Droit et Justice dans la Nature

 

L’établissement d’un droit, d’une part, la fonction de justice, d’autre part, existent depuis toujours dans les sociétés humaines ; ils se retrouvent donc très normalement dans la nature, de façon discrète  mais effective ; nous allons ainsi essayer de les percevoir et d’en comprendre les différents aspects …

Les différentes représentations de la Justice et du Droit

Les symboles de la Justice et du Droit sont la balance et le glaive, en signe d’équilibre des forces déclenchées, d’équité et aussi de force exécutoire, de discipline ; pour ceux qui ont voulu défier les règles établies ou user à tort de leurs pouvoirs, il y aura la rigueur du glaive et de la condamnation. Thémis est la divinité de la Justice, elle qui personnifie la permanence et l'impartialité, veillant au bon rapport des dieux entre eux ; on la représente souvent avec un bandeau sur les yeux en signe d’objectivité - et non pas d’un défaut de discernement - ; les Cyclopes eux manient la foudre …

Ces éléments se retrouvent logiquement sur les frontons des palais de justice, parfois sur les autres bâtiments civils, parfois dans les églises au nom de la justice divine, très souvent dans les différents arts de la sculpture, la peinture, la gravure …

 

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La toponymie

La toponymie locale conserve les traces de la justice d’autrefois, là où elle était décidée ou bien appliquée : la justice à Mirande, 32300 ; les justices à Le Blanc, 36300 ; la justice à Amilly, 45200 ; la justice à Bréval, 78980 ; la justice à Charny Orée de Puisaye 89120 … le juge à Cadillac 33410 ; juge à Gontaud-de-Nogaret 47400 … la prison à Martigny-les-Bains 88320 ; la prison à Sainte-Gauburge-Sainte-Colombe 61370 ; les prisons à Montreuil 85200 ; la prison à Vauxtin 02220 … la potence à Bréhand 22510 ; la potence à Listrac-Médoc 33480 ; la potence à Mareuil-sur-Lay-Dissais 85320 ; la potence à Mauzé-Thouarsais 79100 ; la potence à Val-au-Perche 61260 … le gibet à Commune nouvelle d'Arrou 28290 ; le gibet à Gacé 61230 ; le gibet à Val-au-Perche 61260 ; le gibet à Chaveyriat 01660 ; le gibet à Grainville-la-Teinturière 76450 – source Geoportail –

On retrouve d’autres traces dans le patrimoine local, en Ille et Vilaine par exemple, une butte de la justice à Cesson-Sévigné, soit une motte féodale où le seigneur local rendait ses arrêts, aussi une maison du sénéchal à La Bouexière ou bien un auditoire de justice au Grand Fougeray ; ce dernier dépendait d’un marquisat érigé en 1644 et consistait en un grand logis avec en haut, pour les audiences, des chambres civiles et criminelles ainsi que des galeries, en bas des prisons, cachots et basses fosses, avec logement pour les geôliers [1] .

I - Les différentes lois applicables

Les lois de la nature sont telles que des démarches scientifiques (en particulier inspirées par le principe de causalité) s'efforcent de les révéler et décrire, notamment dans leur régularité et universalité, telles qu'elles s'imposent à tout homme qui ne pourrait s'y soustraire dans aucune de ses actions ou décisions, particulièrement dans l'ordre du politique ; la Loi Naturelle, est  incontournable, ni juste ni injuste, porteuse de droit et de non droit, la loi que tout être vivant connaît et à laquelle il se plie.

La loi de la jungle : c'est la loi du plus fort, de celui qui s'impose ; l’expression signifie en quelque sorte : « chacun pour soi », « tout est permis », « survie du plus apte », « tuer ou être tué » ; il s’agit en fait une zone de non-droit, là où règne une autre loi, celle de la sélection naturelle

La loi et la justice divine : La théorie du commandement divin (ou encore du volontarisme théologique) est une position méta-éthique qui consiste à fonder la morale sur la volonté divine : ce qui est bien et mal, c'est ce que Dieu veut. En d'autres termes : ce qui est juste coïncide avec ce que Dieu veut.

