministre de terminer promptement cette affaire importante.

« Signé : Rochegude, Defermon, C. A. Prieur. »

(La Convention dans sa séance du 9 avril renvoie cette lettre au comité de défense générale)

 

« Saint-Malo, 1er avril 1793, an II de la République.
« Citoyens nos collègues ,
« Nous venons de terminer notre travail sur la défense des côtes depuis Brest jusqu'au point où nous sommes, ainsi que nous vous l'avions annoncé en vous envoyant la première partie. La seconde a été faite suivant le même mode. En voici quelques résultats indiqués par nos arrêtés numéros 57, 50, 60 et 51 .
« Nous ne vous en faisons pas passer plusieurs autres qui rentrent absolument dans ceux que vous avez déjà connus précédemment. Ce sont pour la plupart des dispositions de détail qu'il suffirait d'adresser aux généraux ou autres agents militaires et aux corps administratifs.
« Les numéros 57 et 51 méritent une attention particulière du ministre de la guerre.
« Le premier annonce une disposition de 20,000 livres, c'est à peu près à quoi se montera la dépense de toutes les réparations, armements, approvisionnements, transports de pièces et autres objets, des batteries dans toute la partie qui nous restait à mettre en état. Le ministre aura à remplacer ce qui aura été employé de cette somme sur les états qui lui en seront envoyés dans le temps.
« Dans le deuxième, il s'agit des lunettes à fournir aux gardiens des signaux et nous pensons que l'on ne doit pas différer cette emplette. Elle n'est pas d'ailleurs fort dispendieuse. Les lunettes communes peuvent être du prix de 6 livres environ, et les autres d'une qualité et d'un prix supérieurs.
« Le ministre pourra envoyer cet assortiment de lunettes, qu'on ne peut bien former qu'à Paris, au général Canclaux, à Brest ou à Saint-Malo. Ce général, qui a une parfaite connaissance des côtes, ainsi que de notre travail, en fera aisément la répartition.
« Maintenant, chers collègues, il ne nous reste qu'à continuer notre route pour suivre la mission dont nous sommes chargés. Demain matin, nous partons pour Cherbourg où nous serons rendus dans peu, ne comptant nous arrêter dans les lieux intermédiaires que ce qu'il faut de temps pour recevoir les renseignements que les corps administratifs pourront avoir à nous donner.
« Salut et fraternité,
« Signé : Rochegude, Defermon, C. A. Prieur. »

« Saint-Malo, 1er avril 1793, an II de la République
« Citoyens nos collègues (1),
« Au moment de notre départ de cette ville, nous nous empressons de vous faire passer lës derniers résultats des opérations que nous y avons faites.
« Nous vous remettons une lettre destinée d'abord pour l'Assemblée (2), mais que nous nous sommes décidés ensuite à vous remettre directement avec les pièces à l'appui, son objet étant de presser le rapport que nous demandons à l'Assemblée du projet de la digue, projet que nous vous recommandons comme une mesure indispensable pour conserver des propriétés du plus grand intérêt.
« Vous verrez, par l'arrêté numéro 59, que tous les citoyens dont le payement devrait être le moins retardé sont ceux qu'on semble affecter de faire attendre, et il était de notre devoir et de l'intérêt de la République de prévenir les maux qui seraient résultés de la cessation du service dont on nous menaçait.
« Le fanatisme s'est plus ou moins répandu dans les campagnes et dans quelques communes. Les officiers municipaux sont dénoncés à l'opinion publique comme aristocrates, parce qu'ils s'éloignent des prêtres constitutionnels. Sans la division élevée par les prêtres, on ne trouverait guère dans les campagnes que des patriotes. Nous avons regretté d'avoir à sévir pour des querelles de religion. Mais l'inconvénient de laisser à la tête des communes de la côte des officiers municipaux contre lesquels s'élevait l'opinion publique, nous a déterminés à les suspendre par notre arrêté numéro 61, et à les remplacer par les citoyens patriotes.
« Enfin notre arrêté numéro 64 a été déterminé par les réclamations des administrateurs de district et des amis de l'égalité fondée sur une foule de motifs. Les personnes à qui il est favorable, absentes depuis peu de jours, ne semblent pas coupables d'émigration. En tout cas, il serait facile de s'en ressaisir même d'après l'arrêté du département qui avait accordé la liberté provisoire aux deux plus riches à cause de la nécessité de vider le château où étaient détenus ces prisonniers et où on va mettre la garnison.
« Enfin, lorsqu'on a plus d'occasion de renvoyer à l'étranger des émigrés rentrés dans le temps où la loi de mars n'était pas encore prononcée, nous avons cru indispensable de statuer.
« Les commissaires de la Convention nationale,
« Signé : Rochegude, Defermon, C. A. Prieur. »

(lettre lue à la Convention dans la séance du 9 avril)

 