Les jugements de Dieu ou ordalies avaient alors lieu soit par le combat judiciaire ou duel, soit par les épreuves, celles de la croix, du fer, du feu, de l’eau …

 

La loi et la justice des hommes : les sources du droit étaient le droit romain dans le sud de la France, pays de droit écrit, et les coutumes des différentes provinces du nord, pays de droit coutumier [2] . L’harmonisation ne venait que des édits royaux.

Depuis bien longtemps, le grand principe retenu pour le respect de la loi était celui d’une justice publique, rendue au vu et au su de tous ; une « criée des nouvelles » avait lieu dans tous les villages, souvent à la sortie des messes ; certaines églises se composent parfois d’une chaire extérieure donnant sur le parvis [3]  ou bien d’une estrade en pierre ou podium du garde champêtre [4] ; il s’agissait d’informer les villageois, les paroissiens, des grands évènements, mais aussi des nouvelles règles applicables ou encore des sanctions prises à l’encontre de certains d’entre eux [5] .

Sous l’ancien régime, la justice était graduelle, avec la haute, la moyenne et la basse justice ; la fonction en était assurée par les nobles d’une part et les ecclésiastiques d’autre part, avec à leur tête le Roi et puis le Pape ; depuis la survenance de la République, suivie de l’Empire Napoléonien, dans le cadre d’une refonte judiciaire, apparaissent des palais de justice, un peu partout, dans les chefs-lieux des départements et des arrondissements ; leur façade à colonnade (péristyle) marquent désormais le paysage urbain au même titre que les autres établissements de chaque cité [6]  …

II – Les droits individuels dans la nature, les droits sur la nature

Nous trouvons là à titre d’exemples :

Le droit d’ancrage, dû au Grand Amiral de France ; n’étaient exempts que les habitants des ports où ils abordaient.

Le droit de palotage, c’est-à-dire de s’amarrer à un palot ou bitte d’amarrage.

Le droit de botte, pour l’entretien du commerce et de la navigation sur la Loire

Le droit de bris, qui livrait au seigneur local les débris du vaisseau naufragé – aboli par Louis XIV en 1681 -

Le droit de carnalage, sur les animaux tués

Le droit de chevrotage, sur les vassaux qui nourrissaient des chèvres

Le droit de congrier, en établissant dans une rivière un espace entouré de pieux dans lequel on enfermait le poisson

Le droit de marcaice, dû au Roi sur les paniers de poissons qui se vendaient à la halle

Le droit de rivière, sur chaque muid de vin qui descendait ou remontait la Seine, la Marne et l’Yonne depuis leur source jusqu’à Rouen …

De nombreux autres droits individuels existent, concernant la forêt, les champs et les pâtures, les montagnes …

 

Enfin, il y a le droit de propriété qui à la Révolution prend, en quelque sorte, la suite des droits féodaux. La nature a depuis bien longtemps reçu des marques du droit de propriété, au moyen de talus ou fossés, de murs, de clôtures ou de haies ; on y reconnait le morcellement des parcelles et aussi les limites de propriété …

Le cadastre est, dès son origine [7] , un document fiscal destiné à calculer les impôts attachés aux biens ; il deviendra avec les plans, les matrices et les calculs de surface, une présomption de la propriété.

Devenir propriétaire consistait à signer les actes correspondants mais il s’agissait aussi de se frapper réciproquement dans les mains pour conclure un accord, il fallait « toper » ; en Basse Bretagne, celui qui prenait possession d’un domaine observait l’usage en premier lieu d’y boire l’eau du puits ; cette coutume se réalisait également lors de l’entrée en jouissance d’un fermier …

III - Les lieux de justice

Dans la France du Moyen Âge, il y avait ordinairement un orme placé à l’entrée des châteaux et sur les places devant les églises ; à l’entrée des châteaux, il servait d’abri au seigneur ; devant les églises, il était d’usage d’y tenir des assemblées et d’y passer des actes solennels ; l’arbre était appelé « l’orme d’abri » ou bien "l'arbre de la justice" parce que c'était sous sa canopée que les seigneurs et les juges rendaient leurs jugements.

Les cérémonies juridiques

A La Bresse, dans les Vosges, jusqu’en 1790, on jugeait en plein air sous l’ormeau qui ombrageait la place du village…

A Carentoir, les habitants jouissaient d’un droit d’asile ; un arbre dénommé chêne de la Liberté étendait ses branches protectrices sur les innocents et même les coupables qui pouvaient embrasser son tronc avant d’être atteints ...

Sur les bords de la Loire, il y avait un grand chêne sous lequel les plaideurs allaient s’asseoir par grand vent et en présence de témoins : celui du côté duquel tombait la première feuille gagnait son procès ; dans la saison où l’arbre était dépouillé, l’hiver, les plaideurs apportaient sur une éminence, près de Nantes, des gâteaux qu’ils posaient séparément puis s’éloignaient à une certaine distance : celui dont les corbeaux venaient goûter l’offrande avait gain de cause …

Dans certaines communes du Morbihan, les parties contractantes se rendaient devant un arbre ; elles y faisaient un trou et le bouchaient ensuite, après y avoir déposé leurs engagements …

En Franche-Comté, le serment prêté sous le Chêne Marié, composé de deux arbres séculaires, réunis par une branche énorme, était aussi sacré que s’il eut été prêté au pied des autels …

Dans la forêt de Coulon, en Brocéliande, le Chêne au Vendeur fut longtemps le témoin des ventes, jusqu’en 1839 …

 

La justice de Saint Louis sous un arbre

« Maintes fois, il lui arriva, en été, d’aller s’asseoir au bois de Vincennes, après avoir entendu la messe ; il s’adossait à un chêne et nous faisait asseoir autour de lui ; et tous ceux qui avaient un différend venaient lui parler sans qu’aucun huissier, ni personne y mît obstacle. Et alors il leur demandait de sa propre bouche : « y a-t-il ici quelqu’un qui ait un litige ? « Ceux qui avaient un litige se levaient, et alors il disait : « Taisez-vous tous, et on vous expédiera  l’un après l’autre. » Il appelait alors Monseigneur Perron de Fontaine et Monseigneur Geoffroi de Vilette et disait à l’un d’eux : « réglez-moi cette affaire. » Et quand il voyait quelque chose à corriger dans les paroles de ceux qui parlaient pour lui, ou dans les paroles de ceux qui parlaient pour autrui, il les corrigeait lui-même de sa bouche.

Je le vis quelquefois, en été, venir pour expédier ses gens, dans le jardin de Paris, vêtu d’une cotte de camelot, d’un surcot de tiretaine sans manches, un manteau de soie noire autour du cou, très bien peigné, sans coiffe un chapeau de paon blanc sur la tête. Il faisait étendre des tapis pour nous asseoir autour de lui ; et tous les gens qui avaient affaire par-devant lui l’entouraient, debout ; alors il les faisait expédier, de la manière que je viens de vous dire pour le bois de Vincennes. » (source : mémoires de Jean, sire de Joinville, ou Histoire et chronique du très chrétien roi Saint-Louis)

 

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Louis IX ou Saint Louis, qui appréciait le château de Vincennes, avait l'habitude de s'adosser dans son parc à un chêne et de faire venir à lui tous ses sujets désirant lui parler sans intermédiaire. Le requérant exposait librement son grief au souverain, qui - et là réside un point fondamental - ne rendait nullement la justice lui-même, mais faisait signe à un membre de son entourage, ayant le pouvoir de rendre la justice, afin qu'il se saisisse de l'affaire. Saint Louis ne se substitue pas au système judiciaire qu'il a mis en place, il combine habilement l'exercice de son pouvoir surnaturel de souverain avec le respect des institutions terrestres.

Il fut un souverain qui considéra la justice comme son premier devoir. Il instaura la preuve testimoniale ou résultant de pièces écrites ; précédemment, l’on faisait foi plus en la moralité de l’accusé, avec l’intervention de conjurateurs, qu’en la réalité ou la fausseté d’un fait. Egalement, il prescrivit de recueillir et publier toutes les coutumes, dont celle de Paris, de Normandie, de Beauvoisis … …

 

Dans la nature, autrefois, il y avait les arbres de pendaison, les collines de potences, les gibets, les places de pilori, les carcans …

 

Une règle de droit est toujours assortie d’une sanction ; de ce fait, la justice comprend aussi l’application de peines.