Cherbourg, 13 avril 1793.
Citoyens nos collègues,
« On vous a donné plusieurs fois des inquiétudes sur les descentes que nos ennemis pourraient tenter sur les côtes des départements de la Manche et du Calvados; c'était une raison pour redoubler de vigilance dans la mission que vous nous avez confiée. Nous sommes ici avec le général Wimpffen, avec lequel nous avons approfondi tous les objets relatifs à la défense du pays dans les circonstances actuelles.
« Le patriotisme et les talents du défenseur de Thionville sont connus; environné de la plus juste confiance dans la division où il commande, il peut rendre d'utiles services à la République. Mais il est pour ainsi dire seul, et les efforts de son zèle se consument sans effet. Cependant le pays a en lui-même des ressources suffisantes, auxquelles il ne manque qu'une main habile pour les réunir et en tirer parti. On parviendra à y lever 6,000 hommes d'infanterie, 600 à 800 chevaux, et de l'artillerie à proportion, si la Convention l'autorise. Alors, avec les bonnes dispositions des corps administratifs et l'énergie que montrent les citoyens de ces départements, on peut être certain de les garantir, dans tous les cas, d'une invasion.
« Sans doute, dans un temps où l'expérience doit rendre plus attentif que jamais sur les traîtres qui pourraient encore conspirer contre la patrie, il faut des précautions particulières pour que les moyens de défense de la République ne deviennent pas les instruments de son oppression. Nous faisons passer au comité de Salut public (2) d'autres demandes, nos observations à ce sujet, ainsi qu'un arrêté par lequel nous statuons provisoirement sur les mesures qui nous ont paru d'une urgence indispensable.
« En terminant cette lettre, il est de notre devoir de vous faire connaître deux citoyens dignes d'être faits généraux dans nos armées; Moreaux, lieutenant-colonel du 1er bataillon des Ardennes, en garnison à Longwy, et Lequoy, lieutenant-colonel du 2e bataillon de Seine-et-Marne, en garnison à Metz. L'un était antérieurement simple grenadier, l'autre sergent; mais tous deux ont servi au siège de Thionville, et le témoignage que leur rend hautement le général qui s'y est illustré est sans doute une meilleure garantie de leurs qualités que les protections obscures des bureaux ou les vains titres d'une caste qui a tant fait de mal à la France.
« Il est instant que la Convention prononce sur les objets que nous lui soumettons.
« Signé : Rochegude, Defermon, C.-A. Prieur. »
(La Convention dans sa séance du 18 avril renvoie ces deux lettres au comité de Salut public)

 

Cherbourg, 17 avril,

« Depuis longtemps, l'utilité d'une croisière respectable dans la Manche se fait sentir chaque jour de plus en plus, et cependant il n'y a dans le port de Brest aucune disposition d'un pareil armement. C'est avec la plus vive surprise, disent-ils, que nous avons su par les papiers publics, qu'un de nos collègues vous avait annoncé l'expédition d'une escadre pour la Manche, et vous a ôté ainsi cette inquiétude salutaire qui aurait sauvé le commerce et garanti nos côtes ; cependant, le commerce est découragé, l'armement en course s'attiédit, les t transports d'artillerie et de vivres qui doivent être faits de Saint-Malo ici, et d'ici à Brest, sont ordonnés par terre.
Plus de 600 de nos braves marins sont prisonniers en Angleterre ; nous voyons journellement des frégates anglaises affecter, sans danger, le royalisme des mers, faire d'insolentes parades sur nos côtes qu'elles approchent à la portée du canon, et présenter à nos braves républicains le spectacle pénible d'ennemis qu'ils ne peuvent combattre avec les succès que doivent avoir des hommes libres, sur un peuple que son goût pour l'esclavage a rendu notre ennemi. »
Thuriot : Je demande que le comité de Salut public soit tenu de rendre compte des mesures qu'il a prises pour la défense des côtes.
Lecointre : On m'a dit qu'il existait au comité de Salut public des pièces qui mettraient au grand jour les trahisons du ministre de la guerre ; je demande que le comité soit tenu de communiquer ces pièces à l'Assemblée.
(La Convention dans sa séance du 21 avril, après quelques débats, se borne à renvoyer la lettre des commissaires au comité de Salut public.)

 
Honfleur, le 21 avril 1793 ,

Les citoyens Rochegude, Defermon et Prieur, commissaires de la Convention annoncent qu'ils ont pris des mesures avec les corps administratifs de la Manche et du Calvados, ainsi qu'avec le général Wimpffen et les autres commandants militaires. L'esprit des citoyens de ces départements, disent-ils, est fort bon : ils n'ont pas été abattus par les revers qu'a entraînés la trahison de Dumouriez. Toute leur confiance est dans la Convention nationale.
(La Convention dans sa séance du 24 avril renvoie cette lettre au comité de Salut public.)

 

 

Notes :



[1]   Pendant cette période, il n’était pas question de s’appeler « Defermon des Chapellières », seulement Defermon, parfois Fermon pour éviter le risque de la particule …

[2]  Deux ans plus tard, l'Espagne pour un changement d’alliance rejoignit le camp de la France avec le traité de San Ildefonso du 18 août 1796

[3]  En l’occurrence deux secrétaires, un courrier et un domestique, formant avec les trois représentants du peuple en tout sept personnes

[4]  Le roi Louis XVI , condamné à mort par la Convention le 15 janvier 1793, mourait sur l’échafaud le 21 janvier …

[5]  Defermon, alors même que l’un de ses frères était prêtre, fut à plusieurs reprises qualifié d’anticlérical, notamment lors de la constitution civile du clergé – voir les attaques de René Kerviler à ce sujet -

[6]   Ce discours de Defermon ne figure pas au Moniteur, ni au Journal des Débats, le texte est emprunté au Mercure universel, tome 27.

[7]  Jacques Defermon raconte en détail dans ses mémoires cette période que l’on appellera La Terreur …

[8]  Il préside l’assemblée du 31 mai au matin puis cède le fauteuil à François Mallarmé avant que la salle des séances ne soit envahie par la foule

[9]  Cet argument est repris par lui dans ses « Observations sur les dénonciations et accusations portées contre lui » publiées en 1815.

[10]   Pendant cette période, son épouse Jeanne Duboys des Sauzais fut pour un temps emprisonnée à Nantes ?

[11]  Pierre Vincent Varin de la Brunelière (1752-1794) avocat à Rennes, élu en remplacement de Huard, fut exécuté le 20 juin 1794