Les peines ou supplices sont nombreux ; ils sont afflictifs et/ou infamants, souvent expéditifs avec : principalement le fouet et puis la prison perpétuelle avec le cachot ou oubliettes ou bien la mort mais aussi la peine de galère suivie des travaux forcés au bagne puis de la déportation à Cayenne, et encore l’exil, le bannissement, l’opprobre …

Tout à l’origine, il y avait l’expulsion du village avec les biens confisqués et la maison brûlée, et ainsi être, pour toujours, hanté par les esprits de la nature, par l’âme des victimes … La nature fut longtemps un lieu de punition sociale, à une époque où il était difficile d’y vivre seul [8] .

La torture était également un instrument de la justice ; cette dernière a donc été longtemps associée à la violence et alors à la souffrance ; il s’agissait en principe de connaître la vérité, au moyen d’un aveu ; les instruments de torture étaient nombreux avec le tripalium, la roue, le brodequin, le chevalet … Montaigne fut l’un des premiers à s’élever contre la torture …

 

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Gravure de Jacques Callot

 

 

wikipedia

La pie sur la potence par Pieter Bruegel 1568

Les gibets étaient le lieu d’exécution des criminels ; le droit de monter des gibets revenait à la Haute Justice « avec fourches patibulaires » ; celui de Paris, de triste réputation, édifié sur la butte de Montfaucon – près de la place du colonel Fabien - par ceux même qui y furent pendus – Engerrand de Marigny puis Pierre Remy et bien d’autres – fut détruit en 1760 .

L’exposition publique des condamnés sur un pilori fut décidée par Philippe VI le Valois en 1347 ; elle était réservée à la Haute Justice ; le lieu était souvent fréquenté, car la peine était ici infamante ; à Paris, le pilori était établi aux Halles ; le nom donné aux places du pilori se retrouve dans de nombreuses villes de France : à Nantes, Angers, Saint-Malo, Poitiers, Abbeville, Guérande, Niort, Château-Gontier, Vienne, Le Croisic, etc …

 

Il y avait aussi le poteau ou le carcan, un collier métallique servant à attacher un condamné en l'exposant à l'infamie d'une humiliation publique : à voir encore à Korbach – Allemagne – xx – Angleterre -

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Les galères, les bagnes, les prisons

Le corps des galères est dissous en 1748 ; des bagnes sont alors construits dans les ports militaires et les arsenaux tels que Brest [9] , Toulon, Rochefort et Lorient, pour y effectuer les travaux forcés ; ils seront par la suite remplacés en 1852 par la déportation au bagne de Cayenne en Guyane ou sur l’île de Noukaïva.

IV - La nature justicière

La nature annonciatrice : les présages tirés des animaux ou des plantes : l’homme a longtemps cru aux présages pour diriger sa vie ou celle des autres, pour déclarer la guerre ou aussi bien pour décider de la loi et rendre la justice …

 

-                      Les oiseaux révélateurs de crimes

Sans même avoir appris leur langue, ou leur chants, certains oiseaux, souvent apprivoisés, dénonçaient les mères infanticides ; en vallée d’Aoste, un blanc coucou révèlent les circonstances d’un meurtre ; en Haute-Bretagne, un petit oiseau répète à une fillette : « Tu cuis ton petit frère ! »

Au Moyen Age, un homme se met sous la garde d’un seigneur, auquel il donna une bonne partie de son avoir ; ce dernier le confia à l’un de ses serviteurs pour l’accompagner lors d’un trajet ; au milieu du chemin, l’écuyer s’écria : « Je veux te tuer ! » Au même instant une troupe de perdrix prit son vol ; « Ne le fais pas, dit l’homme, les perdrix t’accuseraient ! » Il le tua néanmoins et quelques jours après, ce même écuyer découpant devant son maître des perdrix que l’on avait fait cuire, l’une d’entre elles se mit à siffler. L’homme pâlit, se rappelant des paroles précédentes et se mit à trembler de tous ses membres. Le seigneur le questionna et quand le crime fut reconnu, il le fit pendre …

Aux environs de Vire, un marchand de beurre, assassiné par des brigands et sur le point d’expirer, aperçut des corbeaux et s’écria : « Oiseaux du ciel, je vous prends à témoins de ma mort ! » Plusieurs années après, les brigands assistant à une exécution par le feu, virent passer deux corbeaux près du bucher et l’un d’eux s’écria : « Tiens, voilà les témoins de Pousias ! » « Oui ce sont eux ! » répondit un autre. Ils furent alors entendus, interrogés et finalement convaincus du crime…

Deux voyageurs d’assez mauvaise mine furent distraits par le croassement de quelques corbeaux perchés sur un arbre voisin : « Tiens dit l’un d’eux à voix basse, il semble que ce sont les mêmes corbeaux qui étaient là quand nous assassinâmes ce coquin de marchand de fil, à pareil jour ; fort heureusement que ces mauvaises bêtes crient mais ne parlent pas ! » Un berger qui les avait entendus se hâta de prévenir la justice et les deux coupables furent contraints d’avouer l’assassinat qu’ils avaient commis …

 

-                      Les bêtes de mauvais augure

La vue d’un lièvre annonce un mauvais présage ; quand quelqu’un se met en chemin et qu’un lièvre lui vient au-devant, cela est un très mauvais signe, et pour éviter tout danger, il doit par trois fois se retourner d’où il vient et puis aller son chemin ; le lièvre qui s’enfuit annonce une disgrâce ; le préjugé de la rencontre fâcheuse du lièvre est très générale ; elle est parfois funeste ; elle est redoutée le jour d’un mariage ou encore le 1er janvier …

En Ille et Vilaine, le lapin qui traverse la route annonce un accident prochain ; dans le Cher, le hérisson est, dans le même cas, un signe de malheur ; s’il coupe le chemin en même temps qu’un lièvre, c’est le présage d’une mort inattendue ; en Poitou, celui qui voit une taupe traverser la chaussée éprouvera un ennui ; en Berry, la belette qui coupe la route devant quelqu’un lui annonce un décès imprévu ; en Vendée, celle qui va de droite à gauche est seule funeste.

Plusieurs procédés traditionnels neutralisent les effets des mauvaises rencontres : marcher à reculons, se signer, jeter une pierre, tracer une croix où l’animal est passé …

Les propos gracieux adressés aux animaux les empêchent d’exercer leur pouvoir de nuire …

 

-                      Les présages tirés de l’approche des animaux

Lorsque certains animaux s’approchent plus que d’habitude d’un logis ou qu’ils font des actes insolites dans son voisinage immédiat, ils pronostiquent parfois des choses funestes ; quand on voit des chauves-souris voler, c’est de mauvaise augure pour la maison où elles rentrent ; lorsqu’il y a un malade, certains gestes sont regardés comme l’annonce de sa fin ; c’est le présage que l’on tire dans le Morvan de la belette qui croise sa porte, dans les Vosges et le pays messin de la taupe qui vient faire des monticules près du seuil ou sous les fenêtres…

On attribue aux rats une sorte de préscience ; les marins prétendent qu’ils abandonnent le navire menacé d’un naufrage prochain, qu’ils se hâtent de quitter la maison prête à s’écrouler…

Les cris des mammifères sauvages peuvent avoir un rôle augural ; dans la vallée d’Aoste, le renard qui glapit près des maisons indique qu’une personne est sur le point de mourir dans le voisinage ; en Wallonie, la femme qui entend une souris crier en augure que son mari la trompe…

Certains augures tirés de rencontres avec un animal étaient en relation avec le caractère de celui-ci ; en Saintonge, une belette annonçait qu’avant peu l’on aurait affaire à une méchante femme ; la vue d’un renard était le signe de quelque imposture, celle d’un lièvre, d’une perfidie …

-                      En ce qui concerne les plantes

Le pavot serait, pour les Britanniques tout au moins, une plante de mauvais augure. Quel écolier ne s'est pas entendu dire qu'il deviendrait aveugle (temporairement toutefois) s'il observait le cœur de cette fleur ? On dit également que placer des pavots dans une maison porte malheur parce qu'ils rendent malade. Cette croyance repose, sans doute, sur les propriétés narcotiques bien connues de certaines variétés.

A cause de sa couleur blanche, le perce-neige suggère la pureté. Pourtant, un peu partout, elle est considérée comme un présage de mort ; on ne doit jamais en offrir à une personne malade.

De toute manière, on pense qu'il est maléfique d'avoir des perce-neige sous son toit puisque même si nul n'est malade, un membre de la famille mourra avant que les perce-neige ne refleurissent. Cette croyance est le fruit d'une association d'idées : les perce-neige ne fleurissant qu'en hiver et cette saison étant riche en maladies et en décès, on peut considérer qu'un tel rapprochement était inévitable dans les esprits primaires de nos aïeux.

 

Jeter du persil, c'était chasser sa chance et le transplanter rendait votre jardin vulnérable aux machinations du diable. Cette croyance a, semble-t-il, des origines romaines, puisque les Romains l'utilisaient pour border leurs tombes. Certaines paysannes se souviennent encore d'un vieil on-dit garantissant que planter du persil, c'était planter des bébés. En Angleterre, on croyait qu'une fille enceinte alors qu'elle ne le désirait pas pouvait se débarrasser du fœtus en mangeant beaucoup de persil ! Et, il n'y a guère, toujours en Grande-Bretagne, on racontait aux enfants qu'ils étaient nés dans un massif de persil.

 

Trouver une cosse de petits pois ne contenant qu'un seul pois est un présage de grande chance. Dans le même esprit, si vous découvrez une cosse renfermant neuf pois, alors jetez-en un par-dessus votre épaule droite, faites un vœu, il sera exaucé.

 

Les fleurs de pissenlits servent de présages d'amour selon le savoir populaire. Si une jeune fille célibataire cueille un pissenlit et souffle sur son aigrette, le nombre de fois qu'elle souffle pour que toutes les « graines volantes » s'envolent indiquera le nombre d'années qu'elle aura à attendre pour se marier.

 

Au Pays de Galles, les pouvoirs du poireau sont établis de longue date. En des temps très reculés, les Gallois frottaient le légume sur toutes les parties de leur corps, persuadés qu'il ies rendrait invulnérables dans les batailles et leur épargnerait les blessures. 

 

La pomme de terre : de nombreuses personnes accordent toujours foi à l'ancienne superstition prétendant que le meilleur remède contre les rhumatismes est de porter dans la poche de son manteau ou de son pantalon une pomme de terre. A la condition expresse qu'elle soit nouvelle et conservée jusqu'à ce qu'elle devienne noire et aussi dure que du bois. En Europe, on dit que les pommes de terre ne doivent jamais être plantées le Vendredi saint ou elles ne pousseraient pas, et que la récolte sera bonne si chaque membre de la famille goûte celle du premier pied arraché. N'oubliez pas de faire un vœu quand vous mangez des pommes de terre nouvelles, pour la première fois de l'année. Aux États-Unis, on pense que si des pommes de terre cuites à l'eau sont desséchées, c'est signe de pluie.

(source : http://angepasseacceuil.chez.com/presage)

 

La nature punitive

Souvent la nature punit l’homme de ses défauts ; les croyances anciennes pour cela sont nombreuses …

-                      La foudre, instrument de la justice divine

L’annonce d’une justice divine, la réponse des dieux venaient souvent de la nature ; les orages, tempêtes ou incendies violents et soudains en étaient souvent le signe évident ; le tonnerre, les éclairs infligent aux hommes les décisions du ciel, c’est-à-dire de Dieu …

 

-                      Les rochers justiciers

Il paraitrait que des rochers se seraient écroulés pour punir des actes ou des paroles impies. Un dimanche soir, neuf jeunes filles se mirent à danser, sans aucun respect pour la sainteté du jour, dans un pré, sur les bords du Gers, en contrebas de grands rochers. Elles n’aient pas achevé la première danse que les blocs se détachèrent et les écrasèrent toutes …

Des enfants, deux garçons et une fille,  jouaient en contrebas d’une grosse pierre qui les surplombait. L’un d’eux, en montrant le rocher, demanda aux autres ce qu’ils feraient si la pierre venait à se détacher subitement. Les deux garçons répondirent qu’ils se sauveraient, et la fillette qu’elle se recommanderait à son ange gardien. Au même instant, la pierre se détacha et broya les deux jeunes bergers sans faire aucun mal à la jeune fille.

Dans la vallée de la Viège, une pierre au milieu des pâturages est appelée la Pierre du Meurtre ; à proximité, des bergers, toujours deux garçons et une fille, creusaient dans l’herbe des trous pour le chemin des âmes, avec soit par un escalier ascendant la voie du ciel, soit par des marches descendantes dans le sol celle du purgatoire et de l’enfer. Le travail achevé, on jette un couteau en l’air et d’après la façon dont il retombe, l’âme monte au paradis ou descend en enfer …

 

-                      Les crapauds justiciers

En Haute Bretagne, une fille maudite par ses parents est poursuivie par un gros crapaud jusqu’au jour où le recteur lui jette de l’eau bénite et lui passe son étole au cou ; cette mésaventure arriva aussi à une fille mère qui s’est débarrassée de ses neuf enfants en les tuant, ou à une femme qui s’était fait avorter trois fois, à une femme qui fit cuire une hostie …

Un conte de Perrault a rendu populaire l’épisode de la fille orgueilleuse qui va à la fontaine et est, en punition de son insolence, condamnée à vomir des crapauds et des serpents à chaque parole.

Les femmes qui refusent un service, refusent la charité, rudoyent quelqu’un d’autre ou font preuve d’insolence, sont punies à devoir cracher des crapauds ; pour les garçons ce sont des vipères …

 

-                      La lune qui fait justice, qui punit des actes d’indécence

La lune fait acte de justicier quand elle est prise à témoin.

Dans plusieurs récits de Bretagne, la lune, adjuré par le larron, le punit aussitôt. Le serment par la Lune y était employé comme l’était aussi celui par le Soleil. Un seigneur qui revenait de la chasse le soir, rencontrant un de ses voisins assez mal famé, qui portait sur son dos plusieurs fagots d’ajoncs secs, l’accusa de les avoir dérobés sur sa lande :

      -    Faites excuse, répondit le paysan, cet ajonc ne vous appartient pas !

-          Jure-le par la Lune que voilà !

-          Que la lune m’engloutisse, si je l’ai pris sur vos terres !

Et comme il mentait, la Lune aussitôt descendit du ciel et l’engloutit.

Des jeunes femmes ou jeunes filles ont mis au monde des « fils de la Lune », que pour cette raison on appelle lunatique. Aux environs de Morlaix, celle qui, sortant en pareil cas lorsque la lune brille, a l’imprudence de se découvrir trop en se tournant vers l’astre, court le risque de concevoir sous son influence et de donner naissance à un être monstrueux ou idiot.

La lune est très facile à irriter ; elle punit la violation d’une règle de décence.

Au Groenland les jeunes filles n’osaient regarder longtemps la lune de peur de devenir enceintes. En Haute Bretagne, une femme enceinte ne doit plus sortir le soir pour ses besoins ; si l’on en voit une se diriger vers la porte, elle se verra dire : « Si tu vas dehors, la Lune se vengera ! »

Parjurer, menacer avec la lune peut couter cher ; vouloir se débarrasser de sa lumière importune également …

-                      La punition de ceux qui violent la défense des arbres

Vers 1840, un bucheron, sur l’ordre réitéré de l’administration des forêts, abattit le chêne Marié – déjà cité plus haut - près duquel on échangeait des serments, et l’on assure qu’il en fut puni peu de temps après, et se tua en tombant du haut d’un peuplier qu’il élaguait.

Vers 1830, l’administration fit abattre les douze chênes bénis de la forêt de Cuse où l’on allait en pèlerinage et dont certains étaient ornés de croix et de madones, où l’on dansait le jour de la Saint-Pierre ; les vieilles femmes du pays prétendent que depuis, il y eut de moindres moissons et vendanges.

Au début du 19ème s, dans la forêt de Vernon, un chêne vénérable fut compris dans ceux que l’on devait faire tomber ; un bûcheron du pays, charger de jeter bas ce patriarche, dit qu’il ne le ferait que si on lui fournissait des haches ; en effet, disait-il, on en avait brisé dix en voulant abattre un chêne sur lequel se trouvait un crucifix. On résolut alors de respecter ce chêne.

A Saint Michel en Grève, les arbres d’une forêt engloutie étaient encore en si grande vénération que lorsque la mer les découvrait après la tempête, on n’aurait pas osé en couper un seul ...

En Suisse, chaque village exposé aux avalanches était dominé par une petite forêt, dite forêt de secours, destinée à arrêter les éboulis ; y couper une moindre branche rendait la main paralysée …

-                      Les actes interdits

Certains actes, selon les croyances populaires, offensent les esprits des météores et attirent leur colère sur les imprudents qui les accomplissent, parfois sur un pays tout entier. En Basse Bretagne, si l’on s’assied sur une table, on provoque les tempêtes et la foudre. En Provence, dire que le ciel est noir porte malheur ; si en temps d’orage, on avait l’imprudence de prononcer cette parole, on pourrait entendre, venant d’une voie inconnue : « C’est ton âme qui est noire ! » Cette réponse est aussi entendue en Normandie et sur le littoral picard par l’esprit de la nue …

En Auvergne, il faut se garder de désigner l’arc en ciel avec le doigt ; en Picardie, celui que l’on étend vers lui peut être coupé ; en Wallonie, dans les Vosges, il y vient un panaris ; dans le bocage normand, en montrant l’orage avec le doigt, on s’expose à être foudroyé.

En Haute Bretagne et en Saintonge, si l’on fait des grimaces ou si l’on baille pendant que le vent tourne, la bouche reste dans la position où elle était quand le vent a changé…

Conclusion 

Autrefois, la nature était un lieu de justice que l’homme avait tout lieu de craindre, autant la nature que la justice ; très souvent, il les subissait, autant l’une et l’autre ; aujourd’hui, l’homme d’une certaine manière ne craint plus grand chose, et alors, à l’inverse, ne faudrait-il pas penser que, désormais, la nature aurait tout lieu de craindre l’homme !

                                                                                                                           YDF, août 2018

 

Sources :

-                      A Cherruel, Dictionnaire des institutions de la France, librairie Hachette, 1884

-                      Paul Sébillot, Croyances, Mythes et Légendes des pays de France, éd. Omnibus, 1904-1906

Notes :



[1]  Les audiences se tiennent ordinairement deux jours la semaine sauf les extraordinaires sur les abondances des affaires et procès qui se rencontrent, ceci jusqu’en 1790.

[2]   Sous le roi Henri III, il y avait en France 285 coutumes …

[3]  Des chaires extérieures existent par exemple à la collégiale Saint-Aubin de Guérande, la cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Nantes, l'église Notre-Dame de Vitré, l'église Notre-Dame de Saint-Lô dans la Manche, l'église Ste Marie de Tremmen en Allemagne, la cathédrale de Prato en Espagne …

[4]   Le podium du garde champêtre, sur le parvis de l’église Saint-Martin à Noyal sous Bazouges (35) : à la sortie de la messe, on y faisait silence pour écouter ce que l’on nommait « les publications »

[5]  La publicité des actes et décisions de justice était autrefois assurée par les criées à l’issue des grand-messes paroissiales, de la façon suivante : « Lecture et publication à haute et intelligible voix a été faite du contenu du présent contrat ce jourd’hui dimanche sixième jour de juillet mil sept cent soixante et six devant le grand et principal de l’église de ….. issue et sortie de la Grande messe paroissiale dudit lieu par nous x…  x…, notaire du roy gardenotte au baillage de … pour le siège de …. et dépendances soussigné, en présence des sieurs x…., témoins à ce appelé et de plusieurs autres paroissiens tous sortis et sortant de ladite église et grande messe paroissiale ; lesquels témoins appelés ont tous ci-dessous signé qu’à pareil acte étant en suite de la minute de présente grosse… 

[6]  Autres établissements créés à partir du 19ème siècle : Mairies, Hôpitaux, Banques de France, Caisses d’Epargne et      autres établissements financiers …

[7]   Le cadastre napoléonien est appliqué en France depuis une loi du 15 septembre 1807 ; précédemment, il existait dans le sud du pays une matrice cadastrale appelée compoix ; un cadastre dit thérésien avait été créé en 1766 dans les territoires sous domination des Habsbourg.

[8]   Voir cette sanction dans les sociétés primitives.

[9]   Les bâtiments du bagne de Brest ont été détruits dans les bombardements de 1944.